Irrfahrten I :
La Finta semplice
Le véritable premier opéra d'un Mozart de 12 ans, bien que créé après Bastien et Bastienne, est une oeuvre assez étonnante : sous des allures d'opera buffa tout ce qu'il y a de plus convenu, on n'est pas loin de la hauteur de vue d'un Così, et c'est ce que Joachim Schlömer expose dans ce premier opus de la trilogie Irrfahrten qu'il a conçue pour l'occasion autour du thème de la naissance de l'artiste. Le personnage rajouté de l'Auctoritas y mène la danse, jouant le rôle des récitatifs, à mi-chemin entre l'agent secret et le présentateur de télé réalité : le but est de favoriser le mariage des couples d'amoureux empêchés par une fratrie récalcitrante.
Dans cet imbroglio, chacun y va de son couplet pour présenter une sorte de catalogue des conceptions de l'amour idéal. De la convention – le blanc omniprésent et les importantes interventions de l'Auctoritas au début de l'oeuvre – émergent peu à peu des éléments plus personnels, récitatifs plus nombreux, vêtements rouges, à l'image de l'artiste Mozart qui s'affranchit progressivement du cadre artistique et social dévolus au musicien du XVIIIe siècle.
Le propos est cohérent, l'idée originale, l'allègement des récitatifs peut se justifier pour un opéra passablement méconnu et alambiqué. Bref, il ne reste qu'à la musique d'être à la hauteur : on ne sera pas déçu. La Rosina caressante de Malin Hartelius ne manque ni d'esprit ni de mélancolie, sachant se faire délicieusement espiègle quand il le faut, avec l'émission soignée, le timbre coloré qu'on lui connaît, et toujours ces piani caressants dans l'aigu. Ses partenaires sont tous très bien en scène, mais on pourra regretter quelque nasalité chez Jeremy Ovenden, quelque embonpoint vocal chez Matthias Klink, quelques aigreurs chez Silvia Moi. Mention spéciale en revanche pour Miljenko Turk dont les moyens et la facilité sont déconcertants.
Un spectacle habile, brillamment mené, nourri par une idée forte, mené de main de maître par un Michael Hofstetter énergique à la tête de la Camerata Salzburg.
Thomas COUBRONNE
IRRFAHRTEN I
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
La Finta semplice, opera buffa en trois actes, K. 51 (46a) (1768)
Livret de Marco Coltellini, d'après Carlo Goldoni
Adaptation de Jocahim Schlömer et Bettina Auer
Chanté en italien, dialogues en allemand
Malin Hartelius (Rosina)
Josef Wagner (Don Cassandro)
Matthias Klink (Don Polidoro)
Marina Comparato (Giacinta)
Silvia Moi (Ninetta)
Jeremy Ovenden (Fracasso)
Miljenko Turk (Simone)
Marianne Hamre (Auctoritas)
Anna Tenta (face obscure de Rosina)
Camerata Salzburg
direction : Michael Hofstetter
mise en scène et chorégraphie : Joachim Schlömer
décors et costumes : Jens Kilian
Enregistrement : Salzburg, Residenzhof, 28/07-13/08/2006
1DVD Deutsche Grammophon « Mozart 22 » 073 4251
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