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DOSSIERS 25 avril 2024

Les cadeaux de Noël 2012 d'Altamusica
© Galeries Lafayette

Vous vous torturez l'esprit pour offrir de la musique classique à vos amis ? Vous calez devant les rayons des magasins spécialisés ou la page d'accueil d'un site de commande ? Pas de panique, Altamusica vous propose ses sélections de CD, DVD/Blu-ray et livres parmi les parutions de l'année 2012.
Joyeux Noël à toutes et à tous !
Aujourd'hui, les sélections de Noël de Yannick MILLON

 

Le 19/12/2012
Propos recueillis par La rédaction
 
  • Les cadeaux 2012 de GĂ©rard MANNONI
  • Les cadeaux 2012 d'Olivier BRUNEL
  • Les cadeaux 2012 de Yannick MILLON



  • Les 3 derniers dossiers

  • L'art de la symphonie

  • Un monument de granit

  • Les cadeaux de NoĂ«l 2013 d'Altamusica

    [ Tous les dossiers ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Ă€ l’école des sorciers



    Die Thomaner
    A year in the life of the St. Thomas Boys Choir (2012)
    Film de Paul Smaczny & GĂĽnter Atteln (113 minutes)
    Blu-ray (ou DVD) Accentus music ACC 10212

    Véritable coup de cœur de ces fêtes que ce copieux film documentaire de Paul Smaczny et Günter Atteln sur l’institution plusieurs fois centenaire du Thomanerchor de Leipzig, donnant à suivre sur une année scolaire le parcours de maîtrisiens de la prestigieuse école Saint-Thomas, où Bach fut cantor de 1723 à sa mort en 1750.

    Ă‚gĂ©s de neuf ans lors de leur recrutement dans ce Poudlard du chant, les jeunes garçons, occupĂ©s aussitĂ´t comme des Ă©lèves de Terminale, y suivent une formation musicale complète en sus de leur parcours scolaire classique, suscitant souvent la raillerie et la jalousie des autres Ă©tablissements envers les « pĂ©dĂ©s de Saint-Thomas Â».

    À travers le portrait croisé de Thomaner à diverses phases de leur apprentissage, on suit leur quotidien fait de travail acharné, d’exigence, de sacrifices, de renoncements, mais aussi d’accomplissement artistique, comme l’explique Oskar, pour qui les acclamations du public après une Messe en si donnée en tournée à Buenos Aires restent la plus belle des récompenses.

    Les réalisateurs s’interrogent en filigrane sur la place de la foi, optionnelle pour entrer dans l’école et effective chez une moitié seulement des jeunes, renvoyant aux parcours individuels, entre Maximilian, qui s’est fait baptiser en cours de scolarité, et Stefan, qui s’est rendu compte pendant son internat qu’il prenait pour de la foi son seul amour de la musique de Bach.

    Le film exalte aussi les vertus du travail collectif, du sens du groupe, ni plus ni moins qu’une seconde famille, du passage de témoin entre générations, chaque Préfet étant responsable d’une nouvelle recrue, autant de valeurs assez typiques de la culture germanique.

    Parmi les moments magiques de cette scolarité hors normes, la période de l’Avent, l’exécution de l’Oratorio de Noël, et ces chants improvisés par de petits groupes bravant le froid et la neige, tard dans la nuit, sous les fenêtres des habitants de Leipzig.

    Aux côtés du très exigeant Georg Christoph Biller, cantor depuis vingt ans, fervent gardien du Temple d’un enseignement à l’ancienne, dévolu à la plus belle musique sacrée du monde, on dévore ce carnet de bord avec une totale compassion pour les diplômés devant quitter dans les larmes l’école où ils ont passé toute leur adolescence.

    Un DVD de deux heures des plus attachants, avec en bonus deux extraits d’une Saint Matthieu disponible également chez Accentus : le chœur d’entrée, et l’air d’alto Erbarme dich par un dernière année à la musicalité inouïe, qui témoignent de l’excellence de l’institution.



