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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
25 avril 2024 |
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Création mondiale de l’Anatomie de la sensation de Wayne McGregor au Ballet de l’Opéra national de Paris.
Une Ĺ“uvre majeure
Yannick Bittencourt & Alexandre Gasse
Après le succès de Genus créé en 2007, le Ballet de l’Opéra vient à nouveau de triompher avec l’Anatomie de la sensation de Wayne McGregor, pièce d’une grande beauté, d’une force étonnante et d’une originalité absolue. Commande de l’Opéra de Paris, c’est une œuvre majeure, sans nul doute, dans l’histoire de la création chorégraphique du XXIe siècle.
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Pour Genus, Wayne McGregor s’était inspiré des découvertes et de l’œuvre de Darwin sur l’évolution de l’espèce humaine. Ici, c’est une nouvelle plongée vers les tréfonds de l’humanité mais de son âme, de son subconscient, qu’il entreprend, à partir de l’œuvre du peintre Francis Bacon, œuvre qui est un peu son compagnon de route permanent.
Pour cela, il a choisi une partition de Mark Anthony Turnage, Blood on the Floor, de 1994, elle-même inspirée par une toile éponyme du grand peintre. Écriture contemporaine et jazz s’y mêlent en une musique magnifique de variété, de couleur, d’intensité, de théâtralité aussi. Jouée en direct par l’Ensemble Intercontemporain sous la direction Peter Rundel, c’est un atout majeur dans ce spectacle en tous points réussis.
Les décors de John Pawson, sobrement évocateurs des couleurs et des structures les plus épurées de Bacon, apportent aussi un cadre visuel de toute beauté, rigoureux, sobre, tout comme les costumes de Moritz Junge, eux aussi minimalistes et les splendides éclairages rasants ou semi obscurs de Lucy Carter.
On sent, dans les chorégraphies de McGregor, une vénération pour le corps du danseur, qu’il respecte tout en le poussant dans des limites extrêmes, différentes de ce que révéla un Forsythe par exemple, car il s’agit plutôt d’en utiliser la souplesse, les possibilités de désarticulation ou de très vifs réflexes, que la virtuosité en force et en vitesse.
Il y a certes une énergie intérieure intense, irrésistible, mais une fluidité, très souvent une grâce, dans les mouvements individuels et dans le rapport des corps entre eux. Violentes attirances, rejets instinctifs, angoisses contenues ou délivrées, vertiges de l’introspection et lucidité terrible, cruelle étayent l’œuvre de Bacon et MacGregor les expriment ici sans aucun caractère directement figuratif. Un univers et un propos complexes, où chacun peut et doit trouver ses propres cheminements, réagir selon sa propre sensibilité, son rapport intime avec l’œuvre de Bacon, voire sa propre vision de l’humanité.
Duos, ensembles, trios, solos s’enchaînent dans un tempo parfait, alternant ombres et lumières, agressions et douceur, tendresse et rejet, parfois les deux simultanément, offrant aux danseurs mille possibilités de s’exprimer, dans une dimension théâtrale contrôlée aussi bien que dans une dimension plus purement esthétique et technique.
C’est certainement très dur à apprendre et à danser. On sait que la compagnie a travaillé dur, mais de quoi n’est-elle pas capable aujourd’hui ? Assez fascinant que la même compagnie puisse afficher en même temps un ballet aussi radicalement différent à tous égards que les Enfants du paradis !
Car dès le premier duo assumé par Yannick Bittencourt et Alexander Gasse, on est frappé de la perfection esthétique et artistique de ces deux danseurs qui ne sont que Corps de ballet même si Yannick Bittencourt est l’une des figures les plus prometteuses des actuels Sujets.
Quelle silhouette, quelles jambes superbes et quel sûreté de ligne possède ce jeune danseur à la danse ample, généreuse, naturelle, parfaitement efficace dans un domaine où on ne l’avait guère encore vu ! Gardons les yeux sur lui, car on n’a certainement pas fini d’en entendre parler. Il est probablement l’une des valeurs les plus authentiques du clan des futures Étoiles de cette génération. Juste une question de temps.
Tout le monde s’est investi avec foi dans ce travail passionnant. Les moments les plus exceptionnels sont sans doute le duo d’Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard, tout de fusion sensuelle, de puissance et de grâce, celui d’Alice Renavand et de Nicolas Paul, magnifique de délié, d’éclat, d’impact, d’expressivité, le solo magistral de Marie-Agnès Gillot – quelle grande ballerine ! Mais il y a aussi les interventions de Laetitia Pujol, de Myriam Ould Braham de Sabrina Mallem avec Julien Meyzindi.
Un régal permanent pour les yeux, l’oreille, l’esprit. Quelle belle conclusion pour la saison 2010-2011 !
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Palais Garnier, Paris Le 05/07/2011 GĂ©rard MANNONI |
| Création mondiale de l’Anatomie de la sensation de Wayne McGregor au Ballet de l’Opéra national de Paris. | L’Anatomie de la sensation
chorégraphie : Wayne McGregor
musique : Mark Anthony Turnage
scénographie : John Parsons
costumes : Moritz Junge
Ă©clairages : Lucy Carter
Ensemble Intercontemporain
direction : Peter Rundel
Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris | |
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