Il Re Pastore
Présenté en ouverture de Mozart 22, ce Roi Pasteur capté dans la grande salle de l'Université a pour particularité d'être dirigé et régi par le même homme, Thomas Hengelbrock, brillant chef du Balthasar-Neumann-Ensemble. Nous ne choquerons sans doute personne en affirmant qu'en lui le musicien est beaucoup plus abouti que le metteur en scène.
Réduite au minimum – un cyclo et quelques ombres chinoises –, la scénographie est plutôt efficace compte tenu des contraintes imposées par le lieu. Chez Hengelbrock-metteur en scène, une bande de copains se retrouvent pour jouer au Roi pasteur en tirant au sort les rôles puis en les incarnant avec force gesticulations sémaphoriques et outrances de débutants. Un travail simple et sobre à la direction d'acteurs minimale, assumée comme un espace d'improvisation supplémentaire à celui des folles cadences des airs – celle du Si spande al sole in faccia d'Alessandro, accompagnée à la timbale, vaut son pesant d'or – dans une partie musicale proprement survoltée.
À la tête d'une formation à l'ancienne de rêve, aux mille couleurs, à la force de frappe phénoménale, aux timbres toujours variés, Hengelbrock-chef défend un Mozart à la René Jacobs, sec et vibrionnant, sans doute par trop détourné de l'anecdote pastorale et des atmosphères arcadiennes, mais qui donne à ce Re Pastore une authentique stature seria.
Marlis Petersen survole la distribution, Elisa coquine et pimpante dont le timbre lumineux et la prodigieuse agilité font merveille. À quelques vocalises près, l'Aminta d'Annette Dasch est lui aussi idéal, d'une somptuosité de timbre, d'un abattage éblouissants, plus que chez la Tamiri un peu lourde d'Arpiné Rahdjian. Les hommes demeurent un cran en deçà , tant l'Alessandro très présent mais au timbre des plus ingrats de Kresimir Spicer que l'Agenore nasal d'Andreas Karasiak. Mais Hengelbrock électrise tellement ses troupes que l'on est vite happé par le tourbillon de cette partition de jeunesse parmi les plus attachantes de la production mozartienne.
Yannick MILLON
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Il Re Pastore, sérénade en deux actes, K. 208 (1775)
Livret de Pietro Metastasio
Kresimir Spicer (Alessandro)
Annette Dasch (Aminta)
Marlis Petersen (Elisa)
Arpiné Rahdjian (Tamiri)
Andreas Karasiak (Agenore)
Balthasar-Neumann-Ensemble
direction et mise en scène : Thomas Hengelbrock
décors et costumes : Mirella Weingarten
Enregistrement : Salzburg, Große Universitätsaula, 22-29/07/2006
1DVD Deutsche Grammophon « Mozart 22 » 073 4225
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