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DOSSIERS 01 mai 2024

Les cadeaux de Noël 2006 d'Altamusica

Voici revenue la période des fêtes, et tout logiquement les cadeaux de Noël Altamusica qui l'accompagnent. Comme chaque année, nos rédacteurs vous proposent leurs sélections cadeaux (CD, DVD ou livres) de fin d'année, avec pour particularité cette fois de vous les présenter chacun à leur tour.
Joyeux Noël à toutes et à tous !

 

Le 16/12/2006

  • Les cadeaux 2006 de Mehdi MAHDAVI
  • Les cadeaux 2006 de GĂ©rard MANNONI
  • Les cadeaux 2006 de Yannick MILLON
  • Les cadeaux 2006 de Laurent VILAREM
  • Les cadeaux 2006 de Thomas COUBRONNE
  • Les cadeaux 2006 de Yutha TEP



  • Les 3 derniers dossiers

  • L'art de la symphonie

  • Un monument de granit

  • Les cadeaux de NoĂ«l 2013 d'Altamusica

    [ Tous les dossiers ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Mozart en ouvertures



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Ouvertures d'opéra :
    Don Giovanni, K. 527
    Le Nozze di Figaro, K. 492
    Così fan tutte, K. 588
    Mitridate rè di Ponto, K. 87
    Lucio Silla, K. 135
    Idomeneo, K. 366
    La Finta Giardiniera, K. 196
    La Finta Semplice, K. 51
    Ascanio in Alba, K. 111
    Il Rè Pastore, K. 208
    La Clemenza di Tito, K. 621
    Die EntfĂĽhrung aus dem Serail, K. 384
    Bastien und Bastienne, K. 50
    Der Schauspieldirektor, K. 486
    Die Zauberflöte, K. 620

    Prague Chamber Orchestra

    1CD Transart TR 144

    Pour ouvrir ce Noël nécessairement en hommage à Mozart, un CD des plus sympathiques, capté sur le vif lors des Flâneries musicales d'été de Reims 2006. L'orchestre de chambre de Prague, sans chef, offrait alors en un peu plus de soixante-dix minutes un très beau panorama des ouvertures d'opéras du génie de Salzbourg. Intermédiaire entre la fougue et le cachet sonore des instruments à l'ancienne et l'orchestre symphonique traditionnel, cette formation sur instruments modernes trouve dans chaque pièce des ressources rythmiques, mélodiques ou harmoniques dignes d'intérêt. Les timbres sont soignés, les cordes juste assez vertes, juste assez rondes, et les climax habilement amenés et dosés. Les formules d'accompagnement bien détaillées permettent de nager au mieux dans le liquide amniotique de cette musique de théâtre toujours génialement inspirée. Curieusement, malgré la concurrence, les interprétations les plus réussies sont souvent celles des opéras les plus célèbres, mais l'ensemble mérite sans peine une recommandation globale.



     
    Mozart Ă  la noce



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Le Nozze di Figaro, dramma giocoso en quatre actes

    Pietro Spagnoli (Il Conte)
    Annette Dasch (La Contessa)
    Rosemary Joshua (Susanna)
    Luca Pisaroni (Figaro)
    Angelika Kirchschlager (Cherubino)
    Sophie Pondjiclis (Marcellina)
    Alessandro Svab (Antonio)
    Antonio Abete (Bartolo)
    Enrico Facini (Don Basilio)
    Pauline Courtin (Barbarina)
    Serge Goubioud (Don Curzio)

    Choeur du Théâtre des Champs-Élysées
    Concerto Köln
    direction : René Jacobs
    mise en scène : Jean-Louis Martinoty
    décors : Hans Schavernoch
    costumes : Sylvie de Segonzac
    Ă©clairages : Jean Kalman
    préparation des choeurs : Irene Kudela
    Enregistrement : Théâtre des Champs-Élysées, Paris, 06/2004

    2DVD Bel Air Classiques BAC017

    Celles de Gardiner au Châtelet avaient marqué les années 1990, celles de Jacobs au Théâtre des Champs-Élysées resteront certainement les plus abouties de la nouvelle décennie. Car voilà un Mozart de rêve, qui comblera tant les néophytes que les plus exigeants des lyricophiles. La mise en scène de Jean-Louis Martinoty est éblouissante d'intelligence, d'érudition, de finesse dans la caractérisation de chaque rôle, de précision dans la direction d'acteurs ; le tout dans des costumes d'époque et une magnifique scénographie de toiles de maîtres. Côté musique, ces Noces de Figaro sont aussi vraiment à la fête, nettement plus à notre sens que dans l'enregistrement audio de Jacobs, de moindre élan et surtout de distribution plus faible.

