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L'ACTUALITE DE LA DANSE 19 mars 2024

AndréAuria d'Edouard Lock, White Darkness de Nacho Duato et Amoveo de Benjamin Millepied à l'Opéra de Paris.

Retour vers le futur
© Anne Deniau

Marie-Agnès Gillot, dans White Darkness de Nacho Duato.

Une reprise, une entrée au répertoire et une création mondiale de Benjamin Millepied : c'est avec ce type de programme tout contemporain que le Ballet de l'Opéra de Paris affirme plus que jamais sa nouvelle personnalité et son ouverture toujours renouvelée. Une soirée en contrastes, superbement dansée.
 

Palais Garnier, Paris
Le 10/11/2006
Gérard MANNONI
 



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  • Programme très structuré pour cette soirée contemporaine où le Ballet de l'Opéra éblouit une fois de plus par la capacité de ses danseurs à s'adapter à tous les styles au plus haut niveau. AndréAuria d'Edouard Lock, belle pièce rigoureuse et assez austère, méritait pleinement d'être reprise. Elle avait été créée ici-même en novembre 2002 et n'a rien perdu de son impact ni de son intérêt. La pureté des lignes, la vélocité des corps mise en valeur par de très savants éclairages, la précision de la répartition de figures qui occupent le plateau plus par groupes isolés que par vastes mouvement collectifs, tout contribue à créer un univers où la sensibilité passe par la géométrie et le dessin du geste.

    Les très esthétiques panneaux imaginés par le scénographe Stéphane Roy participent de cette vision sombre mais débordante de vie et d'énergie. La musique originale de David Lang est indissociable de cette logique où l'on se tient en permanence à la frontière du charnel et de l'abstrait. Il serait injuste de na pas citer tous les interprètes, excellents, investis, visiblement passionnés.

    Émilie Cozette est en pleine évolution, toujours plus libérée et épanouie. Une vraie personnalité qui se révèle. Yann Bridard, que l'on retrouve aussi dans White Darkness, reste l'un des éléments artistiquement les plus personnels et originaux de la compagnie. Et tous les autres s'inscrivent dans la même excellence, Aurélie Bellet et Laurence Lafon, Jean-Philippe Dury, lui aussi omniprésent dans tout ce qui est créatif, Karl Paquette, Stéphane Bullion, Mélanie Hurel, vraiment chez elle dans ce type de répertoire, Caroline Bance, Fanny Fiat et Gil Isoart, lui aussi étonnamment efficace dans tous les styles de toutes les époques.

    White Darkness

    L'entrée au répertoire d'une oeuvre de Nacho Duato était très attendue. Figure majeure de la création actuelle, le directeur de la Compania Nacional de Danza espagnole avait choisi avec Brigitte Lefèvre le très fort White Darkness, commentaire sublimé sur les périls mortels de la drogue. On sait la puissance de l'inspiration et du style de Duato, créateur d'une danse à la fois très souple et très physique, d'exécution complexe mais procurant toujours une impression d'énergie naturelle.

    Sa chorégraphie s'inscrit dans un décor aussi sobre que significatif, avec ces impressionnantes coulées de poudre blanche tombant des cintres, et s'appuie sur une très efficace musique de Karl Jenkins, juste assez dramatique, juste assez pudique. Duato est toujours extrêmement musical, ce qui ajoute encore à cette sensation de large déploiement d'énergie spontanée que procurent ses chorégraphies.

    White Darkness bénéficie de deux interprètes d'exception, Marie-Agnès Gillot, magistrale dans cette incarnation de violence désespérée, et Wilfried Romoli, impressionnant d'humanité, de conviction, avec une magnifique qualité de danse. Cette qualité, cette conviction, on les retrouve aussi chez les quatre autres couples qu'il serait inexact de qualifier de secondaires, tant tout un chacun est ici indispensable à l'osmose générale. Il s'agit de Laure Muret et de Stéphane Phavorin, d'Alice Renavand et de Vincent Chaillet, deux vraies personnalités en pleine épanouissement, de Muriel Zusperreguy et Simon Valastro, d'Aurélie Bellet et Yann Bridard, une savante alchimie réunissant quasiment tous les grades de la compagnie dans une fascinante énergie créatrice.

    Création de Benjamin Millepied

    La création de Benjamin Millepied, Amoveo, était naturellement l'autre grand objet de curiosité du programme. Trente ans, danseur au New York City Ballet, quelques oeuvres à son actif dont un Casse-Noisette à Genève loué par tous, Millepied joue gros en concluant une soirée aussi intense. Il a su étonner, surprendre, charmer et faire réfléchir, grâce à son imagination, à son indubitable talent de créateur et à l'équipe dont il s'est entouré, Paul Cox pour les décors, Marc Jacobs pour les costumes et Patrice Besombes pour les éclairages.

