Le premier choc du Maggio d'Orfeo e Euridice composé par Dino Landi est en effet celui du verbe. Il n'y a ici aucun fard, presque aucun théâtre : les costumes sont simples, ressemblants, les gestes rares, naïfs jusqu'à la maladresse, les effets même d'un serpent ou de la fumée des Enfers prêteraient à sourire s'il n'y avait le pouvoir hypnotique du mot ainsi psalmodié de voix hypnotiques, particulièrement chez les anciens – Annalisa Lari, Enrico Baschieri, Mario Filippi et dans une moindre mesure Andrea Baci. Car l'immuable mélisme qui porte le vers à travers les résonances profondes de ces voix puissantes est expression pure. Qu'importe alors que certains corps frisent la transparence ; plus qu'un art théâtral, le Maggio est un art direct, de la fable et du dire, de l'impact purement vocal de la quintessence même du vers, de la langue, en somme un art épique.
L'interprétation que donnent Harry Pickett et Jonathan Miller de l'Orfeo de Monteverdi s'affirme aux antipodes de cette simplicité. De la lumière à l'ombre, et de l'ombre à la lumière, du pastoral à l'infernal, et de l'infernal à l'olympien, le chef d'orchestre et le metteur en scène britanniques livrent un manifeste esthétique, philosophique et musical au plus près du syncrétisme de ce chef d'oeuvre isolé de l'histoire de la musique. L'Orfeo n'est pas action, et du geste, simple, fluide, à la variété des couleurs instrumentales, tout revêt une fonction symbolique.
L'expression même de l'âme affleure par l'hédonisme vocal des chanteurs, dès que la lumière de la Musica de Joanne Lunn diffuse comme un voile enchanteur. Ainsi depuis l'ombre bouleverse la Messagère de Julia Gooding, chant nu et plein, et d'une beauté de timbre inattendue, grave profond, aigu sombre, virtuose consommé, Mark Tucker fait un remarquable Orfeo.
Les héros et leur fabuleux destin, Abbaye de Royaumont, 18 septembre 2005
Maggio d'Orfeo e d'Euridice de Dino Landi
Compagnie du Maggio di Buti Pietro Frediani
Cycle Orphée, Cité de la Musique, Paris, 25 septembre 2005
L'Orfeo de Monteverdi
New London Consort
direction : Philipp Pickett
mise en scène : Jonathan Miller
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