    Annette Dasch, instrument somptueux, charnu mais qui sait toujours alléger, un rien en péril comme toutes dans Porgi amor mais musicienne aguerrie, est l'une des Comtesses les plus crédibles qu'il nous ait été donné de voir, beauté aristocratique racée. Rosemary Joshua est une Suzanne soubrette dans le timbre sinon dans le caractère, bien plus finaude que la majorité de ses consoeurs, en un mot moins stéréotypée, tandis qu'Angelika Kirchschlager trouve en Chérubin l'un de ses meilleurs emplois.

    Côté masculin, on atteint des sommets, tant avec le Comte génialement stylé et en voix au juste impact de Pietro Spagnoli, le seul qu'on ait par ailleurs entendu réussir parfaitement sa vocalise, qu'avec le Figaro de rêve de Luca Pisaroni, basse bouffe naturelle, diseur et chanteur exceptionnel, sans un son gonflé ou sortant de la ligne, et toujours avec la bonne couleur au bon moment. De même, les comprimari sont excellents, et chez tous, à chaque instant, cette jeunesse sans laquelle le soufflé finirait par retomber, cette science de la déclamation, de l'inflexion, cette émission changeante au gré des accents mozartiens.

    René Jacobs, diablement inventif comme à son habitude, tient tout son monde d'une battue de fer et opère des prodiges à la tête d'un Concerto Köln décapant. Jamais cette folle journée n'avait connu pareille vie intérieure, pareil élan, pareille perfection dans les proportions, tant au niveau de la microstructure – les contrastes de Dove sono – que de la macrostructure – un deuxième acte inapprochable dans sa progression. Le continuo volubile comme l'ornementation des airs ne se font même plus remarquer. Le DVD Mozart le plus abouti et le plus grisant de l'année. Courez chez vos disquaires !



     
    Mozart sur l'île de la tentation



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Die EntfĂĽhrung aus dem Serail, Singspiel en trois actes

    Klaus Maria Brandauer (Bassa Selim)
    Malin Hartelius (Konstanze)
    Patricia Petibon (Blonde)
    Piotr Beczala (Belmonte)
    Boguslaw Bidzinski (Pedrillo)
    Alfred Muff (Osmin)

    Chor des Opernhauses ZĂĽrich
    Orchester der Opera ZĂĽrich
    direction : Christoph König
    mise en scène : Jonathan Miller
    décors et costumes : Isabella Bywater
    Ă©clairages : Hans-Rudolf Kunz
    préparation des choeurs : Ernst Raffelsberger

    2DVD Bel Air Classiques BAC007

    Spectacle parfaitement réussi que cet Enlèvement au sérail sans prétention et toujours efficace de Jonathan Miller à l'Opéra de Zurich. Le dispositif scénique, minimal mais restituant au mieux l'impression d'espace clos, permet une expression maximale de visages et de corps qui rêvent d'extérieur. Le metteur en scène américain a bien cerné le dilemme de Constance, qu'on sent quitter presque à regret et malgré son bonheur de retrouver Belmonte un Bassa Sélim aussi magnanime et charismatique que Klaus Maria Brandauer, d'un magnétisme à même d'envoûter l'âme la plus récalcitrante en un regard.

    Martern aller Arten y perd progressivement sa détermination pour laisser s'insinuer un érotisme, un renoncement, un abandon suggéré qui laissent à Malin Hartelius le luxe de sublimes aigus pianissimo, de vocalises d'une agilité tranquille, pleine de tendresse. Et si Traurigkeit la voit légèrement basse de plafond dans le haut-médium, l'incarnation, délicate, sensuelle, mélancolique, est toujours doublée d'une musicalité à fleur de timbre. Très bel entourage, entre le Belmonte belcantiste et suave de Piotr Beczala, aux petites effluves de Fritz Wunderlich, l'Osmin bouffon d'Alfred Muff, le Pedrillo idéal d'ampleur de Boguslaw Bidzinski et la Blonde déjantée et têtue comme une mule de Patricia Petibon, qui ferait tout de même mieux d'approfondir de réelles facilités plutôt que de resservir dans chaque rôle son habituel numéro d'hystéro mal déniaisée.

