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DOSSIERS |
09 mai 2025 |
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Les cadeaux de Noël 2004 d'Altamusica
A l'approche de fêtes de fin d'année accourant au grand galop, Altamusica a voulu donner un petit coup de pouce à ceux qui ne savent pas trop quoi offrir à leurs amis mélomanes au milieu de la pléthore des références disponibles sur le marché français. Voici donc une avalanche de CD et DVD qui nécessiteront quelques deniers. A tous nos internautes-lecteurs, un très Joyeux Noël !
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 L'art de la symphonieUn monument de granitLes cadeaux de Noël 2013 d'Altamusica[ Tous les dossiers ]
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Sexy Trovatore

Giuseppe Verdi (1813-1901)
Le Trouvère
VerĂłnica Villaroel (Leonora)
José Cura (Manrico)
Dmitri Hvorostovsky (Conte di Luna)
Yvonne Naef (Azucena)
Choeur et Orchestre de l'Opéra Royal de Covent Garden
direction : Carlo Rizzi
mise en scène : Elijah Moshinsky
Enregistrement : 2002
DVD BBC Opus Arte OA 0848 D
Mettre en scène Il Trovatore, son histoire obscure, ses situations parfois ridicules, tient de la gageure. La catastrophe de Francesca Zambello, actuellement reprise et remaniée à l'Opéra Bastille, en témoigne tout autant que A Night at the Opera des Marx Brothers : contentons-nous donc d'écouter. Mais, miracle, ce n'est pas tant pour la direction honnête de Carlo Rizzi, ou une distribution qui ne peut prétendre aligner, selon le célèbre mot de Toscanini, « les quatre meilleurs chanteurs du monde » – pour cela, essayez Price, Corelli, Bastianini et Simionato sous la direction de Karajan en 1962 – que vaut ce DVD, mais bien pour ses images, ses physiques. Si la Leonora sans aura de Veronica Villaroel dépare un peu sans se racheter d'une grâce vocale, avec des raideurs qui brisent la ligne, un timbre un peu passé, José Cura, qui stylistiquement se tient et ne manque pas d'ardeur vocale, crève littéralement l'écran, Manrico authentiquement sexuel. Dmitri Hvorostovsky n'a sans doute pas une vraie voix de baryton-Verdi, mais une classe inimitable. Yvonne Naef est dans une bonne tradition, ose tous les aigus d'une voix bien trempée, et a des regards bouleversants que la caméra de Brian Large, si paresseuse ailleurs, capte au plus près. C'est qu'Elijah Moshinsky, dans les décors superbement romantiques de Dante Ferretti, a osé Mayerling et visé juste. Un duel de cette qualité, de cette flamboyante vérité, ça n'existe que dans les films de cape et d'épée !
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Dream team haendélienne

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Ariodante
Anne Sofie von Otter (Ariodante)
Lynne Dawson (Ginevra)
Ewa Podles (Polinesso)
VerĂłnica Cangemi (Dalinda)
Richard Croft (Lurcanio)
Denis Sedov (Il Re di Scozia)
Les Musiciens du Louvre
direction : Marc Minkowski
Enregistrement : 1997
3 CD Archiv Produktion 457 271-2
Poissy, janvier 1997, un des concerts du siècle, d'après les heureux présents : la face de Haendel s'en est trouvée changée. Cette révolution, la scène, à Garnier en 2001, n'a pas su la prolonger, avec son goût de réchauffé. Qu'importe, Ariodante, créé sans grand succès en 1735 par les imbattables gosiers de Carestini, Strada, Young, Negri et Beard, accède au rang de chef-d'oeuvre, nocturne, moral, d'après l'Arioste. C'est le théâtre de l'orchestre, d'abord, qui renouvelle tout, par la couleur franche, la chair du grave, inédite, la folie des tempi qui en osant les grands écarts, bousculent tout, et qu'imite la dynamique, en profondeurs extrêmes : Scherza infida est devenu un classique. Il y a aussi, souveraine, une distribution de grands gosiers. Anne Sofie von Otter joue la plus troublante androgynie, de fulgurances musiciennes inouïes, jusqu'à l'exubérance totale d'un Dopo notte d'époustouflante virtuosité. Lynne Dawson a dans le timbre, en plus de la lumière et de la facilité, la présence que ces devancières, reflets plus ou moins légitimes des Cuzzoni-Strada, n'avaient pas : bouleversant Il mio crudel martoro. Ewa Podles ne rentre dans aucune case, Polinesso explosif, en voix énorme sur toute l'étendue, la vocalise guerrière, à mille lieux de toute orthodoxie, tandis que Veronica Cangemi jette ses premiers feux, le timbre charmant alors, le vocabulaire riche, et l'agilité inimaginable. Richard Croft est de pur bronze, héroïque, tendre, et Denis Sedov ne retrouva jamais cette richesse vocale. Déjà historique !
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Le siècle d'or Decca

