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L'ACTUALITE DE LA DANSE 26 avril 2024

Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris du Songe d’une nuit d’été de George Balanchine.

Un Songe de trop
© Agathe Poupeney

Tel qu‘il vient d’être remonté pour entrer au répertoire du Ballet de Opéra de Paris, le Songe d’une nuit d’été que Balanchine créa en 1962 à New York n’apporte rien à la gloire du chorégraphe ou de sa compagnie. Un spectacle vieillot, ennuyeux, bref un ballet sans âme, sans humour ni poésie. Inutile pour une compagnie qui possède le chef-d’œuvre de John Neumeier.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 09/03/2017
Gérard MANNONI
 



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  • Dans sa volonté presque obsessionnelle d’américaniser le Ballet de l’Opéra, Benjamin Millepied aura conçu des programmations qui rendent finalement un mauvais service à la danse américaine, y compris à celle de George Balanchine et qui ne servent pas notre grande compagnie nationale. Que la création de ce Songe d’une nuit d’été au Lincoln Center défendue par d’admirables danseuses comme Suzanne Farrell et Melissa Hayden il y a cinquante cinq ans ait fait sensation, c’est possible. Qu’il ait aujourd’hui sa place aux côtés du fabuleux ballet que John Neumeier créa en 1977 à Hambourg et donna en 1982 à l’Opéra, relève d’une grosse erreur de jugement.

    On a bien essayé de lui donner un coup de jeune en demandant à Christian Lacroix d’adapter les costumes d’origine, mais on sait que le George Balanchine Trust veille à l’authenticité desdits costumes au centimètre près, ce qui a dû brider sérieusement l’inspiration d’habitude si fertile du grand couturier. Résultat, on voit de tout un peu, de rares costumes scintillants pour quelques créatures féériques, des cuirasses à la romaine, des chemises de nuit rose bonbon dignes d’un spectacle de patronage de fin d’année, le reste dans le goût de l’Amérique moyenne des années 1960. Pour le final, il y a grand renfort de tutus qui déboulent en rangs d’oignons et semblent ressortis des réserves du Palais de cristal de 1947. Pour tenter sans doute de créer un peu de magie quand même, Lacroix a conçu des décors certes romantiques mais d’une lourdeur écrasante, envahissante.

    Le pire reste pourtant la pauvreté de la chorégraphie elle-même et du traitement de la merveilleuse pièce de Shakespeare par Balanchine. Les plus grands chorégraphes n’ont pas fait que des chefs-d’œuvre. Qu’il s’agisse de Petipa, Bournonville, Lifar, Balanchine, Robbins, Kylián, Petit, Neumeier, Béjart et tant d’autres, sur des dizaines de créations, toutes ne sont pas nécessairement à retenir. Balanchine n’a pas saisi l’âme de la pièce de Shakespeare. Il n’en a traité qu’une partie superficielle de l’anecdote. La nuit shakespearienne est une mine de symboles, lieu de tous les mystères, de tous les travestissements, de toutes les rencontres, de toutes les erreurs, de tous les bonheurs aussi. La nuit, le sommeil, l’amour, les apparences trompeuses, tout cela bouillonne chez Shakespeare et en particulier ici. Hormis le personnage de Puck et ses facéties acrobatiques, la chorégraphie ne traduit rien de tout cela.

    On nage dans un triste néoclassicisme convenu, plus proche souvent de la mise en scène platement dramatique de l’anecdote que d’une approche du monde shakespearien par le langage de la danse. Là où un Neumeier ou même un Bigonzetti avait eu des trouvailles féeriques géniales, déraisonnables, hors du commun, Balanchine patauge dans le conventionnel, ne traite pas du tout par exemple l’épisode succulent des artisans et de leur pièce naïve, ne caractérise vraiment aucun personnage. On a souvent reproché à Béjart de faire systématiquement entrer ses solistes sur un grand développé. Ici, Balanchine fait sortir les siens sur un grand jeté. Même le pas de deux final n’a aucune personnalité et tire en longueur, malgré le talent de Sae Eun Park et de Karl Paquette. Bref, une déception totale, un Balanchine sans grâce, sans esprit, sans élégance, sans flamme, ce qu’on croyait impossible et qui nous aura été révélé bien inutilement.

    Les danseurs n’y sont pour rien. Ils font le job de leur mieux. La distribution est forte, avec la splendide Eleonora Abbagnato en Titania, Hugo Viglioti excellent en Puck, et puis Laetitia Pujol, Alessio Carbone, Fanny Gorse, Audric Bezard pour les deux couples d’amoureux perdus dans la forêt, Alice Renavand en Hippolyte trop peu présente et trop purement technique, Florian Magnenet en Thésée. Aucun ne démérite, même Stéphane Bullion dans le discret Cavalier de Titania, ni Muriel Zuspéréguy en innocent et charmant Papillon. Les élèves de l’École de danse sont préparés à la perfection pour leurs interventions qui apportent une note de fraîcheur dans cet univers tristounet.

    Un vrai miracle cependant, au milieu de tout cela, l’Obéron de Paul Marque. Le jeune lauréat du dernier Concours de Varna, est ici la révélation absolue. Quelques trop brèves minutes de bonheur, de magie, cette fois, avec des entrechats et un jeu de bas de jambe d’une agilité inouïe. Il ne touche jamais le sol, a une grâce innée, un abattage immédiat, le geste noble, élégant. S’il avait davantage à danser, il sauverait la soirée. Mais déjà, grâce à lui, on repart en ayant au moins quelques images de rêve à emporter.

    Deux questions pour terminer : quand revoit-on Paul Marque ? Quand remonte-t-on le Songe de Neumeier pour effacer ce vilain souvenir ?




    Opéra Bastille, Paris
    Le 09/03/2017
    Gérard MANNONI

    Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris du Songe d’une nuit d’été de George Balanchine.
    Le Songe d’une nuit d’été
    musique : Felix Mendelssohn
    chorégraphie : George Balanchine (réglée par Sandra Jennings)
    décors : Christian Lacroix (assisté de Camille Dugas)
    costumes : Christian Lacroix (d’après les maquettes originales de Barbara Karinska)

    Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris
    direction : Simon Hewett

    Avec la participation des élèves de l’École de danse de l’Opéra national de Paris.

     


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