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DOSSIERS 03 mai 2024

Aspects du Ring
© Adolfo Arranz

Alors que Paris monte pour la première fois depuis dix ans un nouveau Ring, Altamusica vous propose d'explorer le monument wagnérien à travers trois aspects : Gérard Mannoni revient sur un demi-siècle de mises en scène à Bayreuth et en France ; Yutha Tep interroge Christoph Eschenbach, chef de ce nouveau Ring ; et Yannick Millon vous propose quelques pistes discographiques.
 

Le 18/10/2005
Propos recueillis par Gérard MANNONI, Yutha TEP et Yannick MILLON
 
  • Mettre en scène le Ring (1)
  • Mettre en scène le Ring (2)
  • Christoph Eschenbach, à l'assaut du Ring
  • Discographie : Trois piliers...
  • Discographie : Pour approfondir...



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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Knappertsbusch Bayreuth 1956



    Richard Wagner (1813-1883)
    Der Ring des Nibelungen

    Das Rheingold :
    Hans Hotter (Wotan), Georgine von Milinkovic (Fricka), Gré Brouwestinjn (Freia), JOsef Traxel (Froh), Alfons Herwig (Donner), Ludwig Suthaus (Loge), Paul Kuen (Mime), Jean Madeira (Erda), Gustav Neidlinger (Alberich), Josef Greindl (Fasolt), Arnold van Mill (Fafner), Lore Wissmann (Woglinde), Paula Lenchner (Wellgunde), Maria von Ilosvay (Flosshilde).
    Enregistrement : 13 août 1956

    Die Walküre :
    Wolfgang Windgassen (Siegmund), Gré Brouwestijn (Sieglinde), Josef Greindl (Hunding), Hans Hotter (Wotan), Astrid Varnay (Brünnhilde), Georgine von Milinkovic (Fricka), Elisabeth Schärtel (Waltraute), Hilde Scheppan (Helmwige), Gerda Lammers (Ortlinde), Paula Lenchner (Gerhilde), Maria von Ilosvay (Schwertleite), Luise Charlotte Kamps (Siegrune), Jean Madeira (Rossweisse), Georgine von Milinkovic (Grimgerde).
    Enregistrement : 14 août 1956

    Siegfried :
    Wolfgang Windgassen (Siegfried), Astrid Varnay (Brünnhilde), Hans Hotter (Der Wanderer), Paul Kuen (Mime), Gustav Neidlinger (Alberich), Arnold van Mill (Fafner), Jean Madeira (Erda), Ilse Hollweg (l'Oiseau de la forêt).
    Enregistrement : 15 août 1956

    Götterdämmerung :
    Wolfgang Windgassen (Siegfried), Astrid Varnay (Brünnhilde), Gustav Neidlinger (Alberich), Josef Greindl (Hagen), Gré Brouwestijn (Gutrune), Hermann Uhde (Gunther), Jean Madeira (Waltraute), Lore Wissmann (Woglinde), Paula Lenchner (Wellgunde), Maria von Ilosvay (Flosshilde), Jean Madeira (Première norne), Maria von Ilosvay (Deuxième norne), Astrid Varnay (Troisième norne).
    Enregistrement : 17 août 1956

    Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
    direction : Hans Knappertsbusch

    13 CD Orfeo C 660 513 Y

    À l'été 1956, Hans Knappertsbusch revient au Ring après l'avoir boudé depuis l'inauguration de 1951. Keilberth en a assuré le premier cycle, Kna est chargé du second, le plus important en terme d'image, car on y fête jour pour jour le 80e anniversaire de la création de 1876. Après cinq années de silence tétralogien, le spécialiste de Parsifal aborde le Ring prudemment. Finies les incroyables distensions de 1951 – Tétralogie la plus lente de l'histoire du festival – mais pas encore la vision tellurique qui soulèvera des montagnes en 1958.

    Knappertsbusch s'appuie sur les cordes, particulièrement les basses, et distille une vision ancrée dans la tradition, où le geste global l'emporte sur toute forme de détail, sans instrumentalité ni sens narratif particuliers. Ce Wagner puissant, charpenté, en un sens classique, tient parfaitement la distance, même s'il délivrera des grondements et séismes orchestraux à couper le souffle deux étés plus tard.

    On peut d'ailleurs se demander pourquoi une édition officielle des archives du Neues Bayreuth comme celle-ci, supervisée par Wolfgang Wagner, n'a pas opté pour le dernier témoignage du grand Kna. La réponse est simple. En terme d'écoute, le confort auditif est ici supérieur, l'image orchestrale beaucoup plus lisse et moins rugueuse, donc plus séduisante à l'heure du tout numérique – même si l'on perd parfois le cheminement des bois.

