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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
19 avril 2024 |
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Hymnen, de Didier Deschamps, Lia Rodriguez et Gérard Fromenger au Théâtre national de Chaillot, Paris.
Savantes géométries pour musique savante
Créé en 2007 pour le Ballet de Lorraine par Didier Deschamps son directeur, Lia Rodriguez et le peintre Gérard Fromenger, Hymnen utilise une complexe musique électronique composée à la fin des années 1960 par Karlheinz Stockhausen. Un défi presque impossible mais intelligemment relevé, une symphonie visuelle chargée de mille messages.
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Là où la musique de Stockhausen, typique de cette fin des années 1960 où tout se devait d’être révolutionnaire, se plaît à semer une certaine confusion sonore, le travail des deux chorégraphes et de Gérard Fromenger, créateur des couleurs, s’effectue dans le sens de la clarté, de l’épure, de la sensibilité, voire de la sensualité.
Et il n’était pas facile d’extirper cela d’un univers sonore volontairement provocateur où se mêlent hymnes nationaux savamment déformés, bruits de restaurants, de radios brouillées et sons purement fabriqués. Il fallait en quelque sorte aller au-delà des apparences pour retrouver les grandes lignes de force d’une musique très solidement construite, faite de sons travaillés avec une grande maîtrise des moyens les plus sophistiqués disponibles alors.
Nous sommes en effet ici au cœur d’une certaine musique très savante, alors aux mains de quelques spécialistes, scientifiques inspirés, voire visionnaires comme Stockhausen, qui savaient passer de la machine à l’instrument et à la voix ou les mélanger avec une technique aussi sophistiquée qu’imparable. Passionnante, souvent très belle, la partition révèle une imagination et surtout un respect de la vraie qualité sonore qui manquent tellement à la plupart de ce qui accompagne aujourd’hui la création contemporaine.
Chargé des couleurs, Gérard Fromanger a conçu une subtile gradation qui s’expose sur le vaste écran d’abord blanc du fond de la scène et se communique ensuite à une partie des costumes, chaque entrée voyant s’ajouter une couleur, pour parvenir au final à une symphonie visuelle que l’on peut charger de mille messages, ceux d’une fraternité dans la diversité comme le prônaient certaines idéologies de mai 68 et Maurice Béjart dans ses ballets d’alors, où tout autre idée humanitaire intemporelle, ou encore tout simplement esthétique.
Car l’habileté de la chorégraphie de Didier Deschamps et Lia Rodriguez est justement d’avoir déployé cette grande trentaine de danseurs dans des géométries qui rendent justice au très rigoureux travail des structures sonores de la musique, tout en apportant une fluidité, une sensualité bien humaines. Lignes, cercles, rondes, agencements divers des groupes ou intimité du contact des corps multiples ou en duos et trios, tout reste fidèle au texte musical en l’extrapolant, en l’élargissant, en lui donnant des horizons plus vastes.
C’est habile, bien pensé et bien fait, bien interprété aussi par les danseurs du Ballet de Lorraine. Et ces presque deux heures de danse et de musique qui pourraient n’être qu’arides se révèlent un intéressant moment de spectacle complet, assez hors du temps, mais qui est une vraie leçon sur le travail chorégraphique possible à réaliser sur ce type de monde sonore pour tous ceux qui actuellement s’y essayent en ne faisant que patauger piteusement dans de désagréables approximations.
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Théâtre national de Chaillot, Paris Le 05/03/2009 Gérard MANNONI |
| Hymnen, de Didier Deschamps, Lia Rodriguez et Gérard Fromenger au Théâtre national de Chaillot, Paris. | Hymnen
musique : Karlheinz Stockhausen
chorégraphie : Didier Deschamps & Lia Rodriguez
couleurs : GĂ©rard Fromenger
costumes : Atelier du CCN-Ballet de Lorraine, Martine Augsboucger & Pahly Yoeueng
lumières Olivier Bauer
Avec les danseurs du Ballet de Lorraine | |
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