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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
26 avril 2024 |
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EntrĂ©e de Kaguyahime de Jiři Kylián au rĂ©pertoire du ballet de l’OpĂ©ra de Paris.
Kaguyahime (1) :
Violence et pureté
Plus de vingt ans après sa crĂ©ation au Nederlands Dans Theater, Kaguyahime, inspirĂ© Ă Jiři Kylián par la cĂ©lèbre lĂ©gende japonaise de la dĂ©esse descendant de la lune, entre Ă la Bastille au rĂ©pertoire du ballet de l’OpĂ©ra de Paris. Des images fortes au son des Kodos, Gagaku et percussions sophistiquĂ©es.
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Ce ballet d’une grande beauté et d’une vaste portée symbolique avait été présenté par le Nederlands Dans Theater au Palais Garnier en 1991, trois ans après sa création. Il entre aujourd’hui au répertoire de l’Opéra, ce qui va permettre à toute une génération de se glisser à son tour dans un type de travail très particulier, assez différent de celui demandé par les autres ballets du chorégraphe.
À partir de la légende de Kaguyahime, déesse qui descend de la lune et possède beauté unique et sagesse parfaite, Kylián évoque l’éternel conflit entre les pacifiques et les belliqueux, l’inévitable fléau de la guerre, si incontournable qu’il pousse la déesse à refuser l’amour de l’Empereur et à retourner sur la lune.
Conte moral de tous les temps, illustré ici par une chorégraphie opposant la pureté de ligne et la concentration extrême de l’héroïne aux scènes d’affrontement d’une violence totale entre les humains, avec une musique magnifique, jouée par un ensemble d’instruments japonais, kodos tonitruants ou gagakus subtils, percussions en tous genres, impliquant une gestuelle tout aussi esthétique que ce que l’on voit sur scène.
C’est un spectacle à la fois très lisible et très fort en tous domaines, sonore et plastique, car la scénographie aussi joue sur les contrastes, mais sans surcharge, éclairages sophistiqués, immenses rideaux noirs ou dorés, profondeur obscure et infinie du plateau, collants blancs pour Kaguyahime, sobres tenues noirs ou blanches pour les différents groupes d’hommes et de femmes.
Danser le rôle-titre demande une grande intériorité car, dans la première partie, la chorégraphie est assez hiératique, d’où la difficulté de lui donner une vraie épaisseur. Marie-Agnès Gillot y parvient de façon très convaincante, avec une totale maîtrise de son corps et de son visage lui permettant de rendre explicite ce langage minimaliste mais néanmoins poétique et quasi mystique. Dans la seconde partie – le ballet n’en compte que deux, de courte durée – le corps peut s’exprimer plus librement, de manière un peu plus lyrique et extérieure. Marie-Agnès Gillot y est tout aussi magistrale, danse ample, profonde, impressionnante de rayonnement.
Le rôle du Mikado, l’Empereur éconduit par la déesse, est bref, mais exige lui aussi une présence scénique, un rayonnement vécu de l’intérieur, pour exister et prendre sa place dans le propos philosophique et moral du chorégraphe. Stéphane Bullion y étrenne son tout nouveau titre de danseur Étoile avec prestance, précision et tout l’aura nécessaire, le moindre geste chargé de sens.
Les différents groupes masculins et féminins bénéficient de distributions de grand luxe avec certains des meilleurs éléments de la compagnie, Étoiles comme Mathias Heymann, Premiers Danseurs comme Josuah Hoffalt ou Alessio Carbone et Christophe Duquesne, Sujets comme Amandine Albisson, Cristelle Granier, Nivolas Paul, Julien Meyzindi, Simon Valestro ou même Coryphées comme Charlotte Ranson, Laurène Levy, Daniel Stokes ou Adrien Couvez notamment.
D’où la très grande réussite de tous les ensembles, malgré leur difficulté acrobatique et la rapidité d’exécution demandée. Une démonstration au sommet des possibilités de la compagnie dans un type de travail qui, il n’y a pas si longtemps, aurait semblé inabordable à bien des danseurs classiques pour qui Mats Ek, Kylian ou Forsythe semblaient des « casseurs de corps ». Ces temps sont bien révolus.
Soulignons enfin la qualité de l’exécution musicale indissociable du succès de ce spectacle très particulier et très attachant, un peu hors normes à tous égards. D’autres distributions vont maintenant prendre la relève, avec encore des personnalités de tout premier plan.
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Opéra Bastille, Paris Le 11/06/2010 Gérard MANNONI |
| EntrĂ©e de Kaguyahime de Jiři Kylián au rĂ©pertoire du ballet de l’OpĂ©ra de Paris. | Kaguyahime
chorĂ©graphie : Jiři Kylián
musique : Maki Ishii
scénographie et éclairages : Michael Simon
Kodo, Gagaku et ensemble de percussions invité
direction musicale : Michael de Roo
Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris. | |
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