     
    Die Meistersinger von Glyndebourne



    Richard Wagner (1813-1883)
    Die Meistersinger von NĂĽrnberg
    Gerald Finley (Hans Sachs)
    Marco Jentzsch (Walther von Stolzing)
    Johannes Martin Kränzle (Sixtus Beckmesser)
    Alastair Miles (Pogner)
    Anna Gabler (Eva)
    Topi Lehtipuu (David)
    Michaela Selinger (Magdalene)
    The Glyndebourne Chorus
    London Philharmonic Orchestra
    direction : Vladimir Jurowski
    mise en scène : David McVicar
    scénographie : Vicki Mortimer
    Ă©clairages : Paule Constable
    préparation des chœurs : Jeremy Bines
    captation : François Roussillon
    Blu-ray (ou DVD) OPUS ARTE OA BD7108 D

    John Christie, fondateur du festival de Glyndebourne en 1934, en avait rêvé. Ses descendants ont transformé le rêve en réalité en introduisant Wagner dans le plus coté des festivals britanniques. Après Tristan en 2003, c’est le tour des Maîtres chanteurs d’investir le petit théâtre de Lewes, avec le même accueil triomphal.

    En cet été 2011, David McVicar présentait une production très classique, étonnante au vu de son parcours mais conforme à une volonté de présenter l’ouvrage sous un jour positif, en réaction aux dizaines de relectures basées sur le passé récent de l’Allemagne. D’où une action campée à l’époque de Wagner, avant l’unification allemande.

    Action lisible jusqu’à la moindre saute d’humeur des personnages – le livret en compte de nombreuses –, direction d’acteurs remarquable de finesse et de caractérisation psychologique – la relation Eva-Sachs y gagne une réelle épaisseur –, le spectacle est sans doute l’antidote parfait pour les réfractaires à l’expérimentation.

    Aucune excentricité dans ce huis-clos communautaire où un Beckmesser en pleine détresse à la scène finale, tout sauf histrion, gagne ses galons d’ambiguïté, loin des stéréotypes. Pour le reste, des scènes de foules à l’ancienne, ouvertement vintage, donnent un sentiment de convention, de tradition dans le plus noble sens du terme.

    On imaginait pour l’occasion Vladimir Jurowski marcher dans le sillon des géants Karajan et Böhm, mais le chef russe se contente de ne pas essouffler son monde sur la longueur, plus captivant dans l’intériorité de la première partie du III que dans l’exaltation d’une ouverture prudente, d’une émeute finale du II plutôt brouillonne.

    Belle distribution, exceptionnelle seulement à l’égard du Hans Sachs de Gerald Finley, cordonnier-poète admirablement déclamé, admirablement chanté, musicien jusqu’au bout des bouclettes. Une incarnation à marquer d’une pierre blanche.

    Jolie Eva d’Anna Gabler, dont la voix est sans doute déjà un rien mûre pour le rôle, Beckmesser en double vocal de Sachs, forcément plus noble que la moyenne et d’une remarquable intelligence, David très nuancé et juvénile quoiqu’un peu tendu de Topi Lehtipuu font oublier un Walther décent mais falot, un Kothner chaotique et sans aigu, un Veilleur de nuit tout en trémulation de gorge et un chœur loin des standards de Bayreuth.

    Au final, sans doute la version vidéo idéale pour se familiariser avec l’œuvre, dont l’esprit est scrupuleusement respecté.



     
    Malo… than a naughty boy



    Benjamin Britten (1913-1976)
    The Turn of the Screw
    Miah Persson (Governess)
    Toby Spence (Prologue/Peter Quint)
    Susan Bickley (Mrs Grose)
    Giselle Allen (Miss Jessel)
    Johanna Songi (Flora)
    Thomas Parfitt (Miles)
    London Philharmonic Orchestra
    direction : Jakub Hrůša
    mise en scène : Jonathan Kent
    décors : Paul Brown
    Ă©clairages : Mark Henderson
    captation : François Roussillon
    Enregistrement live : Glyndebourne, 2011
    Blu-ray (ou DVD) fRA MUSICA FRA507

    Glyndebourne de nouveau, toujours à l’été 2011, pour la captation d’une reprise du Tour d’écrou de Britten mis en scène par Jonathan Kent. Le spectacle jouit d’une scénographie sublime, un simple mur de verre pivotant sur ses deux axes et un tronc noueux assurant seuls des changements à vue entre les seize scènes du livret, dont la caméra toujours aussi inspirée de François Roussillon ne rate pas une miette.

