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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
24 avril 2024 |
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Création de Swan Luc Petton au Théâtre de Chaillot, Paris.
Un amour de Swan
Chorégraphe passé du karaté à la danse, formé chez Alwin Nikolais et Trisha Brown et aujourd’hui ornithologue amateur, Luc Petton, avec sa compagnie le Guetteur basée en Picardie, propose, après la Confidence des oiseaux en 2004, l’un des spectacles chorégraphiques les plus originaux que l’on puisse voir aujourd’hui.
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Parmi les produits dérivés du Lac des cygnes original de Tchaïkovski, Petipa et Ivanov, on connaissait Swan Lake, la chorégraphie aux cygnes mâles et gays de Matthew Bourne qui a fait le tour du monde tout comme le plus récent film Black Swan de Darren Aronofsky qui poussait à l’extrême le voyeurisme sur la cruauté des milieux de la danse académique.
Pour remplumer la gamme, il faudra désormais compter avec le spectacle Swan de Luc Petton qui met en scène sept cygnes bien en plumes, cinq blancs et deux noirs, à la destinée programmée pour cette aventure qui fait suite à la Confidence des oiseaux, le premier spectacle présenté en 2010 à Chaillot sur lequel Petton s’est déjà établi dès 2004 une réputation européenne.
Après l’air dans la Confidence des oiseaux, l’eau est l’élément prédominant de Swan. Un grand bassin en forme de ligne de piscine olympique vue en coupe longe le fond de scène. Derrière, un écran où évolue du début à la fin de cette grande heure d’un spectacle totalement singulier un ciel qui va du bleu idyllique aux tourmentes les plus turneriennes qui vire à la pluie qui s’abat sur le plateau au rideau final provoquant la débandade des cygnes et leur fuite vers les coulisses.
Les six danseuses y évoluent en une belle chorégraphie aquatique avant d’arriver sur le plateau et présenter à l’avant de la scène dans une autre piscine plus modeste et circulaire les deux cygnes noirs qui se mêlent timidement à leur danse, moins hardis que les cinq cygnes blancs, des femelles au comportement plus incisif, qui préfèrent évoluer en ligne droite, en diagonale, en cercle, véritable clin d’œil très réussi au Lac des cygnes, réalisé avec une logique et une discipline époustouflante.
Certes, la stimulation alimentaire de ces gros volatiles est plus visible que ne l’était celle des petits oiseaux volants de la Confidence des oiseaux, mais elle induit des comportements spectaculaires des animaux autour des danseuses.
La chorégraphie est plus spectaculaire, plus inventive dans ce spectacle, dont une grande partie est dansée sans la présence des animaux. Mais, soyons juste, même si elle a le mérite d’influer sur le corps des danseuses qui imitent la démarche des oiseaux, ce n’est pas elle qui fait l’originalité du spectacle.
Luc Petton a réussi l’exploit d’élever ces cygnes dont les œufs ont été soustraits à leurs géniteurs une semaine avant l’éclosion et la naissance en couveuse afin qu’ils puissent naître au contact direct des humains qui leur tiennent lieu de parents.
Les danseuses sélectionnées bien en amont du spectacle ont, deux heures par jour, nourri elles-mêmes au biberon les bébés cygnes avec qui elles ont commencé par patauger dès l’âge le plus tendre. Grâce à cette technique d’imprégnation ils sont dès l’enfance devenus partenaires de danse.
Le résultat est tout à fait palpable, pas uniquement dans la familiarité qui s’établit entre danseuses et animaux, mais dans la sensualité des poses que prennent ceux-ci quand ils se frottent aux corps des humains.
La musique joue aussi une grande part dans cette atmosphère sensuelle. Xavier Rosselle mêle habilement une partition synthétisée à un jazz chaud au timbre cuivré qu’il joue en virtuose au saxophone, instrument dont les courbes se rapprochent certainement le plus du corps du cygne.
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