Irrfahrten II & III
Après la Finta semplice, la trilogie Irrfahrten se poursuit avec deux soirées réunies sur le même DVD, l'une consacrée à la mélancolie, l'autre aux derniers instants de la vie. Irrfahrten II, c'est-à -dire Abendempfindung, est un travail méditatif construit à partir de fragments de la correspondance de Mozart. Dans le même costume, une chanteuse – Ann Murray très touchante avec son physique à la Danielle Darrieux et sa voix parfois à la Gwyneth Jones, toutes proportions gardées – une comédienne – l'inévitable Marianne Hamre qui tenait déjà le rôle de l'Auctoritas dans la première soirée – et un danseur y alternent dans une suite de tableaux abstraits et oniriques autour du thème central du miroir et du regard que porte l'artiste sur soi, en opposition à l'évolution permise par le seul détachement. La scénographie originale et homogène est assez prenante, la vidéo prodigue de beaux effets de miroirs où se reflètent les différentes facettes du personnage, et un véritable climat s'installe, dès le début, le célèbre Lied éponyme. Parfois à la limite de l'abscons, l'ensemble reste très créatif et somme toute moins dérangeant que le début de la troisième soirée, Irrfahrten III.
Rex tremendus comprend deux parties : la première bâtie autour de fragments d'opéras (Lo Sposo deluso, l'Oca del Cairo) juxtaposés dans un chaos absurde orchestré tant bien que mal par l'Auctoritas et confié quasiment à la même équipe que la Finta semplice, ponctué d'interventions de la « belle voix lointaine » d'Ann Murray dans un salon rococo sous verre – image du passé –, la seconde mêlant fragments divers parfois très lacunaires et faisant la part belle à une danse très primitive, « cosmique » dit le metteur en scène Joachim Schlömer, s'efforçant de « désigner par le truchement du corps le chemin de la transcendance ». Après ce joyeux désordre et cette ultime respiration, ce sont tout naturellement des extraits et ébauches du Requiem qui terminent la soirée avec une grande force suggestive.
La partie musicale est globalement très bien tenue tant par une Camerata Salzburg haute en couleurs que par un plateau virevoltant dominé par la désopilante Malin Hartelius, et l'engagement de chacun confère à ce spectacle déconcertant une puissance évocatrice qui ne satisfera peut-être pas les amateurs d'opéra mais ne laissera personne indifférent.
Thomas COUBRONNE
Irrfahrten II & III
Irrfahrten II : Abendempfindung
Pastiche d'oeuvres de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Texte fondé sur des lettres de Mozart : Joachim Schlömer & Bettina Auer
Ann Murray (chanteuse)
Marianne Hamre (actrice)
Graham Smith (danseur)
Irrfahrten III : Rex Tremendus
Lo sposo deluso, opera buffa, K. 430 (424a)
Fragment
Livret anonyme
Josef Wagner (Bocconio Papparelli)
Marisa Martins (Eugenia)
Jeremy Ovenden (Don Asdrubale)
Matthias Klink (Pulcherio)
Silvia Moi (Bettina)
L'oca del Cairo, dramma giocoso per musica, K. 422
Fragment
Livret de Giovanni Battista Varesco
Miljenko Turk (Don Pippo)
Malin Hartelius (Celidora / Auretta)
Jeremy Ovenden (Biondello)
Matthias Klink (Calandrino)
Marisa Martins (Lavina)
Josef Wagner (Chichibio)
Silvia Moi (Auretta dans le Finale)
Ann Murray (la belle voix dans le lointain)
Marianne Hamre (maîtresse de cérémonie)
Chor der Ludwigsburger Schlossfestspiele
Camerata Salzburg
direction : Michael Hofstetter
mise en scène : Joachim Schlömer
décors et costumes : Jens Kilian
préparation des choeurs : Jan Hoffmann
adaptation des livrets : Joachim Schlömer & Bettina Auer
Enregistrements : Salzburg, Residenzhof, 29/07-14/08/2006
2DVD Deutsche Grammophon « Mozart 22 » 073 4250
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