    Abolissant les frontières entre réel et imaginaire, extérieur et intérieur, ce décor sur tournette de Paul Brown est à lui seul un chef-d’œuvre, transcendé par des éclairages rasants de Mark Henderson démultipliant son pouvoir évocateur, de la sérénité d’un intérieur bourgeois britannique des années 1950 à des ombres portées fantomatiques qui glacent d’effroi.

    Kent mise par ailleurs sur la dimension psychanalytique et la perversité des enfants, avec un Miles mi-ange mi-démon, tour à tour d’une fragilité bouleversante et d’une détestable suffisance de petit gars de la haute, un Quint tout en intériorité, jamais grand-guignolesque, une Gouvernante en faux modèle de vertu.

    On atteint des sommets de suggestion ambiguë à la fin du I, quand Miles surpris dans l’intimité de son bain trouve du réconfort dans les bras de Quint, avec l’image angoissante de Flora figée la tête engloutie dans le lavabo, après une séance de cravache à califourchon pendant la chanson du cochon.

    CĂ´tĂ© musique, mĂŞme succès, grâce Ă  la baguette subtile et prĂ©cise, aux rythmes ciselĂ©s Ă  la perfection de Jakub Hrůša, tirant les mixtures de timbres de Britten vers la musique d’Europe centrale et mĂŞme le dernier Chostakovitch, avec des dosages maniaques et des attaques qui font merveille – un piano parmi les plus beaux entendus dans l’ouvrage.

    Distribution parfaitement idiomatique – seule Miah Persson, à l’anglais parfaitement assimilé, n’est pas native –, qu’il s’agisse du Quint très en voix de Toby Spence, de la Mrs Grose aux glorieux restes de Susan Bickley ou encore des enfants, irréprochables – le Malo lunaire et suspendu, bouleversant d’innocence perdue à jamais de Thomas Parfitt.



     
    La Bible de l’orchestre



    Christian Merlin
    Au cœur de l’orchestre
    Éditions Fayard, 520 pages, IBSN 9782213663159

    Passionné depuis toujours par l’analyse du phénomène orchestral sous toutes ses formes, notre confrère Christian Merlin, que l’on n’a encore jamais pris en défaut quand il s’agit de citer le nom d’un instrumentiste d’à peu près n’importe quelle phalange internationale, a enfin décidé de partager son érudition sur un sujet particulièrement vaste.

    Son volumineux ouvrage intitulé Au cœur de l’orchestre se veut à la fois analyse socio-économique, en comparant les différentes pratiques selon les pays et les mentalités, des modèles étatistes au recours de plus en plus fréquent au privé, des formations municipales salariées aux phalanges d’intermittents du spectacle, et immersion humaine, psychologique, au sein des rapports hiérarchiques de ce type de groupe.

    Cette étude s’avère finalement bien autant un dictionnaire qu’on préférera ne pas lire in extenso, mais dans lequel on reviendra piocher volontiers noms et anecdotes savoureuses en tous genres, glanées au fur et à mesure de soirées passées à user du pantalon de costume sur les fauteuils des salles de concert et à côtoyer les instrumentistes d’orchestre des quatre coins du globe.

    Une documentation précieuse, nouvelle bible du genre, écrite d’une plume alerte, joyeuse mais jamais complaisante – les mises au point sur l’antisémitisme à Vienne, sur la misogynie de Celibidache à Munich –, aux avis sur les musiciens bien argumentés, et conçue par groupes instrumentaux afin de pouvoir retrouver facilement les informations cherchées.