    Surtout, on a moins à souffrir des dérapages et incertitudes des autres Ring de Kna, et la restitution des voix, même à fort volume, ne casse jamais les oreilles. En bref, cette version 1956 est la plus phonogénique, la plus à même de séduire à la fois les fans d'archives comme ceux qui voudraient s'y mettre sans être rebutés par la technique ou un coffret bien laid et sans documentation.

    Quoi qu'il en soit, les uns et les autres ne seront pas déçus par la distribution, qui affiche de surcroît quelques sauvetages qui font rêver : ainsi Windgassen remplace à la dernière minute Vinay dans Siegmund, et y brille d'une tout autre lumière ; ainsi Varnay prend la relève d'une Mödl souffrante en troisième Norne, juste avant d'enchaîner toute la Brünnhilde du Crépuscule.

    Même s'ils apparaîtront plus éblouissants en 1958 – mais ce sera alors le premier cycle de l'été –, Hotter, Windgassen, Varnay et Neidlinger, malgré leurs fatigues passagères, peuvent encore donner la leçon les yeux fermés.

    Le reste de la distribution est des plus homogènes. Gré Brouwenstijn, excellente Gutrune et jolie Freia, est un peu juste en Sieglinde, mais tout à fait acceptable. Jean Madeira reste l'une des Erda les plus possédées et prophétiques, l'une des premières Nornes les plus inquiètes, l'une des Waltraute les plus affolées. Ludwig Suthaus, intelligent, élégant, signe l'un des meilleurs Loge de la discographie. Georgine von Milinkovic est une Fricka fébrile et amoureuse, très sopranisante.

    Excellents Donner et Froh d'Alfons Herwig et Josef Traxel, Mime insurpassable de Paul Kuen, Fasolt XXL de Josef Greindl – presque trop sombre, mais surtout incertain d'intonation – et Fafner au creux parmi les plus impressionnants d'Arnold van Mill, Gunther classique et efficace de Hermann Uhde. Très belles Filles du Rhin et Nornes à toute épreuve, mais Walkyries toujours aussi erratiques – on se tournera vers Solti et Böhm avant tout pour y trouver pointures adéquates.

    Le tout dans une présentation Orfeo soignée, avec une riche iconographie et des informations précieuses qui nous replongent au coeur du Bayreuth de la grande époque.



     
    Knappertsbusch Bayreuth 1958



    Richard Wagner (1813-1883)
    Der Ring des Nibelungen

    Das Rheingold :
    Hans Hotter (Wotan), Rita Gorr (Fricka), Elisabeth Grümmer (Freia), Sandor Konya (Froh), Erik Saeden (Donner), Fritz Uhl (Loge), Gerhard Stolze (Mime), Maria von Ilosvay (Erda), Frans Andersson (Alberich), Theo Adam (Fasolt), Josef Greindl (Fafner), Dorothea Siebert (Woglinde), Claudia Hellmann (Wellgunde), Ursula Boese (Flosshilde).
    Enregistrement : 27 juillet 1958

    Die Walküre :
    Jon Vickers (Siegmund), Leonie Rysanek (Sieglinde), Josef Greindl (Hunding), Hans Hotter (Wotan), Astrid Varnay (Brünnhilde), Rita Gorr (Fricka), Elisabeth Schärtel (Waltraute), Lotte Rysanek (Helmwige), Hilde Scheppan (Ortlinde), Marlies Siemeling (Gerhilde), Maria von Ilosvay (Schwertleite), Grace Hoffmann (Siegrune), Ursula Boese (Rossweisse), Rita Gorr (Grimgerde).
    Enregistrement : 28 juillet 1958

    Siegfried :
    Wolfgang Windgassen (Siegfried), Astrid Varnay (Brünnhilde), Hans Hotter (Der Wanderer), Gerhard Stolze (Mime), Franz Andersson (Alberich), Josef Greindl (Fafner), Maria von Ilosvay (Erda), Dorothea Siebert (l'Oiseau de la forêt).
    Enregistrement : 30 juillet 1958

    Götterdämmerung :
    Wolfgang Windgassen (Siegfried), Astrid Varnay (Brünnhilde), Franz Andersson (Alberich), Josef Greindl (Hagen), Elisabeth Grümmer (Gutrune), Otto Wiener (Gunther), Jean Madeira (Waltraute), Dorothea Siebert (Woglinde), Claudia Hellmann (Wellgunde), Ursula Boese (Flosshilde), Jean Madeira (Première norne), Ursula Boese (Deuxième norne), Rita Gorr (Troisième norne).
    Enregistrement : 1er août 1958

    Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
    direction : Hans Knappertsbusch

    14 CD Golden Melodram GM 1.0052

    Comme nous l'avons laissé entrevoir plus haut, ce Ring de 1958 est plus directement réservé aux collectionneurs et wagnériens chevronnés, qui y trouveront nettement plus de matière que dans l'édition 1956. Knappertsbusch, seul aux commandes de la Tétralogie depuis 1957 et conscient qu'il la dirige pour le dernier été, en livre sa lecture la plus aboutie.

