« Les sons et les couleurs se répondent Â», disait Rimbaud. L'encyclopédie Century joue des correspondances entre les arts en évoquant vingt-cinq siècles d'histoire de la musique. Voici un cadeau de Noël idéal, bien conçu, parfaitement et clairement réalisé, une splendeur apte à ravir autant les adolescents que les spécialistes. Un exemple avec le CD intitulé Le style classique, soit la première école de Vienne (1775-1820). Sur la jaquette, le Palais de Schönbrunn par Canaletto. Une notice indique la technique du peintre pour lequel la beauté, née de la vérité de l'expression, fut un idéal du classicisme incarné musicalement par Gluck, Haydn, Mozart, Beethoven. La page de garde donne des notices sur les genres classiques : la réforme de Gluck, la dynamique de la forme sonate. Sur le livret, une carte de l'Europe en 1800, accompagnée des dates clefs et des principales créations artistiques. À l'intérieur du livret, des réponses à quelques questions, comme pourquoi rattache-t-on le style classique à la capitale cosmopolite qu'était Vienne au XVIII^e siècle ? Les oeuvres proposées ont été enregistrées par des artistes maison tels René Jacobs et Philippe Herreweghe. Ce sont des rééditions et des extraits de disques connus. Le choeur du premier acte d'Orfeo ed Euridice de Gluck permet de retrouver la mezzo Bernarda Fink. Parmi les pièces de Haydn, le quatuor l'Alouette est joué par le Jerusalem Quartet. Dans trois extraits des Noces de Figaro de Mozart, on entend par exemple le ravissant Chérubin d'Angela Kirchschlager. L'Adagio du Concerto pour clarinette de Mozart est dû à Michel Portal. Pour Beethoven ont été sélectionnés le Sanctus de la Missa Solemnis, le premier mouvement la sonate Au clair de lune par Frank Braley et le Scherzo de la 9^e symphonie. Le choix des extraits est arbitraire, mais l'impression générale est celle d'un produit bien fait, pour une belle entrée en matière musicale.

Cette vidéo réalisée lors des Journées Charpentier à l'Opéra Royal de Versailles le 9 octobre 2004 suscite autant de plaisirs que de regrets. Le film d'Olivier Simonnet propose certes de belles images, de superbes portraits, des gros plans séduisants sur les instruments, les vêtements des musiciens, les velours bleu de l'opéra royal mais laisse insatisfait. Il est trop statique. Il s'agit plus d'une captation que d'un film. « Pour que tout cède aux douceurs Â», comme nous le dit avec tant de charme l'un des premiers airs, on aimerait en voir plus et que l'image soit au diapason de la beauté de la musique. Pour retenir devant l'écran un public large de non-spécialistes que le mot magique de Versailles attire, il en faut décidément beaucoup plus. Heureusement la séduction, la virtuosité de Charpentier nous ensorcellent. Et c'est à travers sa musique que l'on imagine la saveur et la joie des jeux « d'appartements Â», comme on les appelait, auxquels plusieurs fois par semaine Louis XIV conviait les courtisans. Ancien des Musiciens du Louvre, premier violon des Arts Florissants et du concert Spirituel, Patrick Cohën-Akenine donne à sa formation des Folies Françoises un ton très caractéristique, plein de sensibilité et de couleurs. Chaque chanteur et chaque instrumentiste se fond dans un ensemble où chacun garde ses qualités de soliste. Ce qui est le plus convaincant dans cet enregistrement : la joie, et l'humour qui en émane.

Voilà quatre-cents ans que Cervantès publiait le premier volume du Don Quijote. Le gambiste et chef d'Hespérion XXI et de la Capella Reial de Cataluyna Jordi Savall s'en est délecté avec rigueur et sensibilité. Mais il a fait plus. Il a réuni tous les airs, les chants, les madrigaux, les mélodies, les ballades évoquès par Cervantès au fil de son récit. À un texte très théâtral et cinématographique, déclamé par plusieurs narrateurs, il a restitué une bande-son. Elle est magique, mélancolique, tragique, pleine de déchirements, d'allégresse et de luxuriance. Quand le Quijote s'arrête dans le bourg où il n'a pas encore repéré Dulciné, ce ne sont que bruits de chaurrues, que sonorités champêtres. On est dans le texte, on l'entend, on en savoure les ambiguïtés. Au fil des scènes, on découvre des musiciens méconnus et oubliés, surtout en France. Quelques exemples : des mélodies d'Antonio de Ribera, des pièces de danse de Joan Aranes. Évidemment, le moment le plus émouvant est la mort du Quijote. Là interviennent des pièces de Cristobal de Moralès, notamment son troublant Requiem. Il est suivi de l'épitaphe « Mourir sain et vivre fou Â».Toutes ces musiques sont bien évidemment jouées par les musiciens et les chanteurs de Savall.

Deux DVD de circonstance reprennent des concerts de Noël donnés par la diva. Le premier à Notre-Dame de Paris en 1990, le second en la cathédrale Ely de Windsor en Grande Bretagne en 1987. C'est toujours un égal plaisir de retrouver Jessye Norman. Son aura, sa présence et sa voix sont un régal même si sa prononciation est parfois approximative. Du Magnificat de Bach à l'Ave Maria de Gounod, de l'Agnus Dei de Bizet au Messie de Haendel, elle est envoûtante, drapée de violet ou de bleu. Son statisme d'idole n'est qu'apparent tant son visage reflète de sensations. Rien de figé. La camera peut suivre en permanence son regard lumineux et fascinant. Certes, les mélodies ont été arrangées par deux spécialistes, Bruce Saylor et Donald Fraser, enlevant aux oeuvres toute aspérité. Le résultat fait plus penser à un amas de confiseries édulcorées qu'à l'intensité religieuse d'une nuit de Noël. Peu importe, car c'est intense, très grand public et fort beau.