    La direction de Christoph König, aux arêtes vives, respecte parfaitement l'esprit de turquerie de ce Singspiel aux réelles ambiguïtés, et bénéficie d'un instrumentarium de percussions très couleur locale. La captation souvent originale de Chloé Perlemuter, qui ne filme jamais là où on l'attend – et affiche un réel fétichisme pour les mains –, participe du vent de trouble, d'élan sensuel non assouvi.



     
    Mozart au tombeau (vision romantique)



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Requiem en ré mineur, K. 626
    Version Franz Beyer

    Marie McLaughlin, soprano
    Maria Ewing, mezzo-soprano
    Jerry Hadley, ténor
    Cornelius Hauptmann, basse

    Chor des Bayerischen Rundfunks
    direction : Wolfgang Seeliger
    Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
    direction : Leonard Bernstein
    Enregistrement : Dießen Am Ammersee, Stiftskirche Mariä Himmelfahrt, 03-06/07/1988

    1DVD Deutsche Grammophon 073 4135

    Juillet 1988 en la collégiale Notre-Dame de Dießen am Ammersee, dans le sud de la Bavière. Un immense moment de musique, d'élévation spirituelle est sur le point de débuter. Dans un silence absolu, les quatre solistes s'installent, puis lentement, les yeux rivés au sol, Leonard Bernstein gagne le podium. Alors émerge du silence, dans la luminosité des lieux, la longue plainte, lentissime, des violoncelles, inimaginable sommet de douleur rentrée. Le Requiem de Mozart a commencé.

    Pendant quelque soixante minutes, chaque seconde de musique sera portée par une ferveur unique, certainement pas baroque tant on est ici éloigné de la rhétorique du texte, mais d'une humanité débordante, plus monumentale, presque brucknérienne. Le discours est traversé de gigantesques sommets de tension, comme la péroraison du Kyrie, et son rappel à l'extrême fin de l'oeuvre.

    Mais la grande diffĂ©rence entre cette approche et celle, de dix-sept ans antĂ©rieure, de Karl Böhm (DVD DG Unitel 073 408-1) rĂ©side dans une plus grande « modernitĂ© Â», des tempi plus contrastĂ©s – le Rex tremendae, le Confutatis, le Domine Jesu sont ici proches du tempo giusto – une plastique orchestrale comme chorale nettement plus tolĂ©rable aux oreilles de l'après-rĂ©volution baroque – les femmes du Choeur de la Radio bavaroise sont nettement plus fraĂ®ches que celles de l'OpĂ©ra de Vienne chez Böhm. Et mĂŞme si, la basse exceptĂ©e, le quatuor vocal, beaucoup moins indigne que ce que l'on a bien voulu admettre – Marie McLaughlin expose mĂŞme un soprano fin et lumineux, Jerry Hadley un style mozartien qu'il ne conservera pas longtemps – n'est pas de tout premier ordre, il est toujours portĂ© par la battue du chef amĂ©ricain.

    Les silences sont tout aussi habités que la musique, et après un long decrescendo terminal quasi spectral, guère justifiable au seul disque mais qui prend à la vidéo tout son sens, le vieux maestro qui devait disparaître quelques mois plus tard se recueille pendant un temps qui semble infini, avant de quitter l'estrade au seul son des cloches, sans le moindre applaudissement. Mais arrêtons là, car ce genre d'expérience, ça ne se commente pas, ça se vit. Ite missa est.



