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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
23 avril 2024 |
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Reprise de Rain de De Keersmaeker au ballet de l’Opéra national de Paris.
Pluie dorée
Composée à partir de Music for Eighteen Musicians de Steve Reich, le ballet Rain d'Anne Teresa de Keersmaeker célèbre une nouvelle syntaxe de la danse, brillamment incorporée à une polyphonie de sons et de couleurs. Une reprise déjà donnée au Palais Garnier en 2011 et qui confirme avec brio la réussite magistrale de ce spectacle.
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Le stroboscope obsédant de la musique de Steve Reich rappelle inconscient l'adage verlainien d'une musique « avant toute chose », dévorant l'espace sonore par ces rideaux serrés de notes et de phrases qui vont se chevauchant. D'une certaine manière, l'asymétrique de la danse d'Anne Teresa de Keersmaeker répond à cette préférence pour « l'Impair » et ce dialogue où « l'Indécis au Précis se joint ».
C'est dans l'espace mental et physique de Music for Eighteen Musicians que la danse se libère, invitant le spectateur à réviser sans cesse la notion de mouvement. De Keersmaeker propose avec Rain une sorte de calligramme mobile et vif-argent, qui joue avec la faculté de saisir les géométries dans leur dimension intime ou générale.
Donnée trois ans après l'entrée au répertoire du ballet de l'Opéra de Paris, cette reprise confirme avec éclat l'accession au rang de répertoire d'une œuvre pourtant complexe et exigeante. La lecture de Rain, de la romancière néo-zélandaise Kirsty Gunn, fournit l’argument du ballet, sans pour autant que la danse serve d'illustration étroite au texte.
Mélange de pulsions-pulsations, la trame narrative de Rain se développe autour d'un tressage contradictoire entre phrases féminines et phrases masculines, le tout se démultipliant et se déplaçant sur toute la scène jusqu'à brouiller la lisibilité et les jeux de miroirs qui naissent çà et là . Un réseau de lignes colorées à même le sol sert de perspective et de trompe-l'œil à qui voudrait y voir un simple repère visuel.
Étroitement liée à la musique de Reich, les déplacements se développent en thèmes et variations autour de l'art de savoir chuter, rebondir, prendre son élan… Jamais de ligne droite dans ce travail de l'ironie et de la fraîcheur. La motricité n'est qu'un paramètre parmi d'autres d'une célébration de l'écho et du geste en liberté, dans un décor dont la simplicité compose un écrin idéal à la perception hypnotique des forces sonores et gestuelles.
Dries van Noten habille d'une palette de nuances chair-fuschia les dix protagonistes de ce huis clos sensuel cerné d'un rideau circulaire de cordes souples imaginé par le talentueux Jan Versweyveld. À la manière d'un chariot mobile de machine à écrire, un puissant projecteur circule à plusieurs reprises de jardin à cour comme pour signifier l'introduction d'une page blanche et le passage à une nouvelle séquence chorégraphiée.
Extatique et brillamment coordonnée par Georges-Elie Octors, la partition de Music for Eighteen Musicians exige des membres de l'Ensemble Ictus des déplacements incessants et précis, invitant parfois trois percussionnistes à venir jouer sur le même marimba. Les voix des quatre solistes des Synergy Vocals se fondent au flux musical par un jeu subtil de notes tenues dont la densité évolue en fonction de l'éloignement et du rapprochement du micro. Vous avez dit chef-d'œuvre ?
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Palais Garnier, Paris Le 02/11/2014 David VERDIER |
| Reprise de Rain de De Keersmaeker au ballet de l’Opéra national de Paris. | Rain
chorégraphie : Anna Teresa de Keersmaeker
musique : Steve Reich
décors et éclairages : Jan Versweyveld
costumes : Dries Van Noten
Ensemble Ictus
Synergy Vocals
direction : Georges-Elie Octors
Avec les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’OpĂ©ra national de Paris | |
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