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L'ACTUALITE DE LA DANSE 26 avril 2024

Création de Robyn Orlin / L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato à l'Opéra de Paris.

Le grand rêve de Robyn Orlin
© Maarten Vanden Abeele / Opéra national de Paris

Très attendue par tous ceux qui suivent la vie du Ballet de l'Opéra et par ceux qui suivent la carrière de la chorégraphe sud-africaine, cette création de Robyn Orlin est un complexe assemblage de plusieurs modes d'expression artistiques dont les contrastes et les affrontements finissent par bâtir un spectacle fort et porteur d'un message perturbant.
 

Palais Garnier, Paris
Le 23/04/2007
Gérard MANNONI
 



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  • Il est évident qu'un spectacle comme celui-ci est de nature à perturber le public traditionnel du Ballet de l'Opéra, même s'il a beaucoup évolué ces dernières années grâce à l'imagination et aux paris de la programmation. Nous sommes, il est vrai avec cet Allegro, aux limites de la danse, tant celle-ci finit par n'être qu'un élément parmi d'autres dans ce qui constitue un « objet chorégraphique Â» plus qu'un ballet.

    À la base, nous trouvons trois éléments bien différents, représentant chacun un univers très particulier. Il y a la musique de Haendel et le texte inspiré par le sublime poème de Milton. Nous sommes alors en plein hédonisme, dans une nature amie qui pousse à la contemplation, à l'introspection douce, où l'on peut s'adresser à des divinités fraternelles que l'on sait promptes à exaucer nos vœux.

    On a certes des états d'âme, mais dans le contexte raffiné et bienséant d'un langage musical et poétique sur lequel est fondée notre culture européenne et occidentale. C'est rassurant, familier, équilibrant, dans le climat d'une nostalgie qui ne touche jamais au désespoir ni encore moins à l'agressivité.

    © Maarten Vanden Abeele / Opéra national de Paris

    William Christie, ses musiciens dans une fosse surélevée, ses choristes installés dans les premiers rangs des fauteuils d'orchestre, pris d'abord pour des spectateurs et causant un vrai choc lors de leur première intervention, quatre solistes vocaux qui participent à l'action scénique de manière convaincante et avec conviction sont en charge de cet univers.

    La soprano Kate Royal a autant de charme vocal que physique, la basse Roderick Williams est parfaitement adéquate à tous égards, tout comme le jeune Eric Price du Tölzer Knabenchor, impertinent d'aisance musicale et d'abattage. Un peu en retrait, le ténor Toby Spence ne démérite pas, sans vraiment séduire. Christie mène tout son monde avec son légendaire enthousiasme, son magistral sens de toutes ces musiques et une attention permanente aux danseurs.

    Par ailleurs, sur un immense écran faisant un grand tiers de l'ouverture de scène en largeur et en hauteur à partir des cintres défile en permanence un film qui semblerait raconter tout autre chose. Images d'abord paisibles et humoristiques, faisant appel de manière un peu sacrilège aussi bien à de gros canards en plastique flottant sur des piscines sacrées qu'à l'image des danseurs filmés en direct sur le plateau et apparaissant en même temps sur l'écran d'une manière aussi décalée et incongrue que dans le travail de José Montalvo et Dominique Hervieu. L'image virtuelle fait désormais partie du langage de la danse.

    Et puis, ces visions d'un autre monde se dramatisent peu à peu, pour devenir radicalement violentes, poignantes, fortes, à la limite parfois du supportable. La misère et les drames d'une certaine Afrique du Sud, pays de la chorégraphe, la Palestine, le tsunami apocalyptique, l'effondrement des tours du World Trade Center le 11 septembre, ou même un simple visage de migrant, absolument poignant dans sa désespérance.

    De l'insouciance, nous sommes passés aux grands drames de notre monde, à sa violence volontaire ou subie, à l'infinie petitesse de l'homme face au mal qu'il crée ou à celui qu'il subit de la part d'une mère nature qui n'a plus rien à voir avec celle de Milton et de Haendel, du moins en apparence. À ce stade, il y a déjà l'affrontement très parlant de deux visions de la vie et de la place de l'homme sur terre.