     
    Mozart au tombeau (vision philologique)



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Requiem en ré mineur, K. 626
    Version Franz Beyer

    Rachel Yakar, soprano
    Ortrun Wenkel, mezzo-soprano
    Kurt Equiluz, ténor
    Robert Holl, basse

    Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
    direction : Gerhardt Deckert
    Concentus Musicus Wien
    direction : Nikolaus Harnoncourt

    + Johann Sebastian Bach (1685-1750)
    Cantate Komm, du sĂĽĂźe Todesstunde, BWV 161
    Enregistrement : Wien, Musikverein, GroĂźer Saal, 01/11/1981

    1DVD TDK DVWW-COMREQ

    Autre lieu, autre occasion, autres effectifs. Nous sommes cette fois à Vienne, dans la salle dorée du Musikverein, celle du célébrissime Concert du Nouvel An, le jour de la Toussaint 1981. Contrairement à la tradition qui voulait que chaque année y retentisse le Requiem de Mozart dans toute son opulence symphonique, ce sont Nikolaus Harnoncourt et son Concentus Musicus qui prennent place au milieu des cariatides et des dorures.

    Encore jeune, ayant à faire ses preuves dans cet incontournable du répertoire sacré auquel son nom n'est pas encore associé, Harnoncourt entre en scène concentré à l'extrême, le visage fermé. Une fois terminée la dernière fugue, l'épreuve semble réussie pour le chef autrichien, d'après l'accueil que lui réserve la salle. Et pourtant, son approche, aujourd'hui considérée comme allant de soi, avait de quoi rebuter : austère, sans une miette de tendresse, dégraissée et anguleuse. Dans un climat ascétique, de dolorisme, ce Requiem fait l'expérience du repentir.

    La rhétorique fonctionne à plein, et le texte, impitoyablement scandé, fait souvent froid dans le dos. Voilà un Jugement dernier effrayant, qui lacère la matière orchestrale avec une sécheresse sans concession. Mais un vrai climat, aussi sévère soit-il, se dégage de l'ensemble, qui impressionne par son côté jusqu'au-boutiste – la vision d'enfer des trombones, brutale et grinçante comme la mort juste avant la première entrée du choeur, la conclusion orchestrale lapidaire du Dies Irae.

    Alors expérimentale, la lecture se déroule non sans heurts, et la finition orchestrale souffre de divers accrocs et lacunes de justesse. Surtout, le choeur, seule donnée traditionnelle malgré une amputation d'une moitié de ses effectifs, accuse les mêmes limites de plasticité dans ses voix féminines que dans la version Böhm. Le quatuor, plutôt homogène, est en revanche dominé par l'onctuosité, la lumière crépusculaire du timbre de Rachel Yakar. Voilà en tout cas encore une expérience musicale à ne pas rater, sur les mêmes cimes que la version précédente, mais gagnées par l'autre versant de la montagne.

    En complément, la Cantate n° 161 de Bach, Komm du süße Todesstunde, qui ouvrait le concert. Seul regret, une prise de son indigne, par moments à la limite du supportable. Mais avec Harnoncourt, autant faire pénitence jusqu'au bout !



     
    L'autre anniversaire



    Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
    Intégrale des symphonies

    Larissa Gogolevskaïa, soprano (n° 14)
    Sergei Aleksashkin, basse (n° 13, 14)
    Chor des Bayerischen Rundfunks (n° 2, 3, 13)

    Berliner Philharmoniker (n° 1)
    Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (n° 2, 3, 4, 12, 13, 14)
    Wiener Philharmoniker (n° 5)
    Oslo Philharmonic Orchestra (n ° 6, 9)
    St Petersburg Philharmonic Orchestra (n° 7)
    Pittsburgh Symphony Orchestra (n° 8)
    Philadelphia Orchestra (n° 10, 11, Jazz suite n° 1, Valse Jazz suite n° 2, Tea for two)
    London Philharmonic Orchestra (n° 15, suite le Taon)
    direction : Mariss Jansons
    Enregistrements : Berlin, Philharmonie, 15-20/06/1994 (n° 1) ; München, Herkulessaal der Residenz, 29-30/06/2004 & 10/01/2005 (n° 2), 10-12/01/2005 (n° 3), 26-28/06/2004 (n° 12), 12-15/01/2005 (n° 13), 07-08/10 & 11-12/11/2005 (n° 14) ; München, Germering, Stadthalle, 09-12/02/2004 (n° 4) ; Wien, Musikverein, Großer Saal, 07-14/01/1997 (live) (n° 5) ; Oslo, Konserthus, 25-30/01/1991 (n° 6, 9), 22-23/04/1988 (n° 7) ; Pittsburg, Heinz Hall, 09-11/02/2001 (live) (n° 8) ; Philadelphia, Fairmount Mark, Memorial Hall, 05-07/03/1994 (n° 10) ; Collingswood, Giandomenico Studios, 08-11/03/1996 (n° 11, Jazz 1 et 2, Tea) ; London, Abbey Road, Studio 1, 14-16/04/1997, (n° 15, Taon)

