|
|
L'ACTUALITE DE LA DANSE |
19 avril 2024 |
|
Nouvelle distribution pour la Dame aux camélias de John Neumeier à l’Opéra de Paris.
Bullion joue et gagne
Stéphane Bullion, Premier Danseur, a relevé avec panache un défi, celui de remplacer l’Étoile Hervé Moreau, blessée, pour les captations de la Dame aux camélias de John Neumeier. Aux côtés de la grande Étoile Agnès Letestu, une démonstration de professionnalisme et de talent.
|
|
L’amour virtuose
Ivresse grecque
Flambeau partagé
[ Tout sur la danse ]
|
Rien de moins routinier qu’une série de ballets à l’Opéra national de Paris. Il se passe toujours quelque chose ! Une grève oblige à donner Casse-Noisette sans costumes et c’est la nomination d’une Étoile qui transforme la soirée en fête. Un danseur Étoile distribué pour le film de la Dame aux camélias se blesse le soir de la première, un Premier Danseur, prévu plus tard dans le même rôle pour un seul spectacle, est là pour prendre la relève et mener la soirée à son terme.
Et c’est lui qui, finalement, fera le film. Dommage pour l’excellent Hervé Moreau, dont c’est un grand rôle. Et tant mieux pour Stéphane Bullion, car ces occasions font souvent la carrière d’un danseur. À condition toutefois de ne pas rater son coup ! Reconnaissons d’ailleurs que, vu la qualité de la compagnie, les mauvaises surprises en ce domaine sont très rares à l’Opéra.
Stéphane Bullion avait déjà dansé un premier grand rôle, celui d’Ivan le Terrible de Youri Grigorovitch lors de l’entrée du ballet au répertoire de l’Opéra en 2003, et l’avait repris en Russie à la demande du chorégraphe en 2005. Plus récemment, il avait été un magnifique Morel dans les Intermittences du cœur de Roland Petit. On ne saurait donc être surpris de le voir se lancer avec succès dans la périlleuse aventure d’assumer pour la première fois un rôle aussi lourd que celui d’Armand pour le tournage d’un film destiné à la télévision et à un DVD.
Lors de son deuxième spectacle, il montre autant de sûreté technique que d’instinct dramatique. Avec ce physique romantique idéal fait de virilité et de fragilité, il est d’emblée le personnage d’Armand, mais pour le rendre vivant et intéressant sur scène aux côtés d’une Agnès Letestu fulgurante à tous égards, boucles noires et œil bleu pourraient vite se révéler des arguments insuffisants.
Bien au contraire, Bullion habite immédiatement son personnage, fait de timidité et d’irrépressibles élans passionnés, modulant toutes les nuances de cet amour impossible, mal maîtrisé, décalé, qui finit par lui échapper. Parallèlement, la danse est très sûre, ample, brillante dans les passages les plus périlleux, comme la variation désespérée qui met fin au II, avec jetés et sauts acrobatiques, manège prestissimo et parcours frénétiques, ou encore dans ces fameux portés acrobatiques assez terrifiants qui sont l’une des caractéristiques de cette très riche chorégraphie.
Il faut dire qu’Agnès Letestu est à nouveau absolument royale quant à la danse, pieds magnifiques, travail de bras d’une grâce et d’une expressivité de chaque instant, visage exprimant les mille humeurs de cette héroïne au destin si tourmenté, de la coquetterie à la passion, de l’indifférence au désespoir, de la lutte à l’abandon. La grande ballerine, dont on connaît l’intelligence et la générosité, a beaucoup contribué à installer son jeune partenaire dans le contexte périlleux de ces spectacles, qui plus est dans une distribution très brillante, comme nous l’avions déjà souligné dans ces colonnes.
À 27 ans, Premier Danseur depuis le dernier concours interne de décembre 2007, Stéphane Bullion achève d’imposer sa personnalité au sein de cette vaste compagnie. Nul doute que Brigitte Lefèvre saura à l’avenir tirer toutes les conclusions d’un choix courageux qui fut le sien et du succès qui en a résulté, car le public a très vigoureusement manifesté son enthousiasme.
Quelques jours auparavant, le 25 juin, une autre distribution avait permis de constater à quel point Manuel Legris, dans le rôle d’Armand, est toujours un technicien, un acteur et un interprète unique à ce niveau dans le monde de la danse. Delphine Moussin abordait le rôle de Marguerite. Elle est était est superbe de sensibilité, de présence, avec une bouleversante intensité intérieure contrastant avec ce physique dont la fausse fragilité est idéalement romantique.
Encore un grand rôle qui sied à la perfection à cette si belle ballerine. Excellent Gaston Rieux de Nicolas Paul dans cette même distribution où Mélanie Hurel incarnait Prudence avec de manière très intéressante et où Andreï Klemm, artiste invité, donnait une présence particulièrement forte au personnage de Monsieur Duval.
| | |
|
Palais Garnier, Paris Le 05/07/2008 GĂ©rard MANNONI |
| Nouvelle distribution pour la Dame aux camélias de John Neumeier à l’Opéra de Paris. | La Dame aux camélias
chorégraphie : John Neumeier
musique : Frédéric Chopin
décors et costumes : Jürgen Rose
Ă©clairages : Rolf Warter
Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris. | |
| |
| | |
|