     
    Rando de luxe



    Richard Strauss (1864-1949)
    Befreit, op. 39 n° 4
    Winterliebe, op. 48 n° 5
    Traum durch die Dämmerung, op. 29 n° 1
    Gesang des Apollopriesterin, op. 33 n° 2
    Mein Elemer (Arabella, acte I, op. 79)
    Renée Fleming, soprano
    Eine Alpensinfonie, op. 64
    Wiener Philharmoniker
    direction : Christian Thielemann
    Enregistrement live : Salzburg, Grosses Festspielhaus, 2011
    Blu-ray (ou DVD) OPUS ARTE OA BD 7101 D

    Profitant du seul été depuis une décennie où il ne se consacrait pas à Wagner dans l’abîme de Bayreuth, Christian Thielemann, en plus de sa présence au pupitre des Wiener Philharmoniker en fosse pour une Femme sans ombre d’anthologie, consacrait l’un des programmes symphoniques estivaux des Viennois à Salzbourg à la Symphonie alpestre et à des Lieder du même Strauss.

    Très belle première partie portée par une Renée Fleming toujours glamour, pulpeuse et crépusculaire à la fois, très sophistiquée et so chic, le tout hors des grands tubes habituels. Son plus beau legato servira cette fois quatre Lieder plutôt rares, dont le magnifique Chant de la prêtresse d’Apollon. Après ces petits bijoux, la scène finale du I d’Arabella, dont la belle Américaine s’est fait une spécialité, malgré une élocution toujours un peu pâteuse.

    Thielemann remettait ensuite sur le métier la Symphonie alpestre déjà enregistrée dix ans plus tôt avec les mêmes Wiener. Sur le vif, on s’est étonné de certaines options du nouveau patron de la Staatskapelle de Dresde, plus musclées, les mollets gonflés par l’envie d’arriver au sommet, et de petits pépins d’exécution ici gommés par la magie du mixage de deux soirées.

    Grâce aux micros, l’Orage acquiert d’ailleurs un tout autre impact physique, même si Thielemann ne retrouve pas exactement les climax qui faisaient le sel de sa gravure discographique de 2001 – Auf dem Gipfel. Mais la captation exalte l’entente plus que cordiale entre le maestro et un orchestre tout acquis à sa vision large, de superbe tradition.

    Difficile ainsi d’imaginer couleurs instrumentales plus sublimes, à l’image de la clarinette de Daniel Ottensamer, digne fils de son père, aux attaques d’un fondu royal. Et quand les cordes se donnent à fond dans les épisodes les plus lyriques de cet immense poème symphonique de cinquante minutes, on jubile, car on ne connaît pas d’équivalent ailleurs.



     
    Vertus de l’homogénéité



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    27 Concertos pour piano
    Radu Lupu, piano 2 (Concertos n° 7 et 10)
    English Chamber Orchestra
    Murray Perahia, piano & direction
    Enregistrements : Londres, Aldeburgh, 1976-1988
    12 CD Sony Classical Masters 88691914112

    Retour à prix fracassé de l’un des fleurons du catalogue Sony, naguère en coffret à prix moyen, avec cette réédition en boîte carton minimaliste de l’intégrale des Concertos pour piano de Mozart par Murray Perahia, la plus noble, homogène et cohérente sur instruments modernes.

    Après le merveilleux pianoforte de Viviana Sofronitzki, voici donc cette année une alternative pour ceux que rebutent les sonorités anciennes. Avec une recherche de l’équilibre parfaitement dosée entre galbe et attaque, Perahia traverse ce corpus gravé au tournant des années 1980, avec un toucher miraculeux de finesse, de douceur caressante.

    Jamais une note qui claque, y compris dans les passages les plus fournis, et une musicalité de tous les instants chez un artiste qui a dévolu une bonne moitié de sa carrière à Mozart – un mouvement lent de Concerto n° 23 au rubato à pleurer.

    L’avantage de cette intégrale est d’ailleurs son degré de constance, grâce à une conception jamais dispersée du pianiste, le plus égal sur la longueur, grâce aussi à la présence d’une seule et même formation, un English Chamber Orchestra attentif.

