|
|
L'ACTUALITE DE LA DANSE |
19 avril 2024 |
|
Percussions et danse au Palais Garnier par des musiciens et des danseurs de l’Opéra national de Paris.
Triomphe de l’originalité
Salle absolument comble et énorme succès pour ce programme totalement original imaginé par Brigitte Lefèvre et alliant le talent de danseurs et jeunes chorégraphes de l’Opéra et de percussionnistes maison également. Inattendu à tous égards et preuve éclatante des talents dont bénéficie cette institution. Le public s’est régalé.
|
|
L’amour virtuose
Ivresse grecque
Flambeau partagé
[ Tout sur la danse ]
|
Très belle idée que celle d’avoir proposé une collaboration entre danseurs et percussions. Cela sort des habitudes et prouve qu’un public existe pour ce genre de hardiesse car le Palais Garnier est aussi plein que possible des fauteuils d’orchestre aux quatrièmes loges et n’a pas ménagé ses applaudissements aux différents numéros de ce revigorant spectacle.
La soirée commence par une très étrange pièce presque silencieuse de Thierry de Mey, Musique de table. Quatre percussionnistes à l’avant-scène face au public et assis devant quatre plateaux inclinés vers eux et sonorisés juste assez pour que s’entendent les frôlements et tapotements très subtilement contrapuntiques imaginés par Thierry de Mey. Rien que de subtiles effleurements ou délicats contacts créant un climat sonore irréel, comme une dentelle ou des vols de libellules, mais très savamment agencés. Quelques minutes entre ciel et terre, dans un monde de pure magie auditive.
Vient ensuite Trio per uno, pièce conçue par le danseur Sébastien Bertaud sur une œuvre pour trois percussionnistes de Nebojsa Jovan Escobar. Bertaud a déjà à plusieurs reprises montré son talent de chorégraphe dans les années passées. Il a cette fois bâti un superbe pas de trois aussi athlétique que poétique, déployant avec force et un renouvellement incessant d’idées les très grandes possibilités artistiques de ses trois interprètes, les Premiers Danseurs Audric Bezard et Vincent Chaillet et la ravissante ballerine Amandine Albisson.
Bezard et Chaillet sont grands, avec une danse ample, vigoureuse mais sans dureté, des jambes et des bras infinis, des corps parfaits. Bertaud sait employer ce potentiel d’exception en jouant en vrai musicien sur les finesses rythmiques et sonores de la musique et en y associant à la fois en contrastes et en miroir la grâce et la fluidité d’Amandine Albisson. Nouveau, différent, créatif et très applaudi, forcément.
De Bruno Bouché viennent ensuite deux créations. La première sur une création mondiale de Sébastien Escobar, Soi-Atman, est un solo pour la danseuse Aurélia Bellet, autre beauté et belle artiste du Corps de ballet, au cœur de l’inspiration du chorégraphe comme du musicien. Bruno Bouché est un créateur déjà éprouvé qui a à son actif maintes pièces réussies.
Il fait ici un nouveau pari, en confrontant justement la fausse fragilité de la danseuse à la matérialité du travail des percussions. Les cinq mouvements expriment « les différents états de la conscience de Soi, Concentration et Réflexion, Joie-ravissement-bonheur, empêchement, Connaissance, Tranquillité ». Cela peut sembler très abstrait à la lecture, mais le miracle de la danse, art à la fois si abstrait et si concret, est justement de pouvoir rendre en images, en mouvements et gestes ces mondes indescriptibles pour qu’ils deviennent perceptibles à notre sensibilité. Musique, percussionnistes, danseuse et chorégraphe réussissent totalement cette prouesse.
Très originale aussi, la création suivante pour quatre percussionnistes et quatre danseurs, sur Music for Pieces of wood de Steve Reich. Ici encore, nous sommes fascinés par ce dialogue qui s’instaure entre les petites tablettes avec lesquelles les percussionnistes créent tout une myriade de rythmes synchrones, en opposition, en contrepoint, jeu dans lequel Bruno Bouché lance ses danseurs avec une habileté magistrale.
Il danse lui-même, avec Alexandre Gasse, Aurélien Houette et Adrien Couvez, tous excellents danseurs que l’on voit d’ailleurs toujours aussi efficaces dans le plus classique comme dans le plus contemporain. C’est coloré, dynamique, minutieux, avec un investissement physique absolu de la part des danseurs et une concentration diabolique de la part des percussionnistes. Une accumulation de grands talents en tous domaines.
Et pour finir tout le monde se retrouve, danseurs et musiciens, Christine Lagniel, Jean-Baptiste Leclère, Damien Petitjean, Tsuey Ying Taï et Christophe Vella pour la Clapping Music de Steve Reich, sorte de final pour comédie musico-chorégraphique qui emballe à juste titre le public. On sort de là avec le sentiment d’avoir vécu une sorte de parenthèse magique en cette fin d’une saison aux lourdes programmations, émerveillés par la qualité de ces collaborations, leur pur professionnalisme et l’investissement de tous dans une forme se spectacle alliant totale rigueur et originalité.
| | |
|
Palais Garnier, Paris Le 07/06/2013 GĂ©rard MANNONI |
| Percussions et danse au Palais Garnier par des musiciens et des danseurs de l’Opéra national de Paris. | Thierry de Mey
Musique de table
Nebojsa Jovan Zivkovic
Trio per uno, création chorégraphique de Sébatien Bertaud
SĂ©bastien Escobar
Soi-Atman (création mondiale), création chorégraphique de Bruno Bouché
Steve Reich
Music for pieces of Wood, création chorégraphique de Bruno Bouché
Steve Reich
Clapping Music
Avec Christine Lagniel, Jean-Baptiste Leclère, Damien Petiitjean, Tsuey Ying Taï, Christophe Vella, musiciens ; Amandine Albisson, Aurelia Bellet, Audric Bezard, Bruno Bouché, Vincent Chaillet, Adrien Couvez, Alexandre Gasse, Aurélien Houette, danseurs.
(Photo : Julien Benhamou) | |
| |
| | |
|