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DOSSIERS |
25 avril 2024 |
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10 décembre 1908
Olivier Messiaen (1908-1992)
The anniversary edition
Martha Argerich, Serge Baudo, Michèle Command, Antal Dorati, Jeanne Loriod, Yvonne Loriod, Emmanuel Pahud, Alexander Rabinovitch, André Previn, Sir Simon Rattle...
14 CD EMI 2 17466 2 8
Il n'aura échappé à personne que l'on fêtait cette année les cent ans de la naissance d'Olivier Messiaen. C'est un peu comme le Goncourt ; on en entend parler dans le cours de l'année, on lit des pages spéciales dans les magazines et à Noël, on finit par se laisser tenter par un des plantureux coffrets que les maisons de disques n'ont pas manqué d'édifier pour commémorer l'événement.
Et dans le cas de Messiaen, on aura bien raison tant son œuvre gigantesque étonne, émerveille, et ô miracle dans la musique d'aujourd'hui, émeut. Le meilleur coffret ? À notre sens, celui d'EMI qui pour une trentaine d'euros offre pas moins de 14CD, avec au sommet, une Turangalîla-Symphonie superbement plastique d'André Previn à la tête du London Symphony Orchestra, de furieuses Visions de l'amen pour deux pianos par Alexander Rabinovitch et Martha Argerich, ou encore les Trois Petites Liturgies de la Présence divine, magnifiées par les délicieuses dames britanniques des London Sinfonietta Voices sous la direction de Terry Edwards.
Le seul regret est de ne pas voir y figurer le Messiaen millésime 1974, Des Canyons aux étoiles, gigantesque partition pour orchestre, dont les dernières mesures donnent une très claire idée de ce que pourrait être le paradis, sur la terre comme au ciel – selon que l'on ait la foi ou non, bien évidemment. Inutile d'attendre le prochain centenaire pour se le procurer dans un autre coffret ou séparément.
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Juillet 1945
John Adams (*1947)
Doctor Atomic
Gerald Finley
Jessica Riviera
Eric Owens
Richard Paul Fink
Choir of de Nederlandse Opera
Netherlands Philharmonic Orchestra
direction musicale: Lawrence Renes
mise en scène: Peter Sellars
dhorégraphie: Lucinda Childs
2 DVD Opus Arte OA 0998 D
Enregistrement : 2007
C'est de la bombe, cet opéra ! Dans notre traversée du siècle pour ces cadeaux de Noël, on s'arrête ensuite sur le crucial mois de juillet 1945 qu'aura connu le désert du Nouveau Mexique où se déroule l'action de l'avant-dernier opéra en date de John Adams, Doctor Atomic, ici capté en DVD après sa première néerlandaise en 2007.
Et si l'on ne retrouve pas le minimalisme sublimement naïf de ses années 1980, le compositeur américain sait rendre infiniment fascinante cette plongée dans les recherches sur la physique atomique qui aboutiront, comme on le sait, à Hiroshima puis à Nagazaki. La musique, dense et fiévreuse d'Adams accompagne des voix parmi lesquelles on retient les prestations de Gerald Finley (dans le rôle de Robert Oppenheimer) et Jessica Riviera (dans le rôle de sa femme), tous deux fort inspirés par la scénographie de Peter Sellars.
Avec à la clef un authentique tube dans le répertoire pour baryton, Batter my heart à la fin du I et vingt dernières minutes absolument hallucinantes où dans un vide presque total résonne au bout du silence la voix d'un enfant japonais.
Espérons que ce luxueux DVD, très bien filmé, soit au pied du sapin du futur directeur musical de l'Opéra de Paris, Nicolas Joel, afin qu'il fasse venir cette explosive production dans notre Hexagone.
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2 décembre 1954
Edgar Varèse (1883-1965)
DĂ©serts
Création mondiale
Orchestre National
direction : Hermann Scherchen
Entretiens avec Edgard Varèse de Georges Charbonnier (1954-1955)
CD Ina MĂ©moire Vive IMV075
On parle de la Bataille d'Hernani, on évoque encore la première houleuse du Sacre du printemps de Stravinski en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, en se disant que bien chanceux furent ceux qui participèrent à tel charivari. Pourtant, la question demeure : concrètement, c’est quoi, un scandale de l'Histoire de la musique ?
Ce disque paru cette année dans l'indispensable collection Ina Mémoire vive nous donne des éléments de réponse avec la première reproduction sur support sonore de la mythique création de Déserts d'Edgar Varèse le 2 décembre 1954 dans un Théâtre des Champs-Élysées désormais abonné aux chahuts.
Cette pièce que Varèse avait écrite après un silence de plus d'une vingtaine d'années commence dans le calme, lorsqu'un hurluberlu furieusement énervé déclenche les hostilités, et c'est alors bientôt dans la salle un festival d'aboiements de chiens, d'insultes, bientôt contrecarrées par des salves d'applaudissements toutes aussi vindicatives. Parmi les zélateurs ou les siffleurs, choisissez votre camp, l'expérience est passionnante.
C'est le genre de disque qu'on écoute le cœur battant, avec l'intense sentiment de s'approcher de la fragile définition de ce qu'on appelle une œuvre d'art. Et si, rétrospectivement, Déserts a ses longueurs, les interpolations de musique concrète faites avec les moyens de l'époque gardent tout leur pouvoir de subversion et une invraisemblable saveur d'inouï.