    Amoveo est une pièce d'un style inhabituel, d'une facture qui peut dérouter par son originalité car beaucoup plus nouvelle qu'il n'y paraît tout d'abord, même si elle traite d'un thème aussi intemporel et éternel que celui de l'amour. En effet, si l'on veut chercher, comme c'est inévitable, à définir ou à décrire le style de ce ballet, on doit reconnaître que classique ne convient pas plus que ce que l'on nomme d'ordinaire néoclassique ou contemporain.


    Un style « néo-ballets russes Â»

    C'est un peu tout cela à la fois, et l'on serait tenter de forger un nouveau qualificatif, celui de « néo-ballets russes Â». Comme chez Diaghilev, il y a en effet un vrai esprit d'aventure, de découverte, avec une excellente musique – des extraits d'Einstein on the beach de Philip Glass interprétés à la perfection par le Choeur Accentus, des solistes et un récitant de haut vol – une scénographie novatrice, hardie, oeuvre d'un authentique créateur et participant absolument à la vie du spectacle et de la danse.

    S'ajoute un vrai travail de création pour les costumes, surprenants, personnels, raffinés, même s'ils ne flattent pas toujours la silhouette des danseurs, mais en parfaite osmose avec les idées du chorégraphe. Et puis, bien sûr, une chorégraphie qui prend ses sources dans le langage classique, s'en libère, le modèle à sa manière, montre ses affinités avec toute l'école néoclassique américaine, mais s'avance encore sur d'autres chemins personnels, sans tomber pour autant dans aucun des trucs à la mode qui pullulent partout ces dernières années. Il y a de la noblesse dans la gestuelle, de l'imagination dans la gestion des groupes, des trouvailles dans le travail de bras comme dans le rapport au sol, un pas de deux d'anthologie par sa science du ralenti, de la fusion progressive des corps et de la manière dont se colore et s'organise peu à peu un climat d'intimité.

    L'énergie est sous contrôle, déployée à bon escient seulement, car l'univers de Millepied n'est pas celui de l'agression ni de la violence, ni d'une danse athlétique ou extérieure. Elle est en phase avec la séduction des couleurs et de la matière des costumes, avec la présence vivante de cette toile de fond claire et colorée en mouvance perpétuelle, qui nous rappelle la lente progression du décor d'Einstein on the beach.

    © Anne Deniau

    On est dans la lumière, mais une lumière sans agressivité, attirante. En tous domaines les références sont multiples, à des temps récents, à des temps présents, à des temps à venir, en gestation. Elle sont transcendées par cette culture nouvelle de créateurs jeunes à la sensibilité forgée aujourd'hui, sans frontières, sans exclusives, dans un renouveau de l'alliance des arts plastiques et de la danse. Comme aux Ballets russes, mais avec le vécu d'un siècle de plus, comme un siècle séparait déjà Diaghilev des balbutiements du ballet romantique.

    Une critique ? Il y en aurait sûrement à formuler, mais ce n'est ici ce qui importe. On remarque par exemple une certaine difficulté à vraiment parfaire la fusion entre les masses et les deux solistes qui semblent venir parfois un peu en invités au lieu de s'intégrer avec naturel, mais avec Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche, Millepied tient deux si fortes personnalités que la tâche n'est guère aisée à cet égard. Ils s'imposent l'un comme l'autre avec une aisance impérieuse, un éclat irrésistible, soutenus par une vingtaine d'autres danseurs ardents à défendre l'oeuvre nouvelle, à se jeter avec autant de bravoure que de talent dans ce passionnant combat qu'est une création mondiale.

    Amoveo est une oeuvre riche, multiple, difficile à jauger dans sa totalité à première vision, le type même de création qui vous laisse mille questions en tête, ouvrant bien des perspectives auxquelles on ne s'attendait pas.




    Palais Garnier, Paris
    Le 10/11/2006
    Gérard MANNONI

    AndréAuria d'Edouard Lock, White Darkness de Nacho Duato et Amoveo de Benjamin Millepied à l'Opéra de Paris.
    Andréauria
    chorégraphie : Edouard Lock
    musique : David Lang
    scénographie : Stéphane Roy
    costumes : Liz Vandal
    éclairages : John Munro
    pianos : Denis Chouillet & Frédéric Lagnau

    White Darkness
    chorégraphie : Nacho Duato
    musique : Karl Jenkins
    décors : Jaffar Chalabi
    costumes : Lourdes Frias
    éclairages : Joop Caboort

    Amoveo
    chorégraphie : Benjamin Millepied
    musique : Philip Glass
    décors : Paul Cox
    costumes : Marc Jacobs
    éclairages : Patrice Besombes

    Choeur de chambre Accentus
    direction et orgue : Nicolas Muhly

    Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra national de Paris.

     


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