    Parmi les concurrents les plus sérieux, Zacharias, dans sa première intégrale (EMI), souffrait d’une multiplication des équipes nuisible à l’ensemble, et sa nouvelle mouture (MDG), tout juste achevée, n’existe pas encore en coffret, et représentera un tout autre investissement que les vingt euros de cette boîte Sony.

    Quant à l’intégrale Schiff-Vegh, au prix vertigineux, les miracles accomplis par le chef et l’orchestre, sans doute inégalables en optique traditionnelle, n’y trouvent que trop peu d’écho dans un piano manquant souvent de soyeux, que Perahia supplante à la moindre occasion. Une affaire en or, on vous dit !



     
    BaptĂŞme du feu



    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Don Giovanni
    Ildebrando D’Arcangelo (Don Giovanni)
    Vitalij Kowaljow (Commendatore)
    Diana Damrau (Donna Anna)
    Rolando VillazĂłn (Don Ottavio)
    Joyce DiDonato (Donna Elvira)
    Luca Pisaroni (Leporello)
    Konstantin Wolff (Masetto)
    Mojca Erdmann (Zerlina)
    Vocalensemble Rastatt
    Mahler Chamber Orchestra
    direction : Yannick NĂ©zet-SĂ©guin
    Enregistrement : Baden-Baden, 2011
    3 CD Deutsche Grammophon 477 9878

    Mozart toujours, avec la course à l’abîme de Don Giovanni. Les intégrales d’opéra au seul support audio se raréfiant comme peau de chagrin, on accueille avec enthousiasme cet enregistrement qui offre sur le papier l’une des plus belles affiches dont on puisse rêver aujourd’hui.

    Mais le plateau ne serait rien sans un véritable maître d’œuvre, ici en la personne du jeune chef québécois Yannick Nézet-Séguin, qui à la tête du Mahler Chamber Orchestra accomplit des prodiges de vitalité, d’énergie théâtrale, d’urgence et de subtilité dramatique dans ce véritable baptême du feu.

    Sans à-coups ni hystérie gratuite, la trajectoire se tend à merveille, nerveuse, chaque épisode s’imbriquant dans l’élan général avec une vraie volonté de vivre, aux antipodes de l’anéantissement programmé de Jurowski à Glyndebourne – la vision infernale de la scène du souper, prudente ici en comparaison, simple parenthèse avant que la vie ne reprenne ses droits.

    Ne délaissant aucune zone d’ombre – fabuleux sextuor nocturne du II, scène du cimetière en monument de tragi-comédie –, Nézet-Séguin laisse une très belle empreinte sur cette exécution donnée en version de concert au festival de Baden-Baden 2011.

    On parlait plus haut de dream-team vocale a priori. Le résultat à l’écoute, bien que très honorable, ne s’élève pas exactement à cette hauteur car Mozart ne pardonne rien, notamment chez la Donna Anna au vibrato fatigant et au chant de plus en plus gros de Diana Damrau, autrement convaincante lorsqu’elle ne cherche pas à faire du son.

    MĂŞme relative dĂ©ception devant le « grand seigneur mĂ©chant homme Â» d’Ildebrando D’Arcangelo, au sillabato pourtant impeccable, dont le matĂ©riau noir rappellerait un Siepi, mais dont la composition Ă©voque un sĂ©ducteur ronchon et plus très jeune, chaque moment oĂą la pleine voix n’est pas sollicitĂ©e virant au dĂ©timbrĂ© – la SĂ©rĂ©nade, neurasthĂ©nique.

    Le Leporello de Luca Pisaroni lui dame instantanément le pion, au point qu’on souhaiterait que les rôles aient été inversés tant le valet, tellement touchant, surclasse le maître en termes de beauté du timbre, de clarté et de jeunesse dans l’émission.

    Pour Rolando Villazón, Ottavio représentait le défi un retour aux sources après tout une série de tracas vocaux, et l’on est frappé d’emblée par la couleur séduisante de ce bébé-Domingo, lumineux, méditerranéen. Mais le style, dans les airs surtout, moins tenus que les ensembles, demeure contestable pour Mozart, plein de portamenti et attaques sous la note.

