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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
24 avril 2024 |
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Shiganè naï de José Montalvo avec la Compagnie nationale de danse de Corée au Théâtre national de Chaillot.
Rencontre colorée
Dans le cadre de l’Année France-Corée 2015-2016, José Montalvo présente au Théâtre de Chaillot la création qu’il a réalisée pour la Compagnie nationale de danse de Corée. Cette confrontation à un style de danse hors du temps est aux deux tiers réussie, défendue par les excellents danseurs coréens, convaincants même dans un Boléro de Ravel final peu inspiré.
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José Montalvo, grand maître en expérimentations et en métissages le plus souvent fort réussis, a forcément été séduit par cette demande de collaboration avec la grande compagnie coréenne. Comme il le dit lui-même, c’était une occasion de « puiser l’inspiration pour une œuvre contemporaine dans une technique corporelle et musicale immémoriale… singulière et très spécifique qui semble ignorer les chronologies et traverser les siècles. »
Shiganè naï signifie l’Âge du temps. C’est aussi le titre de la première des trois parties constituant cette pièce. Nous sommes dans la tradition coréenne pure, tambours, éventails, mélange de costumes traditionnels somptueux et contemporains aux couleurs très vives, dans un climat tonique, joyeux, gracieuses rondes féminines interrompues par d’athlétiques et bruyantes intrusions masculines, joueuses de tambour-danseuses à la fascinante synchronisation, le tout dans un déploiement irrésistible d’énergie souvent acrobatique, dont la chorégraphie mélange, comme le dit encore Montalvo, « mémoire et invention », car tout cela est revisité par l’imagination du chorégraphe.
C’est très beau à voir et l’on ne peut qu’admirer la dextérité de ces artistes aussi habiles avec leurs corps qu’avec les accessoires qu’ils manipulent ou les tambours dont ils jouent. Les quelques interventions de personnages dédoublés sur l’écran géant, comme toujours chez Montalvo, sont faites avec mesure et sans exagération. C’est beau, plutôt furtif et très parlant.
Souvenirs de voyage, la deuxième partie, est plus philosophique, sur un fond de projections d’images de Yann Arthus-Bertrand, voyage autour du monde, montrant ses splendeurs et ses misères. Les images des cyclistes qui avancent laborieusement sur une immensité sablonneuse et humide en bord de mer sont splendides dans leur clair-obscur et, lourdes de sens, peuvent donner à réfléchir de mille manières, tout comme cette accumulation étouffante de corps humains dans leurs bouées géantes.
Tout cela est remarquablement réalisé, jamais statique ni hors de propos. Les musiques de Michael Nyman et Armand Amar ne sont en revanche pas toujours à la hauteur de ce que l’on voit, car parfois trop simplement cinématographiques. L’ensemble de cette partie est de belle facture, tant pour les images que pour la chorégraphie, originale, inattendue et toujours très virtuose.
Cette virtuosité, on la retrouve dans la troisième partie, curieusement chorégraphiée sur le Boléro de Ravel. Montalvo déclare l’avoir voulue enlevée et personnelle. Elle est certainement enlevée mais guère personnelle. On voit bien que la chorégraphie traite d’une part la mélodie que modulent les instruments à vent par les évolutions de danseuses ondulantes, en contraste avec les rythmes complexes des percussions illustrées par les autres danseurs. Mais tout cela est répétitif, sans évolution, et, il faut bien le reconnaître, beaucoup moins intéressant et convaincant que le travail imaginé dans les deux premières parties.
La qualité des danseurs n’est pas en cause, c’est plutôt l’inspiration de Montalvo qui semble ici en panne. Bloqué par cette musique trop connue et peut-être impossible à marier avec la tradition gestuelle coréenne ? Trop d’images déjà associées à l’œuvre ? De Bronia Nijinska, Ruth Page, Anton Dollin, Serge Lifar, Aurel Milloss, Maurice Béjart, Thierry Malandain et plus prés de nous encore, Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, pour ne citer que les plus célèbres, il y eut beaucoup de manières personnelles et originales d’aborder cette partition. Montalvo semble bien être passé à côté de l’occasion, mais c’était peut-être simplement une fausse bonne idée.
Une belle soirée néanmoins stimulante et pas comme les autres, tout à l’honneur d’une compagnie décidément trop absente de nos scènes et ici au service d’une majorité d’instants d’une grande beauté et d’un réel intérêt.
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Théâtre national de Chaillot, Paris Le 16/06/2016 Gérard MANNONI |
| Shiganè naï de José Montalvo avec la Compagnie nationale de danse de Corée au Théâtre national de Chaillot. | Shiganè naï
chorégraphie et scénographie : José Montalvo
conception vidéo parties 1 et 3 : José Montalvo
vidéo partie 2 : Human de Yann Arthus-Bertrand
costumes : Han Jin-gook
musique : Michael Nyman, Armand Amar et Ravel
Avec les danseurs de la Compagnie nationale de danse de Corée | |
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