Il faudrait presque commencer par parler de la pianiste Edna Stern qui est l’axe musical central de tout ce programme et reste au piano toute la soirée pour jouer des compositeurs aussi divers que Galuppi, Bach, Prokofiev, Scriabine, Liszt, avec une virtuosité parfaite, une très belle musicalité et un sens de l’échange avec les danseurs. Une vraie personnalité hors du commun.

Le programme de la soirée était une nouvelle illustration de ces talents de jeunes chorégraphes issus des rangs de l’Opéra national de Paris. De Bruno Bouché lui-même, il y avait d’abord Bless sur la version piano de la Chaconne de Bach, duo de garçons très structuré, sans exhibition de virtuosité inutile, bien appuyé sur la musique et son climat si spécial. Mathieu Contat et Isaac Lopes-Gomes en étaient les parfaits interprètes.

Venait ensuite une très poétique évocation du drame de la jeunesse et de ses improbables rencontres, chorégraphié par Yvon Demol sur la suite pour piano du Roméo et Juliette de Prokofiev. Letizia Galloni, Jennifer Visocchi, Yvon Demol et Axel Ibot formaient ces deux couples lancés dans un jeu subtil d’amour et de hasard. Beaucoup de charme et d’imagination dans cette pièce.

Sur la Troisième Sonate de Scriabine, Brun Bouché présentait Hors de lui, trio féminin défendu très brillamment par Agnès Letestu, Letizia Galloni et Jennifer Visocchi. Un beau moment fait de fluidité et de ruptures, dans un langage chorégraphique clair, personnel, totalement musical. La grande Étoile Agnès Letestu paraissait ensuite dans un solo réglé par Bernard Bouché, Une voix dans la nuit, sur une sonate de Galuppi. Ligne incroyable, stupéfiant travail de pieds mis en évidence par l’absence de pointes, élégance et raffinement de chaque geste, de chaque pas, dans la fluidité d’une danse rayonnante mais aussi très intériorisée. Dix minutes de magie absolue.

Et tout s’achevait avec Nous ne cesserons pas, cette pièce pour quatre danseurs en 2011, avec cette si originale idée de faire au début émerger les quatre interprètes de dessous le piano à queue comme s’ils naissaient de la musique et de les envoyer peu à peu se regrouper derrière en conclusion de la tumultueuse Sonate de Liszt. Cette musique est le comble du romantisme et elle a inspiré à Bruno Bouché une chorégraphie très dessinée, très sensible, attentive aux déchainements sonores et aux périodes rêve de la musique, sans exagération dans quelques délires expressif. C’est juste, bien imaginé et très solidement travaillé. On y retrouve les quatre hommes de la soirée, Isaac Lopez-Gomes, Mathieu Contat, Yvon Demol et Axel Ibot, superbe quatuor à la danse très grande école française.

Nul doute que ses successeurs à la tête d’Incidence chorégraphique continueront le remarquable travail effectué par Bruno Bouché.