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DOSSIERS |
25 avril 2024 |
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Aspects du Ring
Alors que Paris monte pour la première fois depuis dix ans un nouveau Ring, Altamusica vous propose d'explorer le monument wagnérien à travers trois aspects : Gérard Mannoni revient sur un demi-siècle de mises en scène à Bayreuth et en France ; Yutha Tep interroge Christoph Eschenbach, chef de ce nouveau Ring ; et Yannick Millon vous propose quelques pistes discographiques.
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Mettre en scène la Tétralogie est un casse-tête unique en son genre dans le monde de l'opéra. Tout est réuni pour compliquer à l'extrême la tâche de ceux qui s'attaquent à cette entreprise titanesque : la longueur des oeuvres, la complication de l'intrigue et de tous ses non-dits, les indications méticuleuses données par Wagner lui-même, la multiplicité des personnages et des approches possibles en tous domaines, l'existence d'un public averti, passionné et parfois même fanatique, la nécessité d'avoir recours à un certain type de voix primant souvent sur la crédibilité scénique des interprètes, et encore bien d'autres critères et contraintes, comme ce mélange permanent de réalisme et de métaphysique cher au compositeur. Et pourtant, jamais cette entreprise kamikaze n'a tenté autant de monde, jamais autant de tétralogies n'ont fleuri partout. Difficile, donc, de tenter l'esquisse d'une histoire de la mise en scène de ces quatre journées, même en s'en tenant aux moments les plus importants et les plus significatifs à Bayreuth et en France.
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L'entre-deux guerres
À part quelques hardiesses de détails tentées par Heinz Tietjen dans l'entre-deux guerres à Bayreuth, la plupart des productions sont avant tout figuratives jusqu'au Nouveau Bayreuth de 1951. Un peu partout dans le monde, les Filles du Rhin évoluent entre des roseaux de carton pâte, les Walkyries ont forcément leur casque, Wotan sa lance et Brünnhilde son cheval.
Germaine Lubin aimait à raconter qu'à Berlin, dans la pénombre du final du Crépuscule des dieux, elle s'avançait en tenant par la bride un Grane bien réel à qui la musique causait un dérangement intestinal catastrophique qui rendait plus que hasardeuse ses évolutions dans la robe immaculée du sacrifice
Les chevaux feront de temps à autre leur apparition par la suite, comme dans la production Grüber de la Walkyrie à l'Opéra de Paris en 1976. Les Ring vus au Palais Garnier dans les années 1950, pourtant dotés de somptueuses distributions avec Knappertsbusch ou Sebastian au pupitre, Leonie Rysanek et Régine Crespin en Sieglinde, Martha Mödl ou Anja Silja en Brünnhilde, baignent dans un réalisme poussiéreux où pas une feuille ne manque aux arbres ni un poil à la barbe de Wotan. On avait la consolation des voix tout en sachant qu'ailleurs, une révolution était en marche.
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Le Neues Bayreuth
Avec la réouverture du Festival de Bayreuth en 1951, Wieland, petit-fils du compositeur, tourne une page dans l'histoire du théâtre wagnérien et initie la première grande période de dépouillement. Dans une quasi obscurité, sur la fameuse plate-forme ronde baptisée « boîte à camembert » par les habitués du festival, avec d'incroyables jeux de lumière, des costumes dépouillés et une exceptionnelle direction d'acteurs, il traite la symbolique des oeuvres, la dimension philosophique et légendaire des personnages et de l'histoire. Hans Hotter, Wolfgang Windgassen, Astrid Varnay, Martha Mödl, Leonie Rysanek puis Birgit Nilsson ont tous la carrure vocale et la puissance dramatique de ces héros surdimensionnés, évoluant dans des sphères inaccessibles au commun des mortels. À Bayreuth toujours, les mises en scène suivantes où alternèrent Wolfgang et à nouveau Wieland Wagner, restent fidèles à cette approche dépouillée, symbolique, où le jeu théâtral des immenses chanteurs-tragédiens atteint une ampleur que seule égale la production du centenaire en 1976.
Car c'est encore à Bayreuth qu'a lieu cette nouvelle révolution, héritière des diverses tentatives initiées au début des années 1970, dans la foulée des idées de mai 68, cherchant à donner une lecture politique et sociale de Wagner en général et du Ring en particulier. Psychanalyse et critique sociale commencent à envahir les scènes de théâtre et d'opéra. Wagner n'y échappe pas et la vision de Patrice Chéreau en représente sans aucun doute l'avatar le plus intelligent, le plus complet, le plus parfaitement réalisé du point de vue théâtral.
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