Giuseppe Verdi (1813-1901)
Don Carlo
Carlo Bergonzi (Don Carlo)
Renata Tebaldi (Elisabetta)
Grace Bumbry (la Princesse Eboli)
Nicolai Ghiaurov (Philippe II)
Dietrich Fischer-Dieskau (Posa)
Martti Talvela (Le grand Inquisiteur)
Choeur et Orchestre de l'Opéra Royal de Covent Garden
direction : Sir Georg Solti
Enregistrement : 1965
3 CD Decca 421 114-2
La vérité de Don Carlos, cinq actes élagués jusqu'à la dernière minute créés à Paris et en français, n'est certes pas là . Pour la première milanaise de 1884, Verdi en arriva même à supprimer l'intégralité du premier acte, récupéré dans la version de 1886 dite « de Modène », approuvée sinon remaniée par le compositeur. C'est cet hybride de belle tenue que propose l'enregistrement de Georg Solti, fleuron de l'âge d'or Decca. D'une distribution prompte à éveiller la nostalgie, Renata Tebaldi est l'élément le plus faible. L'angélisme terni du timbre, l'agressivité d'un aigu plafonnant et les manières plébéiennes font une Elisabetta bien peu altière. Si la névrose et la révolte ne sont pas son fort, Carlo Bergonzi offre, par le métal suave, la clarté de l'élocution et la pureté de la ligne, l'infant le plus aristocratique de la discographie. Dans le rôle de ses débuts scéniques, où il chantait plus clair que le ténor, Dietrich Fischer-Dieskau donne une magistrale leçon de théâtre. La couleur reste peu italienne, mais la variété des accents, l'éloquence de la phrase, le trille, l'élasticité de la ligne sont d'un immense chanteur. Alors dans son glorieux printemps, Grace Bumbry est la plus opulente, la plus explosive Eboli. Nicolaï Ghiaurov, maître du legato, orgue somptueux, est le plus souverain Filippo et Martti Talvela, voix de roche noire, le plus inquiétant Inquisiteur : leur confrontation est un sommet. Flamboyant, Georg Solti ne laisse aucun répit au Grand Opéra, relayé par un orchestre superlatif, de contrebasses terrifiantes.
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Le marbre subtil de Gardiner

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Idoménée
Anthony Rolfe Johnson (Idomeneo)
Anne Sofie von Otter (Idamante)
Sylvia McNair (Ilia)
Hillevi Martinpelto (Elettra)
Nigel Robson (Arbace)
The Monteverdi Choir
The English Baroque Soloists
direction : John Eliot Gardiner
Enregistrement : 1990
3 CD Archiv Produktion 431 674-2
Ce n'est certes pas le Mozart le plus évident, car peut-être le plus ambitieux. Dans son avant-dernier opera seria – il n'y reviendra que dix ans plus tard avec La Clemenza di Tito – le compositeur autrichien s'engage dans la voie tracée par Traetta, Piccini et Gluck pour l'abolition des formes closes, s'inspirant de la Tragédie Lyrique française. Aspirant à un certain idéal classique, avec son utilisation abondante des choeurs, Idomeneo est aussi le Mozart le plus difficile à réussir, et une gravure indiscutable se doit encore d'enrichir la discographie. Si Nikolaus Harnoncourt a eu la vision la plus noire et la plus complète du drame, les timbres ingrats de ses chanteurs le desservent. Pour l'heure, c'est donc la tentative de John Eliot Gardiner qui semble la plus recommandable, héritière directe de ses Haendel, Gluck et Rameau. D'un équilibre classique parfois un peu sage, elle met en valeur la beauté des timbres instrumentaux, d'une exécution sans scorie. Les chanteurs n'ont sans doute pas tout à fait l'envergure de leurs rôles, à l'exception d'Anthony Rolfe Johnson. Le rôle-titre nécessite peut-être une voix plus large, mais la classe de l'interprète est immense, jusque dans les vocalises habilement négociées et jamais mécaniques de Fuor del mar. Anne Sofie von Otter est un Idamante idéalement androgyne, adolescent, mais de timbre un peu pâle. Sylvia McNair, comme toujours un peu limitée, fait une Ilia policée d'exquise musicienne, tandis qu'Hillevi Martinpelto, Ilia évidente, campe une Elettra un peu placide. Il y a tableaux plus glorieux, mais l'oeuvre est à ce point passionnante qu'il serait regrettable de ne pas se laisser tenter.
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La fĂŞte Ă la grenouille

