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DOSSIERS 20 avril 2024

Centenaire Chostakovitch :
Dans les affres du régime soviétique

À l'heure où pas un média ne risque d'oublier le 250e anniversaire du fils prodige de Salzbourg, Altamusica a choisi de consacrer un dossier annuel au centenaire Chostakovitch. Car si Mozart est à jamais emblématique du créateur auquel les cieux ont apporté leur consécration suprême pour que sa musique réconcilie avec la vie d'ici-bas, celle de Chostakovitch fait au contraire resurgir la noirceur d'une histoire marquée par l'inhumanité.
 

Le 23/03/2006
Propos recueillis par Benjamin GRENARD
 
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  • Le vent tourne. Ultime espoir pour tous qu'une ligne commune puisse être adoptée, Staline fond en 1932 les différentes associations en une Union des compositeurs unique, qui se révélera un organe efficace de l'appareil. Le marxisme-léninisme trouve alors son application artistique dans une doctrine formulée par Gorki sous la dénomination de réalisme socialiste. Si le terrain était favorable, Staline vient de lui donner une structure étatique. Les artistes sont piégés, une chape de plomb peut s'abattre sur eux.

    Alors que Chostakovitch triomphe depuis deux années entières avec son opéra Lady Macbeth de Mzensk (1930-32) qui a déjà connu plusieurs centaines de représentations, Staline décide d'aller assister en personne au chef-d'oeuvre en voie de célébrité ; il quitte la salle avant la fin. Le surlendemain, le 28 janvier 1936, le couperet tombe : la Pravda consacre un article entier intitulé le Chaos en guise de musique, rédigé, dit-on, sur ordre personnel du « chef et maître Â». La modernité de Chostakovitch est taxée de « formalisme Â», influencée par l'art occidental petit-bourgeois. Une condamnation dont tout le monde comprend qu'elle s'apparente à « ennemi du peuple Â», expression aux résonances particulièrement funestes
    Chostakovitch vit dès lors avec une valisette toujours prête, en cas d'arrestation.

    Il retire quelques mois plus tard sa 4e symphonie (1935-36), fresque monumentale et audacieuse par sa modernité, qui ne sera créée qu'en 1961, soit huit années après la mort de Staline. Le compositeur arrive alors à un tournant de sa création avec la 5e symphonie (1937), définie comme une « réponse d'un compositeur soviétique aux justes critiques Â», oeuvre d'une tension dramatique phénoménale, dont l'écriture renoue avec plus d'accessibilité. Le Finale est perçu par les officiels comme victorieux et optimiste, d'autres y entendent une allégresse forcée. Quoi qu'il en soit, le succès est unanime et le compositeur rentre en grâce.



    Alors que la mémoire se tarit, que le silence fait force de loi et que la parole tend à devenir contre son prochain une arme vipérine comme jamais, la musique de Chostakovitch exprimera désormais ce que les mots taisent. Sous des dehors plus ou moins acceptables idéologiquement, elle ne cessera de jouer avec les conventions du réalisme socialiste, comme le magnifique pied de nez du Finale de la 6e symphonie (1939), suffisamment optimiste pour passer mais aussi suffisamment ironique pour délivrer un message plus ambigu.

    Seule la guerre rendra le tragique tolérable et une liberté d'expression relative aux artistes. Chostakovitch en profite pour écrire deux immenses fresques symphoniques, la 7e (1941), devenue le symbole mondial de la lutte contre l'envahisseur nazi, et la 8e (1943), journal de guerre et l'un des plus grands chefs-d'oeuvre du XXe siècle.

    Le répit est de courte durée. Staline et Jdanov se livrent à une répression de grande envergure en 1948 en établissant une liste noire de compositeurs trop déviants. Chostakovitch est premier nommé, suivi de près par Prokofiev et Khatchatourian. Pour survivre, il lit des discours qu'on lui tend – témoignant d'une soumission apparente – sans qu'il n'en connaisse un traître mot, compose des musiques de films et de circonstance. En réalité, il écrit en cachette une série d'oeuvres exprimant sa révolte qui ne seront créées qu'après la mort de Staline, en 1953.

     

    Benjamin GRENARD
  • Une jeunesse dans l'après-1917
  • La chape de plomb
  • L'après-Staline
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