    Un Masetto gentiment plouc, un Commandeur tout bouché comme presque toujours contrastent avec la Zerlina étonnante d’ambiguïté vocale, autant mezzo que soprano léger, fausse ingénue et vraie perverse de Mojca Erdmann et avec la perle du disque, l’Elvira de Joyce DiDonato, ivre de rancœur, à mi-chemin d’une Röschmann et d’une Varady, vibrato ardent, style impeccable, pas un son anecdotique. De grands moments dans la rencontre avec le chef, et une version d’équipe où l’élan général balaie les réserves individuelles.



     
    Une nouvelle Wagnerbox



    Richard Wagner (1813-1883)
    The Great Operas
    Rienzi : René Kollo (Rienzi), Siv Wennberg (Irene), Nikolaus Hillebrand (Colonna), Janis Martin (Adriano), Staatskapelle Dresden, direction : Heinrich Hollreiser (1974-1976)
    Der fliegende Holländer : Theo Adam (Holländer), Anja Silja (Senta), Martti Talvela (Daland), Philharmonia Orchestra, direction : Otto Klemperer (1968)
    Tannhäuser : Klaus König (Tannhäuser), Lucia Popp (Elisabeth), Bernd Weikl (Wolfram), Waltraud Meier (Venus), Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, direction : Bernard Haitink (1985)
    Lohengrin : Jess Thomas (Lohengrin), Elisabeth GrĂĽmmer (Elsa), Christa Ludwig (Ortrud), Dietrich Fischer-Dieskau (Telramund), Wiener Philharmoniker, direction : Rudolf Kempe (1962-1963)
    Der Ring des Nibelungen : Robert Hale (Wotan), Hildegard Behrens (Brünnhilde), René Kollo (Siegfried), Ekkerhard Wlaschiha (Alberich), Robert Schunk (Siegmund), Julia Varady (Sieglinde), Marjana Lipovšek (Fricka), Helmut Pampuch (Mime), Bayerisches Staatsorchester, direction : Wolfgang Sawallisch (1989, live)
    Tristan und Isolde : Plácido Domingo (Tristan), Nina Stemme (Isolde), Mihoko Fujimura (Brangäne), Olaf Bär (Kurwenal), René Pape (König Marke), Orchestra of the Royal Opera House Covent Garden, direction : Antonio Pappano (2004-2005)
    Die Meistersinger von Nürnberg : Theo Adam (Hans Sachs), Geraint Evans (Beckmesser), René Kollo (Walther von Stolzing), Peter Schreier (David), Helen Donath (Eva), Staatskapelle Dresden, direction : Herbert von Karajan (1970)
    Parsifal : Phillip Joll (Amfortas), Warren Ellsworth (Parsifal), Donald McIntyre (Gurnemanz), Waltraud Meier (Kundry), Orchestra of the Welsh National Opera, direction : Reginald Goodall (1984)
    36 CD EMI Classics 9 73359 2

    La crise du disque a ceci de bon pour les discophiles que les éditeurs multiplient depuis quelques années les rééditions de leur fond de catalogue en coffrets à prix modiques, avec un appareil critique réduit à la portion congrue et sans les textes des opéras ni les notes d’introduction des premiers pressages, mais au bénéfice d’un rapport qualité-prix imbattable.

    Cette année, le label anglais EMI a concocté en vue du bicentenaire de la naissance de Wagner en 2013 un nouveau cube (pas évident à ouvrir, et dont le carton extérieur bien fragile promet de rapidement s’abîmer) intitulé Wagner-The Great Operas.

    On s’attendait à y trouver les dix grands opéras joués à Bayreuth ; on a la bonne surprise d’y voir ajouté Rienzi dans sa seule version studio, assez moyenne dans le fond mais tout de même décemment chantée, due à la direction à la truelle d’Heinrich Hollreiser.