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Platée
Paul Agnew (Platée)
Mireille Delunsch (La Folie)
Yann Beuron (Mercure)
Laurent Naouri (Cithéron)
Vincent Le Texier (Jupiter)
Franck Leguérinel (Momus)
Choeur et Orchestre des Musiciens du Louvre
direction : Marc Minkoswki
mise en scène : Laurent Pelly
Enregistrement : 2002
DVD TDK DV-OPPLT
Dans l'oeuvre de Rameau, Platée est en marge. Composé en 1745 pour le mariage du Dauphin et de l'Infante d'Espagne, ce ballet bouffon ose le burlesque et l'autodérision en détournant toutes les conventions de la Tragédie Lyrique. Le rôle-titre est confié, comme de coutume, à une haute-contre, mais celle-ci abandonne ses atours de jeune premier pour ceux d'une nymphe ridiculisée par Jupiter, voulant tirer vengeance de la jalousie dévastatrice de Junon. Paul Agnew endosse les délirants costumes créés par Laurent Pelly avec un naturel confondant. Si incontestable dans Bach, Haendel, et plus encore dans les Rameau sérieux, le ténor britannique révèle un talent comique irrésistible, sans pour autant négliger le style et la diction, définitivement admirables. Pourtant, Mireille Delunsch lui volerait presque la vedette, Folie d'ores et déjà légendaire. Un chef-d'oeuvre de robe-partitions pare cette créature délurée au sourire grinçant, à la mimique dévastatrice qui dirige ses troupes en véritable meneuse de revue. Et c'est d'une vocalité hors du commun. Naouri, impeccable, Le Texier, de présence inégalable, Lamprecht, de fureur inaltérable, Gabail, adorable, Beuron, fringant, et Leguérinel, tordant, sont dirigés de main de maître par Pelly. Laura Scozzi, en ballets loufoques d'ouvreuses ou de grâces velues, assure la plus délirante répartie. Et Marc Minkowski, toujours un œil, un geste pour la caméra, emmène ses troupes au plus profond des marécages, d'un ronflement abyssal de contrebasses. Même moyennement filmé, ce vrai spectacle de théâtre est indispensable.
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Une Turandot belcantiste

Giacomo Puccini (1858-1924)
Turandot
Joan Sutherland (Turandot)
Luciano Pavarotti (Calaf)
Montserrat Caballé (Liù)
Nicolai Ghiaurov (Timur)
Choeur John Alldis
Orchestre Philharmonique de Londres
direction : Zubin Mehta
Enregistrement : 1972
2 CD Decca 414 274-2
D'aucuns disent qu'il s'agit là de l'ultime représentant d'un art vieux de trois cents ans : l'opéra italien. Giacomo Puccini a mis dans ce chant du cygne inachevé ses plus hautes ambitions. Admirateur de Debussy, il y ose ses harmonies les plus déroutantes, et vient concurrencer, par la gémellité des sources légendaires, le parcours initiatique d'une héroïne humanisée, La Femme sans ombre de Strauss et Hofmannsthal. A la tête de l'époustouflant Orchestre Philharmonique de Londres, Zubin Mehta réalise une synthèse fulgurante entre la sensualité des lignes pucciniennes et la nuit tranchante, glacée de la Cité Impériale, embrasée par la masse avide de sang du John Alldis Choir. Riche de ses Fille du Régiment, Elisir d'Amore et autre Lucia, le couple-vedette Decca n'était pas a priori le mieux armé pour affronter des rôles portés au firmament par les éclatants Nilsson et Corelli. Et pourtant, Joan Sutherland, privée de son attirail virtuose, réalise une de ses meilleures compositions. C'est que le timbre laiteux du soprano australien confère à la Princesse de glace une pureté astrale inédite. Solaire, viril, Luciano Pavarotti est d'une rare insolence, et d'un style souverain. Quant à Montserrat Caballé, jouant des reflets dorés de son timbre de miel, elle fait sienne la fragilité de Liù par la grâce de pianissimi infinis. Nicolai Ghiaurov est un roi déchu d'une bouleversante noblesse, et les comprimari – aussi inattendus que Tom Krause (Ping) et Peter Pears (Altoum), ou aussi naturels que Piero de Palma que l'on retrouve au générique de la moitié des Turandot disponibles – sont de grand luxe.
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Vénéneuse Anne Sofie

