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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
05 juillet 2025 |
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A Swan Lake, d’Alexander Ekman par le Ballet national de Norvège au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
La mare aux canards
Voulant régénérer le mythe du Lac des cygnes, qui en a vu d’autres, le chorégraphe suédois Alexander Elkman, au Théâtre des Champs-Élysées, ne livre avec le Ballet national de Norvège que quatre-vingts minutes d’ennui brouillon et prétentieux. Il commet au départ une grave erreur quant au vrai sujet du ballet d’origine.
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Depuis sa création en 1877, le Lac des cygnes a vécu mille vies. Il en existe des dizaines de versions dites classiques, sur la – on pourrait dire les – musique(s) de Tchaïkovski tant les versions diffèrent, à partir des la chorégraphie d’Ivanov et de Petipa. Il en existe aussi de nombreuses versions transgressives.
Depuis Lac des cygnes : illusions like Swan Lake de Neumeier en 1976 jusqu’à la version toute masculine de Mathew Bourne en 1995, celle très équivoque de Roland Petit à Marseille ou celle carrément décalée d’Andy de Groot en 1982, en passant par le très sulfureux mais génial Mats Ek, la Sud-Africaine Dada Masilo aux danseurs noirs torse-nu dans leurs tutus blancs, Fredryck Rydman au Casino de Paris avec ses dealers et ses prostituées en fourrure blanche, et quelques autres encore, le conte créé par Tchaïkovski et Petipa fait d’une compilation de légendes de toutes époques, se prête à des approches très variées, avec son fond d’homosexualité mal vécue par Tchaïkovski lui-même. Toutes ces versions ne sont pas formidables, mais elles ont toutes un mérite : elles traitent l’essentiel du sujet. Ce qu’a raté Ekman.
Dans le Lac des cygnes, l’important ce sont les cygnes, pas le lac. En ne représentant que l’eau et en éludant les cygnes, Ekman n’a plus rien d’intéressant à raconter. Il n’a à montrer que des jeux aquatiques savamment éclairés, des gerbes d’eau jaillissant dans les projecteurs, des glissades sur le ventre ou sur des matelas pneumatiques de couleur comme à la piscine, des gamineries qui font rire deux ou trois personnes bien disposées à s’amuser dans le public – on urine dans un coin, on se gonfle les joues et on asperge son voisin.
Il y a bien deux cygnes, un blanc et un noir. Ils se giflent à tour de bras quelques minutes avant que ne surgisse une horde de malabars qui font castagner aussi un peu avant de se disperser. Et il y a deux gros volatiles-bateaux qui entrent quelques instants en scène. On songe à la réflexion du gamin toulousain criant du poulailler du Capitole à l’arrivée de Lohengrin dans une toute nouvelle production : « Eh vé ! Ils ont repeint le canard ! »
Tout se déroule d‘ailleurs dans la pénombre, avec des danseurs en costume de plongée, qui font tout et son contraire, un festin aux chandelles, un court-circuit, bref du n’importe quoi du moment qu’il ne s’agit pas cygnes. C’est la grande révolution, la grande nouveauté. Mieux en rire même si on pourrait en pleurer. Le tout sur une bande son sans intérêt, avec juste un beau solo de tuba en direct. Quand on pense au si intelligent et efficace emploi des danseurs pieds dans l’eau par Pina Bauch dans Arien !
Bref, vouloir faire un Lac sans cygnes, c‘est un pari perdu d’avance, comme faire une omelette sans œufs ou une tarte aux pommes sans pommes. Mieux vaut carrément faire autre chose, si on veut simplement montrer des danseurs pataugeant en public. Et puis, il est à peine honnête de projeter en préambule des images du Lac traditionnel dûment sélectionnées pour ne montrer, parfois avec de très grands danseurs, que des images en gros plans de maquillages excessifs, d’instantanés dans des positions périlleuses et forcément ridicules. Un peu facile comme procédé pour tenter de mettre en valeur ses propres images et bien montrer qu’il est grand temps de passer à autre chose. Mais hélas, ça ne marche pas car ce qu’on nous propose ensuite est encore bien pire.
On attendra avec d’autant plus de de curiosité la création d’Alexander Ekman programmée à l’Opéra de Paris la saison prochaine.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 30/03/2017 Gérard MANNONI |
 | A Swan Lake, d’Alexander Ekman par le Ballet national de Norvège au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | A Swan Lake
chorégraphie et décor : Alexander Ekman
musique : Michael Karlsson
costumes : Henrtik Vibskov
éclairages : Tom Visser
son : Michael Karlsson, Alexander Ekman
vidéo : Todd Rives
Avec les Étoiles et les danseurs du Ballet national de Norvège |  |
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