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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
25 avril 2024 |
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Reprise de l’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan au Ballet de l’Opéra national de Paris.
Grand théâtre dansé
Distribution de rêve pour cette reprise de l’Histoire de Manon du Britannique Kenneth MacMillan. L’exceptionnel trio d’Étoiles Aurélie Dupont, Josua Hoffalt, Jérémie Bélingard donne toute sa force théâtrale à un spectacle somptueusement monté et construit sans la moindre erreur, malgré les blessures ayant affecté les distributions.
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Quand la danse classique est défendue par des interprètes de cette classe, elle reprend tous ses droits à rivaliser avec le théâtre ou l’opéra dans le domaine de l’expression, de la force dramatique et de la crédibilité, avec une charge émotionnelle égale à celle du cinéma aussi. Car, contrairement à ce qui se passe souvent encore à l’opéra, les héros ont ici le physique de leurs personnages, comme ils l’auraient dans une réalisation cinématographique.
La version Manon de MacMillan, réalisée sur différentes pages orchestrales de Massenet, est très figurative, narrative, on pourrait presque dire réaliste, avec des moments d’une vraie violence, d’autres d’une infinie délicatesse. On se dit que le chorégraphe a compris la vérité profonde de l’œuvre littéraire et de la musique quelques années-lumière mieux que la pitoyable approche de Coline Serreau dans la production lyrique vue récemment à la Bastille. Nous sommes ici dans le vrai monde libertin du XVIIIe siècle, avec ses contrastes entre cruauté et raffinement, ses côtés sadiens et ses côtés Pompadour.
La danse est un exemple parfait de ce que peut exprimer le langage classique sans déroger à ses principes et à son style et en se rapprochant au plus près de l’expression théâtrale. Les visages racontent autant que les corps et le trio d’Étoiles réuni ici a tous les dons pour jouer à fond se jeu difficile.
Silhouette fine, jambes parfaitement dessinées et idéalement tendues quand il le faut – quelle arabesques ! – Josua Hoffalt est un Des Grieux touchant de jeunesse, de sincérité, de fragilité, technique pure, solide, qu’il maîtrise avec aisance et charme. Comme on s’y attendait, c’est une véritable Étoile. De plus, il est en tous point en accord avec l’incroyable Manon d’Aurélie Dupont. Comme on l’a déjà dit à propos de ses récentes Bayadères, Aurélie Dupont est au sommet de ses possibilités comme ballerine et comme interprète dramatique, une très grande Étoile, incontestablement.
Avec une grâce infinie, des bras d’une souplesse et d’une expressivité confondantes, une sensualité ingénue, une intelligence qui lui fait comprendre et traduire toutes les nuances des situations en contraste qu’elle vit au cours de ce drame, elle marque l’histoire de ce ballet de façon inoubliable, tout en élégance, en subtilité, pieds superbes, rapport parfait dans les portés avec Hoffalt, ralentis incroyables d’onctuosité. Et quelle beauté !
Jérémie Belingard est Lescaut, rôle très développé par MacMillan et qui a lui aussi de multiples facettes. Sinistre souteneur qui vend sa sœur au plus offrant, maltraite sa maîtresse et entraîne tout le monde vers une fin tragique avant de périr lui-même lamentablement, il est doté aussi d’une variation d’ivresse d’une drôlerie irrésistible suivie d’une pas de deux tout aussi comique dans lequel Muriel Zusperreguy est une excellente partenaire.
Bélingard ne sombre jamais dans la facilité vulgaire, restant dans l’esprit de ces débauchés des Lumières symboles d’une société en décomposition mais encore porteuse des scories d’une culture brillante. Superbe technique à tous égards lui aussi, mais cela on le savait déjà , utilisée ici tour à tour dans la force et dans l’humour avec un égal bonheur. Une incarnation épatante.
Le reste de la distribution est à l’avenant, Corps de ballet et seconds rôles, où l’on retrouve avec joie la beauté et l’éclat scénique de Viviane Descoutures en Madame de grand luxe. Muriel Zusperreguy a beaucoup d’abattage en Maîtresse de Lescaut. Bref, l’une de ces soirées où tout fonctionne et qui viennent rappeler que ces grandes fresques classiques ne supportent aucune approximation dans leurs distributions.
Rude tâche, il est vrai, que d’y parvenir, avec les blessures à répétition qui frappent la compagnie par moment ! Et surprise plus ou moins agréable pour des spectateurs qui achètent si longtemps à l’avance leurs billets que les distributions leur sont inconnues et qu’ils peuvent tomber sur leur meilleur comme sur le franchement moyen, comme on a pu le constater dans la série des Bayadères.
Mais c’est aussi un avantage que les salles se remplissent pourrait-on dire les yeux fermés, sur la seule foi du signe Ballet de l’Opéra.
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Palais Garnier, Paris Le 25/04/2012 GĂ©rard MANNONI |
| Reprise de l’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan au Ballet de l’Opéra national de Paris. | L’Histoire de Manon
Ballet en trois actes d’après le roman de l’Abbé Prévost
chorégraphie : Kenneth MacMillan
musique : Jules Massenet
décors et costumes : Nicholas Georgiadis
Ă©clairages : John B.Read
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Koen Kessels
Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris | |
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