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Hercules
Anne Sofie von Otter (Dejanira)
Gidon Saks (Hercules)
Lynne Dawson (Iole)
Richard Croft (Hyllus)
David Daniels (Lichas).
Choeurs et Orchestre des Musiciens du Louvre
direction : Marc Minkowski
Enregistrement : 2000
3 CD Archiv Produktion 469 532-2
Même lieu, même configuration que pour Ariodante, trois ans plus tard, et un nouveau miracle. Depuis Romain Rolland et son « sommet du théâtre musical d'avant Gluck », le chef-d'oeuvre attendait son heure. Gardiner en a gravé l'une de ses plus grandes réussites. Minkowski en fait une consécration. La pâte orchestrale est désormais bien connue, bien installée, sans les excès symphoniques du Giulio Cesare à venir. Le choeur a des cheveux qui dépassent parfois ; c'est tant mieux pour que le bas-relief jamais ne se fige. Et la distribution, ressemblante, brûle d'un feu sombre. Pour David Daniels, Minkowski a rétabli tout le rôle de Lichas, et le contre-ténor américain le lui rend bien. Il ne faut pas ici chercher trop de poids aux mots, simplement se laisser aller à la pulpe du timbre. Lynne Dawson, un brin ternie, une facilité moins évidente peut-être, est d'une intense éloquence, d'une force, aussi, dans le désarroi d'Iole, qui tire des larmes. Richard Croft est John Beard pour la deuxième fois, avec quelques humaines, presque infantiles, fragilités qui scellent le sort d'Hyllus. Il ne faut surtout pas, pour l'Hercules de Gidon Saks, s'arrêter à l'épaisseur du timbre, son engorgement, car c'est bien là une voix de colosse, qui sait vocaliser et hisser jusqu'au tragique sa dernière scène. Enfin, Anne Sofie von Otter, sur l'étui un regard, un demi-sourire de Joconde, qui passe par tous les états possibles et imaginables, pour l'art et pour le micro, exclusivement, usant d'absences de voix sidérantes en certaines vocalises où seul passe un souffle. Et presque monstrueuse à force de calcul, chaque note découlant du sens de la précédente, une folie mathématique, à bout de timbre.
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Le couronnement de René

Claudio Monteverdi (1567-1643)
Le Couronnement de Poppée
Danielle Borst (Poppea)
Guillemette Laurens (Nerone)
Axel Köhler (Ottone)
Jennifer Larmore (Ottavia).
Concerto Vocale
direction : René Jacobs
Enregistrement : 1990
3 CD Harmonia Mundi HMC 2901330.32
La fosse du Théâtre des Champs-Elysées encore fumante de la rythmique implacable de la dernière tentative monteverdienne de René Jacobs, il faudra revenir à son premier essai, véritable coup de maître. Etrennée à Montpellier, la production de Gilbert Deflo et du chef gantois investit les studios en février 1990 pour une petite révolution. De cet opéra commercial, Jacobs osait le premier faire un vrai théâtre de cour, orchestre étoffé, ritournelles ajoutées, en un mot la luxuriance. Le plateau vocal n'est sans doute pas tout à fait le meilleur, mais le timbre de Danielle Borst, sa souplesse aussi, enchantent, la fougue, l'hystérie de Guillemette Laurens, Poppea de Gabriele Garrido dix ans plus tard, est irrésistible, et Jennifer Larmore est, quelques mois avant le Cesare qui allait définitivement l'imposer, une Ottavia en majesté. La troupe d'habitués, Dominique Visse, indéboulonnable et seul rescapé, Guy de Mey ou Michael Schopper, crève la platine. Seul Axel Köhler, Ottone geignard, déçoit vraiment. Mais, le tout – c'est l'estampille Jacobs – vaut mieux que chacune de ses parties : Monteverdi, la saveur des mots de Busenello, rivalisent enfin avec Shakespeare en un tourbillon baroque !
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La femme en pleine lumière