    10CD EMI Classics 3 65300 2

    Le 250e anniversaire de la naissance Mozart n'est pas une raison pour oublier une autre commémoration d'importance : le centenaire de la naissance de Chostakovitch, auteur d'un corpus majeur de symphonies du XXe siècle. Les grandes interprétations de ce cycle ne manquent pas – on retiendra avant tout Kondrachine pour le côté historique et le russisme, Haitink en optique moderne et occidentale –, mais Mariss Jansons, né en Estonie, éduqué en Russie auprès de Mravinski, et dont la carrière s'est déroulée essentiellement à l'ouest, amorce une synthèse des deux tendances à même de séduire un large public.

    L'intégrale que propose aujourd'hui EMI est le fruit du regroupement des gravures séparées des années 1990 – la 1re symphonie avec les Berliner, la 15e avec le London Philharmonic, la 5e avec les Wiener, les 6e et 9e avec Oslo, la 8e avec Pittsburg, les 10e et 11e avec le Philadelphia – et du mini-cycle récent avec l'Orchestre de la Radio bavaroise – 2e, 3e, 4e, 12e, 13e et 14e – doté de solistes vocaux proches de l'idéal. Si l'éblouissement des dernières gravures, et notamment d'une 4e sur les sommets de la discographie, a été largement relayé, certaines de celles de la décennie précédente sont passées plus inaperçues.

    Et pourtant, la formidable architecture abstraite, le raffinement de détails et de sonorités glacées de la 5e avec les Viennois méritent vraiment d'être connus, tout comme la virtuosité et la tenue, le déferlement symphonique grandiose de la 10e avec Philadelphie. Si quelquefois, une prise de son moyenne entame un peu le plaisir purement sonore – la sensation d'éloignement des cordes dans la 5e, le manque d'impact physique du son sinon de l'interprétation de la 8e, chaque lecture tient parfaitement la route, et que vous comptiez découvrir ces quinze symphonies fondamentales par le biais de cette intégrale ou qu'elles vous accompagnent déjà depuis des années, vous trouverez de quoi apaiser votre faim orchestrale.

    En « bonus Â», EMI a inclus d'excellents Tea for two, 1re suite de Jazz, Valse de la 2nde suite et Suite du Taon, ainsi que de prĂ©cieux extraits de rĂ©pĂ©titions de la 8e symphonie oĂą Jansons, dans un anglais pour le moins exotique, forme l'Orchestre de Pittsburgh Ă  l'univers chostakovien avec une habiletĂ©, une Ă©nergie et des grognements impressionnants.



     
    Elles ont tout d'une grande



    Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
    Symphonie n° 6 en si mineur, op. 54
    Symphonie n° 9 en mib majeur, op. 70
    + Introductions aux oeuvres

    Wiener Philharmoniker
    direction : Leonard Bernstein
    Enregistrement : Wien, Musikverein, Großer Saal, 23-28/10/1985 (n° 9) 04-10/10/1986 (n° 6)
    1DVD Deutsche Grammophon 073 4170

    Encore un superbe cadeau Chostakovitch, peu coûteux au demeurant. Après avoir réédité l'an passé les Mahler de Bernstein filmés par Humphrey Burton pour Unitel, incontournable pilier de vidéothèque symphonique, Deutsche Grammophon s'attaque cette fois au legs viennois de Bernstein dans Chostakovitch, limité à ces seules 6e et 9e symphonies. À noter que le chef américain a eu l'intelligence de ne programmer à Vienne que les deux symphonies du maître soviétique dans lesquelles les qualités des Wiener Philharmoniker étaient le plus à même de s'épanouir. Loin des grandes fresques de guerre, ces deux oeuvres courtes, petits bijoux assez peu joués et souvent considérés à tort comme mineurs ont trouvé un défenseur à leur hauteur.

