William Forsythe, qui connut des années parisiennes de résidence, avait déjà pour terre d’accueil la place du Châtelet, mais dans la salle opposée au Théâtre de la Ville. Avec le Ballet de Lyon, on comprend et on se remémore l’évolution du travail du chorégraphe au cours des années 1990.

Révélé au grand public à la fin des années 1980 et basé pendant vingt ans au bord du Rhin à Francfort, le monde entier s’arrachait ses créations avant que le créateur américain se consacre à un travail plus intimiste et moins accessible. Les trois pièces présentées ont également pour fil conducteur la musique de Thom Willems, fidèle compagnon de route de Forsythe, un univers sonore indissociable de l’œuvre de l’Américain.

Avec Second Detail, le rideau se lève sur un décor blanc et gris, presque clinique. Les justes au corps d’Issey Miyake moulent les quatorze danseurs qui alternent ensembles, solos et duos à proprement parler exténuants. La respiration audible et quelques mots à peine étouffés participent de ce rite collectif proche du vertige.

On retrouve avec plaisir et dans une autre tonalité la force et la modernité d’In the Middle, Somewhat Elevated créée quatre ans plus tôt. Les artistes lyonnais ont su comprendre le mouvement de Forsythe mêlant l’extension, la syncope et le déséquilibre. Les séquences comprennent un rythme et un phrasé vertigineux. Soufflé, le public peut se reposer pour un entracte qui bruisse d’enthousiasme.

En seconde partie, deux belles filles : Maïté Cebriand Abad et Dorothée Delabie font elles aussi corps avec une chorégraphie exigeante et particulièrement difficile dans la synchronie avec une musique au rythme épars. Leur duo abstrait et sombre connaît une parfaite construction, réflexion intimiste sur le corps et le mouvement de ses interprètes. Un Forsythe de chambre…

Enfin, avec One flat thing, reproduced, William Forsythe célèbrait l’an 2000 avec fracas. Avec des tables poussées sur la scène par les interprètes, Forsythe s’essaie à la danse avec accessoire. Au lieu d’être vécu comme une contrainte, l’objet permet des combinaisons infinies et une invention du geste permanent. La composition sonore du même Thom Willems comporte sa dose de violence et d’angoisse.

Pièce très originale, elle ouvre la voie d’une période plus contestataire du chorégraphe, quelques années avant sa rupture avec l’Opéra de Francfort et une certaine forme d’establishment de la création. À une prochaine tournée parisienne du ballet lyonnais !