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DOSSIERS 28 avril 2024

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Noces

Les Noces de Figaro n'avaient plus connu pareil tourbillon théâtral depuis la production mythique de Giorgio Strehler. Créée en 2001 sous la baguette de René Jacobs, la mise en scène de Jean-Louis Martinoty s'est rapidement imposée comme une référence. A l'occasion de cette deuxième reprise, le metteur en scène nous livre les secrets de cet opéra à clefs.
 

Le 12/10/2005
Propos recueillis par Mehdi MAHDAVI
 
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  • Je m'appuie considérablement sur la personnalité des interprètes, pour en faire des sanguins, des froids calculateurs, des gens d'une grande spontanéité. Si je dispose d'une Comtesse terriblement aristocratique, je vais la faire basculer davantage vers Rosine, et inversement, pour équilibrer, et retrouver un naturel.

     

    Les antécédents de la Comtesse

    Ce qui, en revanche, ne change pas, c'est que la Comtesse des Noces de Figaro est la Rosine du Barbier de Séville de Beaumarchais, et on ne peut la comprendre que si on sait quel phénomène d'invention elle est : les Noces de Figaro sont en fait les noces de Suzanne, et la personne qui conduit toute la bataille n'est ni Figaro, ni Suzanne, mais la Comtesse. A partir du moment où Figaro est reconnu comme le fils de Marcelline, l'obstacle au mariage tombe. Figaro et Suzanne n'ont plus qu'à convoler ; on fait d'ailleurs la fête au troisième acte, et tout est fini.

     

    Du quatrième acte

    Alors pourquoi un quatrième acte ? Parce que la Comtesse oblige Suzanne à s'habiller en costume de Comtesse, pour lui permettre de jouer Suzanne. Ce qui m'amène, en tirant les conséquences extrêmes, à faire quelque chose dont je n'avais pas réussi à persuader Ponnelle, bien que nous l'ayons un peu esquissé dans le film que nous avons fait ensemble, car il est évident que Figaro voit Suzanne en train de chanter l'air des Marronniers, et que cet air est chanté par Suzanne en robe de Comtesse, ce qui veut dire que l'une chante, et que l'autre joue en play-back, comme Cyrano sous le balcon de Roxane. La Comtesse va donc jouer ce qu'elle imagine qu'une petite bonniche comme Suzanne jouerait si elle attendait le Comte, et qui est tout à fait en contradiction avec la beauté émouvante de l'air.

    La pantomime de la Comtesse, pour effrayer Suzanne, doit donc avoir quelque chose d'un peu faux, d'un peu outré, qui doit faire, non pas frémir d'horreur le spectateur devant le fait qu'un air aussi beau puisse être dénaturé par le jeu de la Comtesse, mais justement le faire frémir de douleur devant Figaro voyant Suzanne se conduire assez mal – puisque c'est la Comtesse qui joue –, et l'effort que cette corvée représente pour Suzanne, qui ne peut rigoureusement y trouver aucun intérêt.



    D'ailleurs, tous les personnages seront dupés. La Comtesse se fera piquer par Chérubin, qui se conduit exactement comme le Comte, tandis que la Comtesse en robe de Suzanne se conduit comme elle imagine que sa camériste se conduirait avec son époux, c'est-à-dire qu'elle se jette en arrière en ouvrant les cuisses comme pour dire : « allez-y ! Â» Et s'il n'y avait pas tant de monde autour, elle se laisserait faire sur place, plutôt que d'aller dans le cabinet où elle a bien l'intention de faire l'amour avec son mari pour mieux le confondre. Par son intervention, Figaro éloigne le Comte, et surprend Suzanne, fine mouche qui a roulé tout son monde dans la farine, lui faisant croire qu'il est prêt à coucher avec la Comtesse pour se venger, avant de lui avouer avoir reconnu sa voix.

     

    Libertinages en transparences

    Ce jeu de masques n'est possible que dans une illusion théâtrale qui est l'illusion de l'opéra, puisque des gens qui sont cachés chantent ensemble. Nous avons résolu le problème avec des tableaux transparents, astuces théâtrales qui permettent de bien faire comprendre que quelqu'un qui est caché chante quand même. Il y a quelquefois des situations cocasses, comme celle qui a fait que les précédentes Comtesses étaient plus grandes que de très petites Suzanne, et qui nous obligeait à faire marcher la Comtesse à genoux sous son déguisement. Nous n'avons plus recours à cette ruse assez amusante puisque, cette fois, elles ont la même taille.

    Alors, faut-il deviner que Suzanne en robe de Comtesse chante la partie de Suzanne, jouée par la Comtesse en robe de Suzanne, qui chante la partie de la Comtesse, jouée par Suzanne en robe de Comtesse, ou ne voir, comme le public, que la Comtesse parlant à Suzanne, ou encore croire, comme Figaro, que nous avons tout simplement interchangé les voix, ce qui d'ailleurs serait tout à fait possible ? Mais nous aimons les raffinements, voire les complications extrêmes, ces jeux de masques terriblement XVIIIe, libertins, cet art de la litote.

     

    L'art de la ruse picturale

    Il y a donc des ruses dans le spectacle. J'ai par exemple voulu que tous les tableaux, qui sont là aussi bien en tant que tableaux, qu'en tant que représentations du mobilier, datent d'avant le XVIIIe siècle pour montrer qu'il s'agit d'un vieux château, d'une vieille société, tandis qu'à l'exception du fauteuil, seuls les objets sont en trois dimensions. Nous essayons autant que possible de donner des petites choses à voir, à réfléchir, pour ceux qui se demanderaient pourquoi ce décor XVIIIe – car la boîte est XVIIIe – regorge d'éléments XVIIe comme le tableau de Vélasquez : tout simplement parce qu'à l'époque, comme aujourd'hui, le dernier design ne dominait pas forcément dans le mobilier.

     

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