    Dans ces concerts de 1985 et 1986, le Bernstein dernière manière s'affirme avec toute sa splendeur habituelle. Les tempi sont ralentis – Scherzo de la 9e, partie centrale du Finale de la 6e – et l'ironie passe plutôt par l'outrance des accents et des dynamiques que par le tranchant ou la verdeur des timbres, mais le résultat final est confondant. Rarement a-t-on entendu premier mouvement de 6e aussi éploré, terminé aux confins du désespoir, du dessèchement émotionnel. Si malgré la frénésie accumulée progressivement, la finition des mouvements rapides de la 6e pourrait être supérieure, la 9e est d'une instrumentalité sans faille.

    Les Viennois, inattendus dans ce répertoire à cette époque, jouent le jeu avec leur luxe de sonorités – le piccolo de Rudolf Nekvasil, toujours aussi fin et évocateur, le soyeux sibélien des cordes, la grandeur sans dureté des cuivres – mais aussi avec une acuité sporadique parfaitement idoine – les trompettes bouchées, les timbales. Du grand art, jusque dans les introductions préalables aux oeuvres, toujours abordées avec éloquence, témoin de la complétude d'un chef qui devait disparaître à la fin de la décennie.



     
    Wagnériens des années 1980



    Richard Wagner (1813-1883)
    Das Rheingold, prologue
    James Morris (Wotan)
    Marjana Lipovšek (Fricka)
    Heinz Zednik (Loge)
    Theo Adam (Alberich)
    Peter Haage (Mime)
    Andreas Schmidt (Donner)
    Peter Seiffert (Froh)
    Eva Johansson (Freia)
    Jadwiga Rappé (Erda)
    Hans Tschammer (Fasolt)
    Kurt Rydl (Fafner)
    Julie Kaufman (Woglinde)
    Silvia Herman (Wellgunde)
    Susan Quittmeyer (Flosshilde)


    Die Walküre, première journée
    James Morris (Wotan)
    Waltraud Meier (Fricka)
    Eva Marton (BrĂĽnnhilde)
    Reiner Goldberg (Siegmund)
    Cheryl Studer (Sieglinde)
    Matti Salminen (Hunding)
    Anita Soldh (Gerhilde)
    Ruth Falcon (Helmwige)
    Ute Walther (Waltraute)
    Ursula Kunz (Schwertleite)
    Silvia Herman (Ortlinde)
    Margaretha Hintermeier (Siegrune)
    Carolyn Watkinson (Grimgerde)
    Margarita Lilowa (RossweiĂźe)

    Siegfried, deuxième journée
    Siegfried Jerusalem (Siegfried)
    Eva Marton (BrĂĽnnhilde)
    James Morris (Wanderer)
    Theo Adam (Alberich)
    Peter Haage (Mime)
    Kurt Rydl (Fafner)
    Jadwiga Rappé (Erda)
    Kiri Te Kanawa (Waldvogel)

    Götterdämmerung, troisième journée
    Eva Marton (BrĂĽnnhilde)
    Siegfried Jerusalem (Siegfried)
    John Tomlinson (Hagen)
    Thomas Hampson (Gunther)
    Eva-Maria Bundschuh (Gutrune)
    Marjana Lipovšek (Waltraute)
    Theo Adam (Alberich)
    Jard Van Nes (Première Norne)
    Anne Sofie von Otter (Deuxième Norne)
    Jane Eaglen (Troisième Norne)
    Julie Kaufman (Woglinde)
    Silvia Herman (Wellgunde)
    Christine Hagen (Flosshilde)
    Chor des Bayerischen Rundfunks

    Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
    direction : Bernard Haitink
    Enregistrements : MĂĽnchen, Herkulessaal der Residenz, 2&3/1988 (W), 11/1988 (R), 11/1990 (S), 11/1991 (G).

    14CD (2+4+4+4) EMI Classics, 3 58699 2 (Rh), 3 58705 2 (W), 3 58715 2 (S), 3 58724 2 (G)

    Belle aubaine que cette réédition dans la série OpéraMid d'EMI en digipack du Ring de Bernard Haitink enregistré à la fin des années 1980 en studio à la Herkulessaal de Munich. Dans les tréfonds du déclin du chant wagnérien, on ne pouvait imaginer affiche plus alléchante.

