Créé en 2001 par le chorégraphe israélien Ohad Naharin pour la Batsheva Dance Company, Naharin's Virus est construit sur la trame subversive d'Outrage au public (Publikumsbeschimpfung), pièce écrite en 1966 par Peter Handke. Avec l'absence d'argument comme unique argument, ce support chorégraphié (et choré-graffité) déroule une série d'injonctions adressées au public en pointant sa conscience de lui-même et le véritable enjeu que représente sa présence sur les gradins. Débité d'une voix molle par un danseur placé en hauteur face à un micro, ce verbiage en forme de je-t'aime-moi-non-plus philosophique porte mal son âge et se laisse facilement oublier.

Naharin's virus puise sa force dans une musique du compositeur palestinien Habib Alla Jamal – inspirée par les circonstances de sa création à Nazareth, durant une période de conflit aigu entre les deux peuples. La pulsation vitale qui parcourt les âmes et les corps, électrise une troupe en tenue bicolore et quasi uniforme. Haut blanc et bas noir, ces justaucorps soulignent cette circulation incessante d'énergie, ployant et déployant le corps des danseurs.

Souvent disposés en ligne frontale, c'est l'agitation en forme de transe individuelle qui contamine un à un les éléments de la troupe. La multiplication des allées et venues entre avant-scène et l'immense tableau noir en guise de mur de fond, permet d'alterner entre épisodes dansés et frénésie graffiteuse. À la fin du spectacle, les dessins à la craie se mêlent sur le tableau aux slogans sibyllins comme autant de sismographes rendant compte de cette énergie pulsée et libérée.

La longue stase finale fait tourner à l'infini les danseurs sur eux-mêmes tandis que retentissent les invocations du speaker improvisé. Saisie entre extase spirituelle et déréliction-défouloir, cette joie virale et positive emporte une adhésion sans réserve.