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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
27 avril 2024 |
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Création du Labyrinthe et d'Androgyne de Claude Brumachon au Centre chorégraphique national de Nantes.
Le corps et la voix
Les chorégraphes contemporains aiment réunir chanteurs et danseurs dans une même création. Claude Brumachon propose ce mariage dans les deux brèves pièces qu'il vient de créer au Théâtre Graslin de Nantes. Un exemple inspiré de poésie et d'intelligence.
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Difficile de savoir qui fut le premier à pratiquer cette alliance sur scène de chanteurs et de danseurs. Il y eut des exemples où le chanteur ne bougeait guère, comme dans les Chants du compagnon errant de Maurice Béjart, alors que du même Béjart, Serait-ce la mort ? fut créé avec la cantatrice Arlene Saunders qui évoluait avec les danseurs en chantant les Quatre derniers Lieder de Strauss. Et puis, plus près de nous, Pina Bausch et Robyn Orlin ont poussé bien plus loin la cohabitation scénique de ces deux catégories d'interprètes. Brumachon y revient pour ces deux pièces très fortes et très différentes.
Androgynes, c'est à la fois la fusion et l'affrontement de trois corps dont l'un s'exprime aussi par le chant, des pages pour ténor de Benjamin Britten en l'occurrence. Il y a l'homme, Claude Brumachon, la femme, Claire Richard et celui qui chante aussi, le ténor Vincent Lièvre-Picard. À la fois semblables et dissemblables, en miroir ou en opposition, sur des structures de mouvements et de déplacements dont l'apparente simplicité dissimule une vraie subtilité architecturale et psychologique, ils nous proposent en fait un voyage à l'intérieur de nous-mêmes.
Qui sommes-nous, profondément ? Que savons-nous de notre identité ? Quels points de repères avons-nous pour nous identifier par rapport à l'autre, toujours si semblable et si différent, si proche et si lointain, si irritant par son omniprésence mais si indispensable ? L'Enfer, disait Sartre, c‘est les autres. Mais si c'était aussi le Paradis ? Il faut ici souligner à quel point ce jeu à trois fonctionne bien, notamment grâce à l'osmose qui se crée avec le chanteur, au corps quasiment aussi agile que celui des danseurs, mais apportant quand même une dimension différente.
Dans le Labyrinthe, extrêmement bien dansé par Benjamin Lamarche, Vincent Blanc, Lise Vassier, Elisabetta Gareri, et avec la cantatrice Sandrine Sauter, elle aussi totalement investie dans le mouvement avec les danseurs, on part d'une autre base, celle du mythe d'Ariane et du Minotaure bien sûr. Autre type de recherche, de confrontation avec l'invisible, l'inconnu et toutes les terreurs qu'il peut inspirer.
Ici, les forces s'affrontent d'une autre manière, dans les costumes très significatifs de Jacqueline Brochet et Claude Brumachon, sur la musique du Lamento d'Ariane de Monteverdi et de Ariadne-Teseo de Franck Villard. L'émotion est plus directe, plus lyrique par nature, le trajet suit une route mieux connue, mais les sensibilités restent personnelles, originales, la voix et les corps nous entraînant sur des chemins où émotions physiques et questionnement alternent habilement, s'entrechoquent parfois pour nous mener hors des idées reçues, des réflexes conditionnés.
C'est plus spectaculaire qu'Androgynes, plus adapté sans doute à la vaste scène de l'historique Théâtre Graslin, mais peut-être moins provocant. Tout cela confirme l'évolution permanente du travail de Brumachon et de Lamarche, travail d'une intégrité et d'une sincérité absolues, sans démagogie, sans souci de plaire aux tendances à la mode, aussi artificielles que fugitives.
Comme les chorégraphes les plus marquants de leur génération, ils sont eux-mêmes, poursuivant leur tâche de créateurs sans chercher l'affiliation aux chapelles les plus courues. Ils ont raison, car ils se renouvellent tout naturellement et chacune de leurs pièces est une aventure à découvrir, différente des précédentes et pourtant dans la logique d'un style, d'une pensée, d'une sensibilité. Sur la distance, le public préfère ce type de fidélités aux propositions aussi croustillantes qu'éphémères.
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Théâtre Graslin, Nantes Le 09/03/2008 Gérard MANNONI |
| Création du Labyrinthe et d'Androgyne de Claude Brumachon au Centre chorégraphique national de Nantes. | Androgynes
chorégraphie : Claude Brumachon
musique : Benjamin Britten
Création et régie lumière : Olivier Tessier
régie son et enregistrement : Anthony Baizé
costumes : sur une idée de Claude Brumachon
Avec Claude Brumachon, Claire Richard, Vincent Lièvre-Picard.
Le Labyrinthe
chorégraphie : Claude Brumachon
musique : Monteverdi et Franck Villard
création et régie lumières : Olivier Tessier
régie son : Anthony Baizé
costumes : Jacqueline Brochet et Claude Brumachon
masque : Francis Debeyre
régie générale : Jean-Jacques Brumachon
Avec Vincent Blanc, Lise Fassier, Elisabetta Gareri, Benjamin Lamarche, Sandrine Sutter et Diego Salamanca (guitare et théorbe).
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