    © Maarten Vanden Abeele / Opéra national de Paris

    Et entre les deux, à la fois géographiquement puisque sur le plateau lui-même, et intellectuellement, Robyn Orlin installe son propre monde chorégraphique. Comme toujours, c'est à la fois fait de bouts de ficelles et de beaucoup d'imagination, avec une sorte de liberté laissée à l'initiative des danseurs dans la préparation du travail, mais une liberté dûment orientée vers un but final, celui de créer un chaos à la fois dérisoire, ludique, dérangeant pour la raison et les sens, à mi-chemin entre le gag de music-hall et le grand divertissement style Plaisir de l'île enchantée, avec des costumes aberrants, cassant surtout les codes établis par notre culture européenne et ancestrale face aux références des deux autres univers présents.

    C'est inattendu, coloré, parfois beau, souvent agaçant, avec trop de temps morts, mais c'est un véritable univers quand même, troisième élément dynamique de la dialectique mise en oeuvre par le spectacle. Du choc de ces trois mondes, de leur cohabitation contradictoire, de leurs possibilités de réconciliation, des interrogations qui surgissent en nous, du scandale que cela peut susciter chez certains, bref, de cet ensemble d'impressions tumultueuses naît un vaste commentaire en forme de rêve sur nous, notre monde, ce qu'il est, ce qu'il pourrait être, ce que nous en faisons, comment nous nous situons face à lui et en lui.

    Des danseurs sous-employés ?

    Les danseurs de l'Opéra sont-ils sous-employés parce qu'ils ne nous gratifient pas de leurs pirouettes, grands jetés, manèges et autres prouesses techniques habituelles ? Certainement pas. On peut même dire que cette chorégraphie ne prend tout son sens que parce que ce sont eux qui la défendent avec leur incomparable talent qui va bien au-delà des démonstrations techniques.

    Alors, il faut dire que les solistes, Nicolas Le Riche, Yann Bridard, Alice Renavand, mais aussi tous les autres, nous étonnent une fois de plus, par la multiplicité des moyens d'expression qu'ils emploient. Il faut néanmoins reconnaître que l'émotion vient trop rarement de la danse elle-même, assez perdue, noyée, voire écrasée par la musique et la vidéo magistralement réalisée par Philippe Lainé. Mais elle est indispensable dans ce complexe jeu trinitaire initié par Robyn Orlin et qui nous propose l'un des spectacles forts, perturbants, nouveaux de cette fin de saison.

    Il fallait tenter ce pari et les forces artistiques de l'Opéra ont joué à fond le jeu de manière irréprochable. L'entreprise est d'ailleurs de nature à exciter la curiosité quant à l'expérience Berlioz-Sasha Waltz-Gergiev de la rentrée prochaine, dont les données de base ne sont pas si différentes.




    Palais Garnier, Paris
    Le 23/04/2007
    Gérard MANNONI

    Création de Robyn Orlin / L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato à l'Opéra de Paris.
    Robyn Orlin / L'Allegro, il Penseroso ed il moderato
    Création mondiale

    Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
    L'Allegro, il Penseroso ed il moderato, ode pastorale en trois parties HWV 55 (1740)
    Livret de Charles Jennens d'après John Milton
    chorégraphie et vidéo : Robyn Orlin
    Réalisation vidéo Philippe Lainé
    Costumes Olivier Bériot
    Eclairages : Marion Hewlett

    Kate Royal, soprano
    Toby Spence, ténor
    Roderick Williams, basse
    Eric Price, soliste du Tölzer Knabenchor

    Choeur et Orchestre des Arts Florissants
    direction : William Christie

    Avec les danseurs :
    Nicolas Le Riche, Yann Bridard, Alice Renavand

    Caroline Bance, Miteki Kudo, Béatrice Martel, Céline Talon, Alexandra Cardinale, Christelle Granier, Charlotte Ranson, Ninon Raux, Ghyslaine Reichert

    Josua Hoffalt, Yong Geol Kim, Simon Valastro, Sébastien Bertaud, Vincent Chaillet, Vincent Cordier, Aurélien Houette, Alexis Renaud

    les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra national de Paris

     


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