1/8 de Finale
Lundi 14 septembre – Kursaal
Mozart : Ouverture de la Flûte enchantée
Beethoven : Symphonie n° 5 (premier mouvement)
Orchestre de Besançon Franche-Comté
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la première fournée de cinq candidats qui ouvre le bal du CJCO 2009 n’a vraiment pas de quoi donner le vertige. Certains suivent l’orchestre au lieu de le conduire, d’autres se contorsionnent en des positions invraisemblables, d’autres encore s’attardent à ce qui deviendra vite une mode : le bricolage, soit un rudimentaire travail de correction de nuances, de dynamiques, de mise en place de la fugue mozartienne énoncée par des seconds violons très fragiles. Beaucoup de cafouillages aussi, d’enthousiasme desservi par un manque évident de maîtrise.
La principale déception provient du prodige britannique Alexander Prior, sans doute par trop annoncé comme le nouveau Lionel Bringuier, et qui, du haut de ses 16 ans et malgré un bouillonnement intérieur manifeste, a beaucoup de mal à canaliser l’énergie dans ses bras immenses, et semble, dans Mozart, diriger les masses de la 8e symphonie de Mahler, avec force hystérie et grognements.
Le seul candidat de cette série – et de la journée entière – qui semble avoir vraiment compris l’atmosphère magique, le « Zauber » de Zauberflöte, c’est le quart de finaliste malheureux d’il y a deux ans, le Japonais Kazuki Yamada, qui en deux accords, sans prononcer un mot, trouve le juste équilibre, la juste sonorité, et donne au portique de l’ouverture de Mozart une dimension d’espace mystérieux épatante. C’est aussi jusqu’ici le seul chef doté d’un vrai centre de gravité, qui lui vaut un total contrôle du tempo et lui évite l’écueil de la précipitation.
Après la pause, on retrouve une partie de l’atmosphère de magie mozartienne instillée par Yamada, sous la baguette de la Française Alexandra Cravero, attentive à la lumière et à la couleur, à créer une dramaturgie, et qui offre un vrai travail d’orchestre détaillé, conduit, articulé, logique, sachant se donner les moyens de parvenir au but fixé.
On remarque aussi la technique, la gestique forte du Tchèque Marek Šedivý, dont on regrette pourtant beaucoup le côté ancienne école, les pesanteurs dans ce répertoire classique. Tout l’inverse de l’Australien Matthew Wood, le seul à travailler en divisi et à lorgner vraiment du côté des baroqueux, y compris pour ce qui est de la dispersion corporelle.
À 20h débute la longuette troisième série, qui verra alterner des candidats aux niveaux très variables. On note les traits d’humour du Coréen Henry Shin, qui demande des sforzandi à la manière « d’un chien qui éternue », l’enthousiasme et les gestes de pantin désarticulé du Britannique Andrew Gourlay, et enfin le côté anguleux et art martial, très efficace mais malheureusement relayé par un travail aux limites de l’indigence, de la battue de la Japonaise Yuko Tanaka.
Après une ultime pause, on se rĂ©veille enfin avec les cinq appelĂ©s qui entament la dernière ligne droite. On apprĂ©cie la malice mozartienne de la Polonaise Marzena Diakun, qui file son travail de rĂ©pĂ©tition sans partition, et on retient surtout les prestations du VĂ©nĂ©zuĂ©lien Domingo GarcĂa, beau geste, belle prĂ©sence, belle autoritĂ©, prĂ©cision dans le travail, et une gestique qui aide beaucoup les musiciens dans les dĂ©dales rythmiques beethovĂ©niens, et du Bulgare Rossen Gergov, qui dirige un peu Ă la cravache, sacrifiant au passage l’une de ses baguettes, mais sait aussi, en Ă©voquant l’ut mineur du royaume de la Reine de la Nuit, rĂ©gler la couleur d’un accord en deux mots, lĂ oĂą d’autres perdraient de prĂ©cieuses minutes Ă travailler par empilement.
Ă€ l’issue de cette copieuse journĂ©e, de celles qui se terminent souvent par un bon mal de crâne, les dĂ©libĂ©rations sont relativement courtes, et, aux dires du prĂ©sident du jury JiřĂ Bělohlávek, plutĂ´t aisĂ©es. Sans surprise, Kazuki Yamada, Alexandra Cravero, Domingo GarcĂa et Rossen Gergov accèdent Ă l’étape suivante. Comme les quarts de finale peuvent compter jusqu’à dix candidats, l’occasion est idĂ©ale pour entendre plus avant Alexander Prior, Marek Ĺ edivĂ˝, Henry Shin, Andrew Gourlay et Yuko Tanaka.
La sélection qui nous surprend le plus est celle du Japonais Tomohiro Seyama, d’une grande efficacité gestique mais d’une brutalité dépourvue de toute noblesse dans Mozart qui nous avait vraiment rebuté. Précisons cependant que par souci d’objectivité, on avait soigneusement évité de lire les biographies et le pedigree des candidats avant de les voir à l’œuvre pour cette épreuve liminaire, ce qui aurait forcément orienté d’une manière ou d’une autre notre ressenti.
Complément :
Vidéo ARTE de résumé des 1/8 de Finale
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