Betulia liberata
Au sein d'un projet dont l'ambition était de présenter in scena les vingt-deux ouvrages lyriques du prodige de Salzbourg, cette Betulia liberata en version de concert fait un peu tache. Ses qualités propres ne sont pas en cause, mais dans une odyssée scénique telle que Mozart 22, cette azione sacra basée sur l'épisode biblique de Judith et Holopherne s'avère difficile à pénétrer sans le théâtre. On peut même se demander s'il était judicieux de l'inclure à pareille intégrale quand l'opéra inachevé Thamos a été ignoré malgré son anticipation flagrante d'un ouvrage aussi majeur que la Flûte enchantée, et alors que Lo sposo deluso et l'Oca del Cairo ont eu droit à une place dans la trilogie Irrfahrten.
Par bonheur, l'équipe musicale est à même de racheter l'absence de mise en scène. Remplaçant Rainer Trost initialement programmé, Jeremy Ovenden offre toujours un ténor haut perché, très clair, un timbre à la Simoneau, une souplesse de la ligne, une qualité de la vocalise comme de la mezza voce au service d'un Ozias de magnifique facture. La Judith dopée à la testostérone de Marijana Mijanovic en paraît du coup d'une virilité appuyée, de vocalité indéfinissable ; l'émission évoque tantôt l'androgynie du contre-ténor, tantôt la caricature de quelque Berta rossinienne à la retraite – ces vilains piani affligés d'un pénible vibrato dans Parto inerme.
Chez les sopranos, le Chabris d'Irena Bespalovaite – la splendide Papagena de la Flûte – est un ravissement permanent, qui ferait presque de l'ombre à l'Amital cristalline de Julia Kleiter, toujours suprême musiciene et touchante dans sa dévotion, dont on regrettera seulement l'intonation parfois flottante en raison d'un souffle un rien paresseux. Mais on évolue à un tel niveau
Enfin, Franz-Josef Selig est un Achior idéal, l'archétype de la basse d'oratorio, avec une bienveillance dans le timbre et une noblesse constantes, Jennifer Johnston un Charmis naturel et bien chantant.
À la tête d'un Orchestre de chambre de Munich précis, juste assez aiguisé, et de choeurs très au point, Christoph Poppen insuffle la dose nécessaire de théâtre, de tension, et trouve le ton juste de cette partition rarissime.
Yannick MILLON
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
La Betulia liberata, azione sacra en deux parties, K. 118 (74c) (1771)
Livret de Pietro Metastasio
Jeremy Ovenden (Ozìa)
Marijana Mijanović (Giuditta)
Julia Kleiter (Amital)
Franz-Josef Selig (Achior)
Irena Bespalovaite (Cabri)
Jennifer Johnston (Carmi)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
MĂĽnchener Kammerorchester
direction : Christoph Poppen
Enregistrement : Salzburg, Felsenreitschule, 18/08/2006
2DVD Deutsche Grammophon « Mozart 22 » 073 4248
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