Die EntfĂĽhrung aus dem Serail
Achtung ! Inauguré à l'été 2003, cet Enlèvement au sérail qu'on avait qualifié à l'époque d'Enlèvement du Sérail a été l'objet d'un scandale comme Salzbourg en connaît tous les tremblements de terre. Il faut dire que le jeune Stefan Herheim, débutant dans le monde lyrique et découvrant sans doute l'incommensurable richesse de l'univers mozartien, faisait table rase de l'intrigue ottomane au profit d'une vaste synthèse sur les rapports hommes-femmes dans les ouvrages lyriques du compositeur.
Dès lors, ce premier Singspiel de la maturité n'est plus que le prétexte à une immense parabole sur le couple, le relationnel entre les sexes, s'achevant sur le constat amer qu'hommes et femmes, sans pouvoir se passer les uns des autres, ne sont vraiment pas faits pour vivre ensemble. Chaque étape de la vie à deux est détaillée avec beaucoup d'habileté : enterrement de vie de garçon, appréhension d'une sexualité différente, fiançailles, emménagement, premières évocations de la descendance, jusqu'à la fatale institution du mariage. Et toujours resurgissent les conflits, les affrontements et l'incompréhension. Le couple, sa résistance à travers les épreuves, la séparation sont bien une donnée de l'opéra, mais réduire ce dernier à ces aspects n'était sans doute pas l'idée la plus brillante du metteur en scène norvégien.
Si cet Enlèvement est votre premier, il vous sera donc très difficile de comprendre quoi que ce soit à l'intrigue, car ici, outre des dialogues largement réécrits, pas plus de sérail que de Bassa Selim ou de janissaires. Cette vision reste avant tout destinée à un public averti, qui connaît son Mozart sur le bout des doigts. À condition d'enjamber la barrière du détournement de l'esprit comme de la lettre, le spectacle, régi à la perfection, est pourtant des plus inventifs et fonctionne à plein régime.
Trois étés en arrière, le plateau était presque idéal. Toujours aussi investis en scène, les chanteurs de cette reprise sont beaucoup plus inégaux. Seul rescapé de la distribution d'origine, Dietmar Kerschbaum est toujours un Pedrillo dépassant son maître en présence, aussi léger dans la demi-teinte de la sérénade qu'héroïque dans la pleine voix de Frisch zum Kampfe. Franz Hawlata est un Osmin inquiétant et violent que n'effraie aucunement une tessiture véritablement insensée.
Laura Aikin se tire plus qu'honorablement de ses pages de vocalises, mais l'émission, souvent pointue, et l'intonation, parfois flottante, privent sa Konstanze d'une part de grâce sans laquelle le personnage semble incomplet. On en dira autant du Belmonte de Charles Castronovo, toujours musicien mais à la vocalité trop trémulante. Enfin, Valentina Farcas est une Blondchen qui ne s'en laisse pas compter, piquante comme un hérisson. En fosse, Ivor Bolton et l'Orchestre du Mozarteum servent avec roideur la partie scénique et réservent quelques péroraisons parfaitement en situation, sans jamais forcer le trait.
Yannick MILLON
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Die EntfĂĽhrung aus dem Serail, Singspiel en trois actes, K. 384 (1782)
Livret de Johann Gottlieb Stephanie le Jeune
Adaptation de Stefan Herheim et Wolfgang Willascheck
Laura Aikin (Konstanze)
Valentina Farcas (Blonde)
Charles Castronovo (Belmonte)
Dietmar Kerschbaum (Pedrillo)
Franz Hawlata (Osmin)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Mozarteum Orchester Salzburg
direction : Ivor Bolton
mise en scène : Stefan Herheim
décors et costumes : Gottfried Pilz
préparation des choeurs : Andreas Schüller
Enregistrement : Salzburg, Haus fĂĽr Mozart, 03-10/08/2006
2DVD Decca « Mozart 22 » 074 3156
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