    Premier luxe et nécessité absolue d'alors, conserver une trace du Wotan somptueux entre tous de James Morris, authentique stature de roi des dieux, authentique ligne de chant, timbre de bronze et legato comme on n'en imaginait plus possible dans Wagner. Autre luxe, Siegfried Jerusalem, seul choix possible à l'époque, sans que cela implique une quelconque restriction. Inattendue et finalement au niveau des deux précédents, la Brünnhilde d'Eva Marton, sorte de Deborah Polaski en plus vigoureuse et avec des aigus, toujours touchante, humaine, et bien mieux chantante que la moyenne. Les jumeaux n'atteignent pas les mêmes cimes, malgré les frémissements de la Sieglinde de Cheryl Studer et en raison du manque de rage et de désespoir du Siegmund de Reiner Goldberg. Mais au moins, tous deux prennent soin de chanter, et plutôt très bien.

    Chaque volet de ce Ring disponible seulement en séparé affiche son lot de grands noms : la Fricka de Marjana Lipovšek dans l'Or du Rhin, celle de Waltraud Meier dans la Walkyrie, le Loge incontournable de Heinz Zednik, le Hagen enténébré de John Tomlinson, avant ses Wotan pour Barenboïm, le Mime intelligent de Peter Haage, le Hunding de Matti Salminen, l'Oiseau de Kiri Te Kanawa, l'Alberich superbement charbonneux de Theo Adam, passé depuis Bayreuth du côté obscur, de l'Albe de lumière à l'Albe noir.

    La direction de Bernard Haitink, attentive à la clarté du tissu polyphonique, à une certaine continuité, est d'un bel équilibre classique. On n'y cherchera pas les emballements, le déchaînement des passions, mais plutôt un travail d'orfèvre en matière de sonorités, dans des tempi plutôt modérés. Sans être Berlin, Vienne ou Amsterdam, l'Orchestre de la Radio bavaroise ne démérite à aucun moment. Malgré une absence quasi complète de théâtre – pour cela, offrez le génial Ring stéréo de Keilberth à Bayreuth chez Testament, mais plutôt en un cadeau de mariage étant donné son prix –, le premier choix évident parmi les versions récentes, à un prix très raisonnable.



     
    Chevalier crépusculaire drapé de velours



    Richard Strauss (1864-1949)
    Der Rosenkavalier, comédie en musique en trois actes

    Adrianne Pieczonka (Feldmarschallin)
    Franz Hawlata (Baron Ochs)
    Angelika Kirchschlager (Octavian)
    Franz Grundheber (Faninal)
    Miah Persson (Sophie)
    Ingrid Kaiserfeld (Marianne Leitmetzerin)
    Jeffrey Francis (Valzacchi)
    Elena Batoukova (Annina)
    Florian Boesch (Polizeikommissar)
    John Dickie (Haushofmeister bei der Feldmarschallin)
    Michael Roider (Haushofmeister bei Faninal)
    Peter Loehle (Notar)
    Markus Petsch (Wirt)
    Piotr Beczala (Sänger)
    Aleksandra Zamojska (Modistin)
    Eberhard Francesco Lorenz (Tierhändler)

    Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
    Wiener Philharmoniker
    direction : Semyon Bychkov
    mise en scène : Robert Carsen
    décors et costumes : Peter Pabst
    Ă©clairages : Robert Carsen & Peter van Praet
    préparation des choeurs : Rupert Huber
    Enregistrement : Salzburg, GroĂźes Festspielhaus, 08/2004

    2DVD TDK DVWW-OPROKA

    Production événement du festival de Salzbourg 2004, le Chevalier à la Rose mis en scène par Robert Carsen connaît aujourd'hui l'honneur mérité du DVD. Après avoir vu à deux reprises la production cet été-là, nous regrettons seulement que la captation ait conservé la direction de Semyon Bychkov plutôt que celle de Peter Schneider, mais aussi l'Octavian d'Angelika Kirchschlager plutôt que celui de Sophie Koch. Ainsi, entre les aléas de la restitution des voix au sein d'un décor en velours très absorbant, les insuffisances de format et de lyrisme de Kirchschlager et la direction bruyante de Bychkov, le premier acte peine à trouver ses marques.