    Les prudences sont remplacées par des prises de risque phénoménales : la pâte sonore semble sourdre en permanence des profondeurs du Nibelheim : vision noire, creusée dans les abysses, dont certains crescendi emportent tout sur leur passage, toujours dans des tempi lents et un son d'orchestre très fourni. La scène des Vassaux de Hagen, en particulier, atteint des sommets de noirceur. La prise de son, plus détaillée pour l'orchestre qu'en 1956, est aussi plus crue et impitoyable pour les approximations rythmiques et d'intonation.

    Pour cette dernière année du premier Ring de Wieland Wagner, l'équipe vocale est partiellement renouvelée. Hotter, Windgassen et Varnay, moins fatigués qu'en 1956 – Varnay tient ses appels de Brünnhilde jusqu'au bout –, mais moins évidents qu'en 1953 chez Krauss, sont toujours aux avant-postes, rejoints ici par le très bon Alberich de Frans Andersson. Kna voit cette fois son plus beau plateau de Filles du Rhin et un Oiseau de luxe en la personne de Dorothea Siebert.

    Rita Gorr cherche l'autorité de Fricka avant tout dans les décibels, Fritz Uhl est un Loge un peu hésitant, Sandor Konya un Froh très lumineux, Erik Saeden un Donner très moyen, Josef Greindl toujours un Hagen effroyablement noir, Elisabeth Grümmer un rayon de soleil en Freia et Gutrune, Otto Wiener d'une placide solidité en Gunther.

    Paul Kuen, qui avait chanté seul tous les Mime depuis 1951, partage le rôle avec Gerhard Stolze en 1957, avant de lui laisser cette fois les deux cycles. Une page se tourne. Mais surtout, le I de la Walkyrie, sommet de beauté plastique et contemplative, bénéficie de l'engagement total du Siegmund aristocratique et civilisé, aussi poète qu'halluciné – au point d'escamoter son dernier aigu – de Jon Vickers et de la Sieglinde incendiaire de Leonie Rysanek.

    Une prestation moins constante et une distribution plus en dents de scie que deux ans auparavant, mais un climat à nul autre pareil, une ambiance de fin du monde pour ce Ring qui marque l'aboutissement d'une décennie parmi les plus riches de l'histoire de l'interprétation de l'oeuvre.



     
    Karajan Berlin 1966-70



    Richard Wagner (1813-1883)
    Der Ring des Nibelungen

    Das Rheingold :
    Dietrich Fischer-Dieskau (Wotan), Josephine Veasey (Fricka), Simone Mangelsdorff (Freia), Donald Grobe (Froh), Robert Kerns (Donner), Gerhard Stolze (Loge), Erwin Wohlfahrt (Mime), Oralia Dominguez (Erda), Zoltan Kelemen (Alberich), Martti Talvela (Fasolt), Karl Ridderbusch (Fafner), Helen Donath (Woglinde), Edda Moser (Wellgunde), Anna Reynolds (Flosshilde).
    Enregistrement : 1967

    Die Walküre :
    Jon Vickers (Siegmund), Gundula Janowitz (Sieglinde), Martti Talvela (Hunding), Thomas Stewart (Wotan), Régine Crespin (Brünnhilde), Josephine Veasey (Fricka), Ingrid Steger (Waltraute), Danica Mastilovic (Helmwige), Carlotta Ordassy (Ortlinde), Liselotte Rebmann (Gerhilde), Lilo Brockhaus (Schwertleite), Barbro Ericson (Siegrune), Helga Jenckel (Rossweisse), Cvetka Ahlin (Grimgerde).
    Enregistrement : 1966

    Siegfried :
    Jess Thomas (Siegfried), Helga Dernesch (Brünnhilde), Thomas Stewart (Der Wanderer), Gerhard Stolze (Mime), Zoltan Kelemen (Alberich), Karl Ridderbusch (Fafner), Oralia Dominguez (Erda), Catherine Gayer (l'Oiseau de la forêt).
    Enregistrement : 1968-69

