Dans le dernier spectacle de Maria Pagés, on est dans un tel épuisement du cliché ibérique que l'on peut raisonnablement se demander à quoi purent bien ressembler les précédents et ce qu'elle compte imaginer de nouveau pour les prochains. Un peu la même chose probablement. Le flamenco a toujours tendance à tourner en rond sur lui-même. C'est le cas de le dire. En vertu de son titre Volver a Sevilla (Revenir à Séville), ce spectacle n'a en tous cas pas à se justifier. D'ailleurs, ce n'est pas le genre de la maison.

Le flamenco, ça ne rigole pas. On pourrait même s'interroger sur le degré de masochisme nécessairement inhérent à tout amateur de zapateo ; cette façon tout de même de vouloir s'en faire imposer une heure et demie durant par un tel martèlement de talon au sol. Une envie de se faire piétiner ? Et observez bien la danseuse, la hanche ensorcelante, bras de méduse et regard de braise jusqu'à ce que tout à coup, la voilà qui se retourne et vous assomme d'un coup de sa longue traîne de frous-frous écarlates. On pense à quelque créature entre la sirène, le saurien et le poulpe en colère. Il faut, c'est sûr, un certain goût pour les maîtresses.

Maria Pagés est une immense danseuse, par la taille comme par le talent. Nous ne prétendrons pas être grand connaisseur, toutefois il semble assez clair que ce qu'elle fait ne relève pas du flamenco le plus pur et le plus austère. Mais ce qu'elle fait en tous cas, il n'y a personne d'autre pour le faire. C'est physique, et sa troupe n'est pas mal non plus. Elle est même absolument parfaite.

Tout cela tourne, ralentit, accélère avec une force, un rythme et une synchronicité jubilatoires. On s'attache néanmoins à certains et certaines plus particulièrement. Question de duende ; ah, ce fameux doigté sévillan ! Aussi de belles et grandes voix se font entendre comme parvenues à nous du fin fond de l'Andalousie. Ce sont Ismael de la Rosa et Ana Ramon accompagnés des musiciens et toute cette tapageuse jeunesse.

Volver a Sevilla ne raconte rien de prĂ©cis, Ă  part Ă©grener les images d'Épinal. Dans le programme toutefois, Maria PagĂ©s dit de SĂ©ville cette bien jolie chose : « c'est tout ce qui manque Ă  la terre pour pouvoir toucher le ciel ; SĂ©ville est un mystère Â». Plus prosaĂŻquement, nous y avons surtout vu beaucoup de lieux communs, la grand-place, la taverne, l'arène, dĂ©clinĂ©s avec ce qu'il faut de plein soleil, loupiottes multicolores ou clair-obscur mauresque ; d'ailleurs plutĂ´t rĂ©ussis. On y voit forcĂ©ment la Vierge et l'on entend bien Ă©videmment Carmen, grande sadique malgrĂ© elle.

Rien à redire, la pochette de cartes postales est bien remplie et la garde-robe époustouflante. Pour autant, le spectacle se conclut sur un méga standard italien, on ne dira pas lequel, mais chanté en version espagnole tout de même. Et dans ce tableau bleuté, d'une réussite absolue, on croit voir un instant, juste avant qu'elle ne disparaisse, s'animer lentement et tournoyer la légendaire gitane de nos vieux paquets de cigarettes. Assez magique !