Richard Strauss (1864-1949)
La Femme sans ombre
Placido Domingo (l'Empereur)
Julia Varady (l'Impératrice)
Reinhild Runkel (La nourrice),
José van Dam (Barak),
Hildegard Behrens (la Teinturière).
Orchestre Philharmonique de Vienne
direction : Sir Georg Solti
Enregistrement : 1991
3 CD Decca 436 243-2
Capriccio mis à part, mais qui est déjà d'un autre genre, d'une autre époque, Richard Strauss n'ira pas plus loin que cette Frau ohne Schatten dans le domaine du théâtre lyrique. L'universalité du livret de Hugo von Hofmannsthal, qui en tirera un conte lumineux et captivant, l'invite à toutes les démesures vocales, en tessitures crucifiantes, orchestrales, synthèse fascinante des textures d'Ariadne et d'Elektra. Karl Böhm et Leonie Rysanek se sont voulus les divulgateurs de cette partition intimidante, et il faudra à tout prix écouter leurs nombreux témoignages. Mais la gravure de Georg Solti, aboutissement de son périple straussien, réalise une manière d'utopie par saisissants reflets vocaux des caractères. L'Impératrice de Julia Varady est la plus insaisissable des créatures, d'une entrée comme rêvée, souffle traversé de lumière, captant les moindres couleurs de l'orchestre, jusqu'à sa bouleversante et ultime métamorphose par le refus de boire à la fontaine de la vie. Placido Domingo, inattendu, mis à mal par les tensions straussiennes, est le plus vulnérable et le plus racé des Empereurs. Hildegard Behrens, Impératrice qui bouleversa Paris, traduit par la pureté écorchée du timbre les égarements de la femme-enfant. Reinhild Runkel est par les noirceurs, les duretés, l'impact de la projection une Nourrice d'exception. Que de beautés, enfin, chez le Barak d'une bonté sans doute trop noble de José van Dam. De cette légende de l'humanité, il y a eu conteurs plus subtils que Solti, mais le tourbillon orchestral teinté d'élans de simple tendresse qu'il inspire à un Philharmonique de Vienne en état de grâce est désarmant de sincérité.
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L'action de grâce de Peter Sellars

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Theodora
Dawn Upshaw (Theodora)
David Daniels (Didymus)
Lorraine Hunt (Irene)
Richard Croft (Septimius)
Frode Olsen (Valens)
Orchestre de l'Âge des Lumières
direction : William Christie
mise en scène : Peter Sellars
Enregistrement : 1996
DVD NVC Arts 0630-15481-2
Une récente reprise strasbourgeoise a saisi par instants fuyants la grâce étreignante de cette Theodora. C'est sans doute ce qu'il y a eu de plus humain, de plus profond, de plus intensément intelligent dans le théâtre lyrique de ces dix dernières années. Et c'est Peter Sellars lui-même qui filme son propre génie du mouvement, qui cadre Valens à la manière de CNN, qui effleure ses éclairages d'ombres bouleversantes. Le deuxième acte, la cellule de Theodora, son enfermement, sont à pleurer de bout en bout. Et chacun, jusqu'au moindre choriste, qui devient, qui est chanteur-acteur comme jamais il n'aurait pensé l'être, pouvoir y prétendre. Le metteur en scène américain révèle en chacun de ces êtres ce qu'ils ont de plus fragile, et transmet, par la posture, une dimension universelle à leur chant. Dawn Upshaw est cette figure angélique, vierge martyre, transcendée de pureté, de délié. David Daniels, à ses tous débuts encore – après cela il est normal de devenir star –, n'a plus jamais eu ce visage-là , cette détresse, cette beauté, cette bonté, le mot pour le mot, la musique pour la musique, et rien pour l'hédonisme. Lorraine Hunt est une figure consumée de Vestale, avec sa ligne infinie, vocale, physique. Richard Croft lutte encore dans le carcan de l'obéissance, d'une vocalité implacable. Et Frode Olsen a toute la voix, mais surtout le physique de Valens. Enfin, William Christie est dans un des sommets de sa gloire. C'est tout simplement idéal d'engagement, de variété, de références au seicento. Une leçon, magistrale.
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