En complément, des entretiens du compositeur avec Georges Charbonnier de la Radiodiffusion nationale, qui montrent le compositeur naturalisé américain aussi gouailleur qu'honnête homme, le tout mâtiné d'une pointe d'accent bourguignon.
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11 novembre 1998
GĂ©rard Grisey (1946-1998)
Écrits, ou l'invention de la musique spectrale
Edition Ă©tablie par Guy Lelong avec la collaboration d'Anne-Marie RĂ©by
Editions MF Collections répercussions
Le Temps et l'Ă©cume
WDR Sinfonieorchester Köln
direction : Emilio Pomarico
Les Chants de l'amour pour douze voix et bande
Schola Heidelberg
direction : Walter Nussbaum
CD Kairos 0012752KAI
Avec celui de Messiaen, voici l'autre anniversaire dont il faut souffler les bougies encore et encore pour en raviver la flamme et le souvenir. Dix ans en effet que le compositeur Gérard Grisey nous a quittés prématurément, et l'inventeur de la musique spectrale s'affirme aujourd'hui comme l'un des plus grands compositeurs français du XXe siècle.
Deux parutions capitales lui rendent hommage cette année : ses Écrits admirablement édités chez les dynamiques MF, qui compilent des articles et ses pensées souvent révolutionnaires sur sa conception « écologique » du son, des lettres, ainsi que des extraits de l’ahurissant Journal de jeunesse qu’il écrivit dès l'âge de 15 ans, marqué déjà du sceau du génie. Une bible pour tous les musiciens d'aujourd'hui et de tous horizons.
Et ce nouveau disque paru chez Kairos qui contient les merveilleux Chants de l'amour, pour chœur mixte et bande – ici parfaitement interprétés par la Schola Heidelberg. Une œuvre qui s'achève par un Je t'aime dit et chanté dans une vingtaine de langues différentes peut-elle être mauvaise? Non, assurément, non ! La musique de Grisey vous change, se prépare elle-même et vous prépare à la surprise. Elle est au sens premier du terme proprement bouleversante.
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22 Novembre 2006
George Benjamin (*1960)
Into the little hill
Livret de Martin Crimp
Anu Komsi
Hilary Sommers
Ensemble Modern
direction : Franck Ollu
Dance Figures
BBC Symphony Orchestra
direction : Oliver Knussen
Sometimes Voices
Dietrich Henshel, baryton
Rundfunkchor Berlin
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
direction : Kent Nagano
CD Nimbus NI 5828
Du mandat passionnément contesté de Gerard Mortier à la direction de l'Opéra de Paris, nombreux sont ceux qui d'entre toutes les productions distinguent déjà le fameux Tristan et Isolde mis en scène par Peter Sellars et Bill Viola. Et si ce qui s'annonçait à l'origine comme un petit opéra contemporain de quarante minutes créé voici deux ans dans un Amphithéâtre Bastille transfiguré devenait la seconde pierre de touche des cinq années du flamand controversé ?
En quelque sorte son St François d'Assise à lui ? Car merveille absolue que cet Into the little hill : du livret hypnotique de Martin Crump – relecture moderne du Joueur de flûte d'Hamelin –, des chanteuses aux voix si contrastées – la contralto Hilary Summers et la soprano finlandaise Anu Komsi dont la voix vous entre dans la chair –, jusqu'à la musique de George Benjamin, tout envoûte et impressionne par sa nécessité. Ceux qui assistèrent à la création en parlent encore avec des larmes dans les yeux.
Bien restitué dans cet enregistrement par les mêmes interprètes, ce disque est accessoirement la plus importante parution discographique de l'année en matière de musique d'aujourd'hui. Indispensable !
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26 novembre 2008
Horatiu Radulescu (1942-2008)
Concerto pour piano The Quest, op.90
Ortwin StĂĽrmer, piano
Radio Sinfonie Orchester Francfort
direction : Lothar Zagrosek
1 CD CPO DDD 96
Le 26 novembre disparaissait le compositeur Horatiu Radulescu. Comme Grisey, comme Benjamin, encore un élève de Messiaen, direz-vous ! Et encore un très grand compositeur. Si ce franco-roumain laisse le souvenir d'un homme dont on dit pudiquement qu'il était plein de paradoxes – radicales, les notices de ses œuvres sont souvent dans un sabir mystico-scientifique à vous donner des crampes de rire nerveux –, son talent musical éblouit. Et ce à l'écoute de sa pièce la plus accessible : le concerto pour piano The Quest – dont le titre en anglais rappelle pourtant moins la recherche proustienne qu'un vibrant film d'action.
Magnifiquement interprété par Ortwin Stürmer et l'Orchestre de la Radio de Francfort sous la direction de Lothar Zagrosek, ce disque paru il y a quelques années chez CPO est d'une confondante accessibilité : le premier mouvement, la Genèse, contient dans une orchestration magique des berceuses enfantines comme venues du fond des temps. Le troisième mouvement est un sublime kaléidoscope de mélodies qui rappellent, rien moins et avec autant d'éclat, la Turangalîla-Symphonie de son maître.
Pour poursuivre l'exploration, les Lao Tsu Sonatas, toujours sous les doigts du pianiste allemand Ortwin Stürmer et toujours parues chez CPO, toutes aussi féeriques et toutes aussi accessibles d'un compositeur dont l’œuvre reste une terre vierge absolument fascinante, à découvrir d'urgence.
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