À cet Orfeo éclairé répond, autre expérimentation, autre aboutissement, le fracas des armes du Combattimento di Tancredi e Clorinda par le Concerto Italiano de Rinaldo Alessandrini. Qui mieux que le chef et claveciniste italien sait aujourd'hui exalter les couleurs et les contrastes de cette partition, d'une théâtralité échevelée et bouleversante, d'une italianità ébouriffée ? Peut-être parfois au détriment du texte, car ainsi exalté, Monteverdi se suffit à lui-même, et le Tasse passe au second plan. Non que la narration du Testo de Luca Dordolo ne palpite, malgré, ici et là , quelques ornements proscrits par le compositeur, mais la machine de guerre d'Alessandrini érige une forteresse qu'il faut franchir au prix de tensions vocales et d'un vibrato qui, lui, se distend.
Le texte pur nous est rendu par la compagnie de Mario Filippi, prélude et postlude à la scène musicale monteverdienne, d'abord dans le réfectoire des moines, puis, exercice plus périlleux, plus envoûtant encore, dans le cloître de l'Abbaye de Royaumont. Les narrateurs dominent la scène, et sur le gazon, deux figures frêles, Annalisa Lari et Mario Filippi, sont Tancrède et Clorinde, immobiles, un bâton à la main, ils s'observent, le texte les envahit, musique pure de l'hendécasyllabe qui fait vibrer ces corps silencieux. Et soudaine, née d'un mouvement rare, fulgurant, est la mort de Clorinde, d'un simple coup en plein coeur, pour que le verbe, le vers s'éteignent.
Les héros et leur fabuleux destin, Abbaye de Royaumont, 18 septembre 2005
Il Combattimento di Tancredi e Clorinda de Torquato Tasso
Compagnie du Maggio di Buti Pietro Frediani
Il Combattimento di Tancredi e Clorinda et autres madrigaux de Monteverdi
Concerto Italiano
direction : Rinaldo Alessandrini
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