    Le reste du coffret offre son lot d’indémodables : le Vaisseau de Klemperer, qui bien que découpé en trois actes, n’a pas pris une ride et demeure l’achat prioritaire ; le Lohengrin de Kempe, probablement le mieux chanté de tous, avec des méchants inégalables (Ludwig, Fischer-Dieskau) et les couleurs sublimes de la Philharmonie de Vienne ; les somptueux Maîtres chanteurs de Karajan à Dresde et leur théâtre de studio millimétré.

    En alternance avec des versions moins connues et pourtant de belle qualité. Le Tannhäuser de Haitink, probe, vaut surtout pour les femmes : Lucia Popp, l’une des plus bouleversantes Elisabeth du disque, et la Vénus de la jeune Waltraud Meier.

    Bonne surprise également que la présence du Ring très classique de Sawallisch – direction équilibrée, couleurs bavaroises idoines, prise sur le vif –, et une distribution honorable – Kollo un rien tardif et Behrens en Siegfried et Brünnhilde –, avec quelques pépites ici ou là – Varady en ardente Sieglinde, Wlaschiha très noir en Alberich –, au milieu de la routine des années 1980 – Robert Hale en Wotan, Robert Schunk en Siegmund.

    En revanche, cela se gâte avec le Parsifal lentissime et ahané à force de solennité de Goodall, n’offrant guère à sauver que la Kundry de Meier, qui a marqué le rôle comme seule Martha Mödl avant elle au disque, et le remarquable Gurnemanz de Donald McIntyre, car on fuira devant un Parsifal à grosse voix poussée et aux accents de brontosaure.

    Quant au Tristan très honnête de Pappano, la gravure la plus récente du lot, il ne parvient que trop rarement à coller le frisson, en raison essentiellement d’une direction fort sage, même si le plateau en est très convenable – Domingo, aussi bien chantant que parfaitement exotique.

    Qu’importe, voici pour une soixantaine d’euros le meilleur moyen de se mettre à Wagner ou d’étoffer sa discographie.



     
    Un fringant centenaire



    Solti-BartĂłk
    Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour orchestre – Suite de danses – Musique pour cordes, percussion et célesta – Le Mandarin merveilleux (suite) – Divertimento – Esquisses hongroises – Danses populaires roumaines – Cantate profane – Concertos pour piano n° 1-3 – Concertos pour violon n° 1-2 – Le Château de Barbe-Bleue
    Zoltán Kodály (1882-1967) : Danses de Galánta – Variations sur le Paon – Háry János (suite) – Psalmus Hungaricus
    Leó Weiner (1885-1960) : Sérénade pour petit orchestre – Prince Csongor et le gobelin
    Chicago Symphony Orchestra – London Philharmonic Orchestra – Budapest Festival Orchestra
    direction : Sir Georg Solti
    Enregistrements : 1952-1997
    7 CD DECCA 478 3706

    Quinze ans après sa disparition soudaine, alors qu’il affichait encore une incroyable vitalité malgré ses 85 printemps, on a toujours du mal à réaliser que Solti a quitté définitivement le paysage musical. Sa présence ne risque d’ailleurs pas de déserter les esprits de si tôt alors qu’on célèbre le centenaire de sa naissance.

    Pour l’occasion, sa maison de disque, Decca, réédite en plusieurs coffrets une partie de son legs. L’opéra d’abord, avec trois boîtes distinctes consacrées à Strauss, Verdi et Mozart. Mais c’est sans doute le plus modeste coffret Bartók qui s’avère indispensable, l’adéquation entre cette baguette implacable et l’univers du compositeur hongrois tenant du rapport atavique.

    En 5 CD, l’essentiel de Bartók : Concerto pour orchestre, Musique pour cordes, percussion et célesta, Divertimento, suite du Mandarin merveilleux, Suite de danses, Esquisses hongroises, Danses populaires roumaines, dans les lectures ultra virtuoses des dernières années avec Chicago.

    Ainsi que les Concertos pour piano (Ashkenazy), Concertos pour violon (Chung) – bonnes versions complémentaires des références du genre – mais aussi la Cantate profane et un Château de Barbe-Bleue soufflant le chaud et le froid, avec une Sylvia Sass aussi légère que bien dardée et un Kolos Kováts idiomatique sinon inoubliable – tous avec le London Philharmonic.

