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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
28 mars 2024 |
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Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris de les Applaudissements ne se mangent pas de Maguy Marin.
Douce violence
Étrange contradiction entre la volonté annoncée par la chorégraphe Maguy Marin de dénoncer la violence et les violences des civilisations sud-américaines et le langage chorégraphique linéaire, assez fade, voire lénifiant, employé dans les Applaudissements ne se mangent pas, une pièce vieille de presque quinze ans qui fait son entrée au répertoire de l’Opéra.
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Ivresse grecque
Flambeau partagé
Fulgurante beauté
[ Tout sur la danse ]
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Vraiment utile au répertoire de notre première compagnie chorégraphique, l’une des toutes premières du monde ? C’est la question qui vient à l’esprit après avoir vu cette brève pièce assez peu stimulante que Benjamin Millepied a jugé bon d’inscrire au répertoire de l’Opéra de Paris. Après les Seven Sonatas de Ratmansky et In Creases de Justin Peck, on s’interroge sur l’image que son éphémère directeur a de cette compagnie, qu’il ne se prive d’ailleurs pas de critiquer ouvertement.
D’un robinet d’eau tiède à l’autre, on passe à côté de tout, classicisme, néo-classicisme, modernité ou avant-garde. Il y eut bien les humoristiques délires d’Arthur Pita et les rêves d’un beau romantisme de Sidi Larbi Cherkaoui (oublions l’absurdité d’Edward Lock) pour Casse-Noisette, mais cela ne rachète guère une politique de choix sans ambition et difficile à justifier.
L’œuvre de Maguy Marin est celle d’une très grande créatrice, certainement une figure essentielle au XXe siècle pour le monde de la danse. Pièces d’anthologies déjà mythiques, relecture humoristique et géniale de quelques classiques, provocations cinglantes (pourquoi n’avoir pas plutôt choisi le violent Umwelt, autrement plus significatif et courageux ?), propos social ou politique clair et agressif, il y a une grande variété dans l’œuvre de Marin, avec des pièces qui auraient pu pousser les danseurs de l’Opéra à un travail vraiment différent.
Car ici, ce ne sont pas ces tranquilles entrées et sorties à pas comptés et indéfiniment répétées, ces quelques chutes ou escalades de corps (on est loin de la violence vraie du travail d’un Brumachon en ce domaine) qui évoquent ne serait-ce que façon extrapolée les tragédies politiques et sociales des pays d’Amérique du Sud. Le décor aux couleurs vives est astucieux mais ne sauve rien, même s’il est pratique pour faire surgir et disparaître les danseurs.
On dira que la violence ou la révolte peuvent s’exprimer au second degré, que l’approche de Maguy Marin est ici plus intellectuelle que réaliste. Soit ! On ne s’attendait à aucun carnage sur scène, mais la géniale créatrice nous avait habitué à plus d’inspiration, ne serait-ce que dans la gestuelle et les images, qu’elle peut manier avec une extrême habileté et une parfaite efficacité dans le registre minimaliste aussi bien que figuratif ou abstrait. Mais pour le grand retour de Maguy Marin à l’Opéra, le choix est vraiment bizarre, plus significatif des goûts de Millepied que du génie de l’invitée.
Les huit danseurs concernés font comme toujours leur travail de la manière la plus professionnelle qui soit, mais la bande son de Denis Mariotte, malgré une intéressante recherche sur la matière du son et sa complexité cachée, reste aussi trop monocorde et uniforme pour créer la moindre étincelle. Décidément et quitte à se répéter, quelle drôle d’idée d’aller chercher cette pièce déjà ancienne, dans une œuvre aussi riche et diversifiée !
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Palais Garnier, Paris Le 28/04/2016 GĂ©rard MANNONI |
| Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris de les Applaudissements ne se mangent pas de Maguy Marin. | Les Applaudissements ne se mangent pas
musique : Denis Mariotte
chorégraphie : Maguy Marin (2002)
costumes : Maguy Marin
décor : Ulises Alvarez, Denis Mariotte & Maguy Marin
Ă©clairages : Alexadre BĂ©neteaud
ingénieur du son : Antoine Garry
Avec Myriam Kamionk, Camille de Bellefon, Lucie Fenwick, Sofia Rosolini, Aurélien Houette, Alexandre Carniato, Takeru Coste et Antonin Monté. | |
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