    Götterdämmerung :
    Helge Brilioth (Siegfried), Helga Dernesch (Brünnhilde), Zoltan Kelemen (Alberich), Karl Ridderbusch(Hagen), Gundula Janowitz (Gutrune), Thomas Stewart (Gunther), Christa Ludwig (Waltraute), Liselotte Rebmann (Woglinde), Edda Moser (Wellgunde), Anna Reynolds (Flosshilde), Lili Chookasian (Première norne), Christa Ludwig (Deuxième norne), Catarina Ligendza (Troisième norne).
    Enregistrement : 1969-70

    Berliner Philharmoniker
    direction : Herbert von Karajan

    14 CD Deutsche Grammophon Originals 457 780-2

    Karajan n'a fait que deux apparitions à Bayreuth, en 1951 et 52. Fâché avec Wieland Wagner, il ne remettra plus les pieds sur la Colline. Pourtant, les témoignages de cette époque sont tous fascinants : des Maîtres d'une fièvre inextinguible, un Tristan tragique entre tous, un Or du Rhin et un Siegfried complets qui montrent à quel point le chef autrichien privilégiait déjà l'avancée et le théâtre, un III de la Walkyrie sous haute tension.

    Les années passent, et en 1966, Karajan décide de monter son propre festival Wagner, avec le Philharmonique de Berlin à Salzbourg. Ce que laissaient entrevoir les pirates de Bayreuth, l'enregistrement studio qui précède les représentations salzbourgeoises l'affiche au grand jour. Un commentateur parle alors de « musique de chambre Â». Le mot est lâché et fait florès !

    Mais bien plus que de musique de chambre, il s'agit de transparence, de clarté du tissu orchestral, de flexibilité de la battue, le tout dans des tempi plutôt lents. L'Or du Rhin est à ce point de vue une parfaite réussite, proche de la Klangfarbenmelodie chère aux Viennois, avec des éclairages subtils et inédits au service de la lisibilité et de l'individualisation du timbre.

    De même, la Walkyrie offre des climats intimistes et propices à la confession, qui servent parfaitement l'émoi naissant entre les deux jumeaux. Mais le point faible de ce Ring reste une conception qui ne tient pas l'ensemble du cycle.

    Dans Siegfried, la modernité en prend un coup : dans le cadre d'une exécution si scrupuleuse à l'instrumentalité, comment Karajan a-t-il pu accepter du tuba ce petit vibrato qui tient de la mention de cinéma muet « attention, fantôme à l'approche ! Â» et anéantit tout effet de mélodie de timbres ? De même, après une scène des Nornes parmi les plus belles de la discographie, on a du mal à suivre le cheminement d'un Crépuscule assez peu dramatique, tantôt à peine audible (le kaum hörbar webernien) tantôt bruyant et emphatique.

    Reste que Karajan a soignement évité les barriques wagnériennes de son temps, pour leur préférer des voix plus enclines aux nuances, et qu'à cette époque, on est encore attentif à bien chanter Wagner, même avec des moyens peu adaptés.

    Un Lohengrin, un Empereur straussien, Jess Thomas est un Siegfried light qui ne manque pas de charme : peu héroïque mais toujours jeune et châtié, presque adolescent de voix comme de ton. Moins séduisant et souvent un peu nasal, Helge Brilioth n'a finalement rien d'indigne. Même avec une aura parfois en option, Thomas Stewart est l'un des Wotan les mieux chantants et de toute façon nettement plus approprié qu'un Dietrich Fischer-Dieskau.

    Régine Crespin, très limite dans les appels, offre l'une des plus bouleversantes Annonce de la Mort, et demeure l'une des Brünnhilde les plus féminines, les plus touchantes. Helga Dernesch est aussi une héroïne juvénile, dont certaines couleurs et la fièvre dans le vibrato ne sont pas sans rappeler une Cheryl Studer. Un aigu un peu dur – mais qu'on n'échangerait pour rien au monde contre ceux des hurleuses qui sévissent dans tous les théâtres aujourd'hui – n'y changera rien, voilà une Brünnhilde qui se tient.

    Jon Vickers, du murmure aux éclats les plus soudains, est un Siegmund déchiré – dont on préférera toutefois la prestation en scène chez Knappertsbusch –, assez mal assorti à l'angélisme d'une Janowitz chez qui on cherchera en vain, au cœur d'un des plus beaux timbres du monde, à capter le texte.

    Un Ring nouveau mais inabouti, pour approfondir, une fois que les grands classiques sus-cités auront livré tous leurs charmes, s'ils s'épuisent un jour.



     

    Yannick MILLON
  • Mettre en scène le Ring (1)
  • Mettre en scène le Ring (2)
  • Christoph Eschenbach, à l'assaut du Ring
  • Discographie : Trois piliers...
  • Discographie : Pour approfondir...
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