|
|
L'ACTUALITE DE LA DANSE |
28 mars 2024 |
|
Entrée au répertoire du ballet de l’Opéra national de Paris de Troisième Symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier à l’Opéra Bastille.
Neumeier-Mahler (1) :
Bouleversantes géométries
Jérémie Bélingard
Très gros succès remporté à la Bastille par cette Troisième symphonie de Gustav Mahler chorégraphiée par John Neumeier en 1974 et 1975, et qui connaît son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris. En attendant deux autres distributions, la grande rigueur des formes parvient à engendrer une profonde émotion soutenue par la puissance de la partition musicale.
|
|
Ivresse grecque
Flambeau partagé
Fulgurante beauté
[ Tout sur la danse ]
|
Comme la plupart des grands ballets de John Neumeier, cette Troisième Symphonie de Mahler n’est pas une chorégraphie à effets destinée à mettre en vedette la virtuosité d’une ou deux Étoiles. C’est un travail collectif ayant pour axe plusieurs interventions de différents solistes à des degrés divers, même si l’un d’entre eux est traité de façon dominante. Une variété de tempéraments, de sensibilités, de physiques, peuvent s’y exprimer.
Comme l’a dit Neumeier, c’est un ballet dédié à toute sa compagnie dont il est emblématique, une sorte d’hymne, dont son rapport intime, personnel, avec la partition de Mahler est l’inspiration, la justification, l’élément dynamique principal. Il en résulte un très savant travail d’architecture corporelle, tant au niveau des ensembles qu’à celui du corps de chaque danseur.
Dans un entretien accordé à Altamusica, le grand chorégraphe racontait récemment comment, à partir du quatrième mouvement créé seul lors d’un gala à Stuttgart en hommage à John Cranko en 1974, il avait ensuite chorégraphié toute la partition créée dans sa totalité en 1975 et avait alors projeté de traiter toutes les symphonies de Mahler.
À ce jour, il ne lui reste que la 2e et la 8e à aborder, ce qu’il hésite à faire car elles nécessitent d’énormes masses musicales. La 3e symphonie est donc un point de départ, mais aussi, curieusement, un véritable aboutissement dans la recherche que Neumeier initiait alors pour trouver de nouvelles formes d’expression convenant à des ballets non anecdotiques.
La complexe sobriété de la gestuelle et de la construction des ensembles est tellement aboutie que l’on y voit aujourd’hui beaucoup plus la définition achevée d’un style qu’une exploration de voies nouvelles. Il est vrai que, toutes proportions gardées et en restant conscient du côté relatif de ce genre de comparaisons, on trouve à la même époque des préoccupations esthétiques d’une ordre semblable chez Béjart qui travaillait d’ailleurs aussi sur cette partition.
Neumeier précise également qu’il ne cherche absolument pas à illustrer le programme annoncé par Mahler, mais bien à exprimer ce qu’il ressent lui-même à l’écoute de cette musique, expérience intime, profonde, proche de la confession. D’où l’intensité du contenu émotionnel des images qu’il propose, qu’il s’agisse de solos, de duos ou d’ensembles où les éclairages jouent un rôle prépondérant. Disons même que ce sont ces larges ensembles imaginés avec un tel esprit d’invention qui émeuvent le plus, avec aussi la diversité expressive des multiples portés, véritable langage que Neumeier n’a jamais cessé de développer ni d’utiliser de façon magistrale depuis.
Ĺ’uvre fondatrice
Une œuvre fondatrice dont les deux heures s’écoulent sans que l’attention faiblisse, sans que l’œil se lasse des multiples figures si expressives qu’on lui propose, sans que l’oreille, bien sûr, ne cesse de s’émouvoir elle aussi. Deux heures de grande portée émotionnelle, une fois encore, avec ce moment bouleversant du quatrième mouvement, pas de trois qu’avaient créé Marcia Haydée, Richard Cragun et Egon Madsen et que dansent ici Delphine Moussin, Nicolas Le Riche et Stéphane Bullion.
Cette première distribution réunit forcément de nombreux solistes avec quatre Étoiles et sept Premiers Danseurs, sans compter quelques Sujets. Malgré des problèmes de synchronisation assez gênants chez les solistes hommes au début, dus sans doute à la forte personnalité de chacun, mais qui disparaîtront certainement au fil des spectacles, on doit reconnaître que la compagnie excelle aujourd’hui dans ce type de danse où l’expression, l’interprétation intérieure prime.
Elle y est souvent plus à l’aise que dans le classique pur où les vrais stylistes se raréfient et qui paraît moins motiver les jeunes générations. Mais en l’occurrence, la présence conjointe d’individualités comme Nicolas Le Riche, Jérémie Bélingard, Stéphane Bullion, Alessio Carbone, Christophe Duquesne, Karl Paquette, Clairemarie Osta, Delphine Moussin, Mélanie Hurel, Eleonora Abbagnato et Nolwenn Daniel est d’un impact indiscutable et d’une qualité que peu de compagnies peuvent aujourd’hui assumer dans ce répertoire.
Et comme lors du spectacle Béjart de fin d’année, on ne peut qu’admirer le travail du Corps de ballet qui s’affirme bien comme un personnage à part entière lui aussi. Et soulignons encore le très efficace travail de Madjid Hakimi qui a réalisé les éclairages.
La belle interprétation orchestrale donnée par l’Orchestre de l’Opéra national de Paris dirigé par Klauspeter Seibel et la présence vocale adéquate de la mezzo Dagmar Peckova ajoutent encore à la qualité d’ensemble de cette entrée au répertoire qui va connaître deux autres distributions dans les jours qui viennent.
Opéra Bastille, jusqu’au 11 avril.
| | |
|
Opéra Bastille, Paris Le 13/03/2009 Gérard MANNONI |
| Entrée au répertoire du ballet de l’Opéra national de Paris de Troisième Symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier à l’Opéra Bastille. | Troisième symphonie de Gustav Mahler
chorégraphie, décors et éclairages : John Neumeier
Dagmar Peckova, mezzo soprano
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Klauspeter Seibel
préparation des chœurs : Alessandro Di Stefano
Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris. | |
| |
| | |
|