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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
19 avril 2024 |
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Spectacle JiřĂ Kylián par le Ballet national de Norvège au Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es, Paris.
Panorama Kylián
Trois ballets pour ce programme proposé par les Productions Internationales Albert Sarfati et le Théâtre des Champs-Élysées, occasion de voir trois jalons dans l’œuvre très vaste du grand chorégraphe qui travaille étroitement avec cette la belle compagnie norvégienne d’une soixantaine de danseurs depuis plusieurs années.
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Dirigé depuis un an par Ingrid Lorentzen qui fut l’une de ses meilleures solistes, le Ballet national de Norvège est peu connu chez nous, contrairement au Ballet Royal Danois ou au Ballet Royal Suédois. C’est pourtant une compagnie au large répertoire, aussi éclectique dans ses programmes que dans le recrutement de ses danseurs, ceux-ci appartenant à une vingtaine de nationalités.
JiřĂ Kylián, qui a dĂ©finitivement quittĂ© le Nederlands Dans Theater en 2009, aime y travailler et lui a dĂ©jĂ donnĂ© un vingtaine de ses ballets. Dans ce vaste choix, la compagnie a choisi trois Ĺ“uvres appartenant Ă des pĂ©riodes diffĂ©rentes, montrant aussi bien les constantes de l’art de Kylián que l’évolution de sa pensĂ©e.
L’essentiel de cette pensée, et l’on pourrait dire aussi du style du chorégraphe, est contenu dans l’ultime ballet du programme, la Symphonie des Psaumes, créée en 1978 sur la musique de Stravinski juste après que Kylián ait pris la direction du Nederlands Dans Theater.
Il y a l’essentiel du langage corporel du chorégraphe, fait de souplesse, d’élasticité et de multiples périls techniques, dans la fluidité d’une cohérence visuelle que rien ne vient bousculer en dehors des effets ponctuellement voulus. Il y a une musicalité absolue, de chaque geste, de chaque mouvement, de chaque ensemble, même dans l’affrontement de deux ou de plusieurs corps.
Et puis, il y a l’efficacité de ce qui met en relief la danse et l’accompagne, la scénographie, avec cette incroyable toile de fond en assemblage de tapis anciens, et des éclairages aussi simples que sophistiqués conçus en équipe par le chorégraphe lui-même.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, la dimension spirituelle de la musique de Stravinski est absolument présente dans ce que l’on voit. Seize danseurs très investis défendent ce premier chef-d’œuvre de Kylián avec foi et une technique très nette accoutumée aux exigences spécifiques du langage du chorégraphe.
La soirée commençait par Bella Figura, de 1995, ballet bien connu aussi, sur un collage de musiques baroques et de pages de Lukas Foss. Selon Kylián, il s’agit « d’une parabole sur la relativité de la sensualité, de la beauté et de l’esthétique et une interrogation sur la manière dont nous gérons les problèmes de la vie quotidienne auxquels nous sommes tous confrontés. » À cette fin, les danseurs doivent « révéler l’acceptation de leurs lacunes, de leurs doutes et de leur vulnérabilité. »
Dans un savant jeu de rideaux noirs modifiant sans cesse l’espace d’action des interprètes, Kylián développe son propos de manière plus abstraite que figurative, mais dans une suite de chocs visuels qui nous bousculent et nous poussent nous-mêmes à réfléchir. Il y a comme toujours beaucoup d’imagination dans la construction de chaque moment du ballet, avec des audaces que l’on ne trouvait pas aussi clairement, dans Symphonie des Psaumes, mais avec une élévation de pensée et de réflexion qui arrachent la danse à une simple démonstration physique.
Et entre ces deux œuvres, le plus récent Gods and Dogs de 2008, donné ici pour la première fois en France. Kylián en a conçu la musique à partir de pages de Beethoven, tout comme il en signe le décor, ce qu’il fait fréquemment. Il nous entraîne cette fois sur « les frontières entre la normalité et la folie, la santé et la maladie, et toutes les formes qui déterminent l’un out l’autre ». Et il ajoute : « Mais quelles que soient les frontières, au sein desquelles les conditions humaines seront déterminées, il n’y a sûrement pas de développement qui puisse être accompli sans un grain de folie. »
Huit danseurs solides pour certains, plus graciles pour d’autres, se livrent à ce questionnement qui jongle avec la raison et son contraire dans des rapports corporels très astucieusement conçus pour évoquer aussi bien douceur et tendresse que violence plus agressive et surtout, une fois encore, nous sortir de toute habitude de danse de simple divertissement pour éveiller en nous ces mêmes questionnements par la seule vertu du mouvement et du geste en bousculant notre toujours présent désir de logique.
Le Ballet national de Norvège connaĂ®t incontestablement bien l’art de JiřĂ Kylián et le pratique avec une efficacitĂ© des plus enviables.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 22/09/2014 Gérard MANNONI |
| Spectacle JiřĂ Kylián par le Ballet national de Norvège au Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es, Paris. | Bella Figura (1995)
Gods and Dogs (2008)
Symphonie des Psaumes (1978)
chorĂ©graphies : JiřĂ Kylián
Ballet national de Norvège | |
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