    Mais dès la rêverie de la Maréchale, le déchaînement s'apaise, et le chef russe laisse enfin respirer des Wiener Philharmoniker faisant alors étal de leurs splendeurs, tout à fait inégalables dans ce répertoire. On trouvera ainsi difficilement plus grand génie des sonorités dans l'accompagnement de la lecture de la lettre à Ochs à la fin du II, où la flûte de Dieter Flury et le hautbois de Gottfried Boisists, qui vivait alors son dernier festival de Salzbourg avant une retraite bien méritée, sont plus inspirés que jamais, mais aussi dans l'annonce du retour de la Maréchale au III, accompagnée par huit cors emplissant tout l'espace du Großes Festspielhaus.

    Adrianne Pieczonka est une Maréchale somptueuse et touchante, juste assez mûre, auquel manquerait seulement un brin d'allègement, de simplicité dans l'émission. Franz Hawlata reste le grand Ochs du moment, beau grave, projection convenable, présence pernicieuse, en infâme queutard lubrique. Miah Persson est une Sophie de conte de fée, un soprano lumineux et expressif, au très beau médium, à l'aigu un peu moins rayonnant. Parmi les petits luxes de Salzbourg, on notera le Faninal de Franz Grundheber, le chanteur italien de Piotr Beczala et l'Annina walkyrie génialement vulgos d'Elena Batoukova.

    Mais c'est avant tout pour la splendeur de sa mise en scène que vaut ce Chevalier, transposé dans la décadence toute schnitzlérienne des dernières heures de l'Empire austro-hongrois, prêt à basculer dans la Grande Guerre, par un Robert Carsen doté de moyens considérables – décors immenses en format cinémascope, appartements en coupe de la Maréchale, entrée d'Octavian à cheval. Mais cette débauche de moyens ne contredit jamais une prodigieuse direction d'acteurs, ni le foisonnement des idées – les jérémiades d'Ochs sur le divan de Sigmund Freud ; l'auberge du dernier acte transformée en bordel Belle Époque où Octavian joue les filles de joie aux allures de Maréchale. Tant pis pour Schneider et Koch, ce Rosenkavalier reste tout de même un cadeau de luxe.



     
    La révolution du Sacre expliquée



    Keeping score
    Revolutions in music
    Igor Stravinski (1882-1971)
    Documentaire de 55 minutes + concert
    Le Sacre du printemps, tableaux de la Russie paĂŻenne en deux parties
    + Suite de l'Oiseau de feu (version 1919)

    San Francisco Symphony Orchestra
    direction : Michael Tilson Thomas

    1DVD (Zone 1 seulement) San Francisco Symphony

    Pour terminer, un dernier DVD, à tendance pédagogique cette fois. Le San Francisco Symphony Orchestra a eu l'excellente idée de lancer une série Keeping score, dans laquelle une oeuvre choisie est présentée sous forme d'un documentaire contextualisé et analytique, avant d'être entendue dans la continuité du concert.

    Dans cette première série consacrée aux oeuvres révolutionnaires et dans ce numéro dévolu au Sacre du printemps de Stravinski, Michael Tilson Thomas nous mène des palais de Saint-Pétersbourg au Théâtre des Champs-Élysées, où le chef-d'oeuvre du compositeur suscita en 1913 un scandale monumental, des chants paysans russes à leur traduction au piano, en passant par des extraits de séance de présentation de l'oeuvre avec orchestre, l'exécution de solos en studio de travail, ou encore des interviews de membres de l'orchestre, très enthousiastes. Le tout dans le style vivant et rythmé, éminemment communicatif, des conférences à l'américaine.

    Pour ne rien gâcher, les exemples sont toujours extrêmement parlants et parfaitement joués, tout comme le concert d'un très haut niveau – à San Francisco, les percussions n'ont pas peur de cogner et les cuivres de souffler. Lorsqu'il est comme ici sans concession à la facilité, juste assez érudit, juste assez simple pour être compris de tous, ce type d'initiative est à saluer. Dommage seulement que les sous-titres français laissent passer des approximations dont sont dénuées les analyses proposées.



     

    Yannick MILLON
  • Les cadeaux 2006 de Mehdi MAHDAVI
  • Les cadeaux 2006 de GĂ©rard MANNONI
  • Les cadeaux 2006 de Yannick MILLON
  • Les cadeaux 2006 de Laurent VILAREM
  • Les cadeaux 2006 de Thomas COUBRONNE
  • Les cadeaux 2006 de Yutha TEP
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