    Seul petit regret, que Decca n’ait pas ajouté un malheureux CD avec les premières gravures stéréo (Concerto, Musique pour cordes, Mandarin, Suite de danses) avec le London Symphony (années 1960), plus imparfaites mais aux cordes plus accrocheuses, qui auraient permis à peu de frais de passionnantes comparaisons.

    En revanche, on goûtera avec délectation les deux CD bonus consacrés entre autres aux enregistrements historiques avec le LPO : des Kodály absolument grisants – Háry János tranchant et d’une saturation de couleurs unique, supérieur encore à la version munichoise de 1949, Danses de Galánta endiablées, Variations le Paon éblouissantes de vitalité) – et surtout aux premières gravures mono (d’excellente qualité) de la Musique pour cordes (1955) et de la Suite de danses (1952) de Bartók.

    Rien moins que les meilleures versions, les plus engagées, laissées par Solti – dignes du peloton de tête de la discographie –, à une époque où la geste toscaninienne n’est jamais loin, avec des cordes chauffées à blanc et des timbres aiguisés jubilatoires. Les versions les plus essentielles et ferventes, sans aucun doute.



     
    Un anniversaire peut en cacher un autre



    Otto Klemperer-Beethoven
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    The Orchestral Recordings : 9 Symphonies – ouvertures, (New) Philharmonia Orchestra, direction : Otto Klemperer ; Enregistrements : Londres, 1954-1969
    10 CD EMI Classics 4 04275 2
    Otto Klemperer-Bruckner
    Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonies n° 4-9, (New) Philharmonia Orchestra, direction : Otto Klemperer, Enregistrements : Londres, 1960-1970
    6 CD EMI Classics 4 04296 2
    Otto Klemperer-Romantic Symphonies and Overtures
    Schubert : Symphonies n° 5, 8 et 9 ; Mendelssohn : Symphonies n° 3 et 4, les HĂ©brides, ouverture, le Songe d’une nuit d’étĂ© ; Schumann : Symphonies n° 1-4, Scènes de Faust, Genoveva, Manfred, ouvertures ; Weber : Le FreischĂĽtz, Euryanthe, ObĂ©ron, ouvertures ; Strauss : La Chauve-souris, ouverture, Kaiserwalzer, Wiener Blut ; Berlioz : Symphonie fantastique ; Franck : Symphonie en rĂ© mineur ; Dvořák : Symphonie n° 9 ; TchaĂŻkovski : Symphonies n° 4-6 ; (New) Philharmonia Orchestra, direction : Otto Klemperer
    Enregistrements : Londres, 1960-1968
    10 CD EMI Classics 4 04309 2

    Après le centenaire Solti, le quarantième anniversaire de la disparition d’Otto Klemperer, salué lui aussi par une série de rééditions étalées sur plusieurs mois, groupées en coffrets thématiques. La première salve présente trois volumes consacrés à Beethoven, Bruckner, et à la musique romantique.

    Les 10 CD Beethoven permettent de retrouver la manière marmoréenne, lente mais antiromantique du vieux Kapellmeister, d’une rigueur hautaine et austère, sans la moindre faute de goût, à travers l’intégrale des symphonies de 1955-1957, que l’éditeur lissa rapidement avec des remakes stéréo de l’Héroïque, la Cinquième (1959) et la Septième Symphonie (1960), ainsi qu’une troisième version de cette dernière (1968).

    Plusieurs versions aussi de certaines ouvertures, ainsi que quelques compléments orchestraux pour ce Beethoven de granit, à l’occasion contemplatif – une Pastorale regardant loin à l’horizon –, d’une grandeur architecturale olympienne.



    Si ces gravures frappent par leur lenteur, les Bruckner (6 CD pour les Symphonies n° 4 à 9) étonnent par leur vélocité, leur caractère anguleux, aux antipodes des extases mystiques d’un Celibidache, et leur manière directe, leur absence d’atermoiements méritent vraiment d’être connues. Quant au coffret dévolu aux symphonies et ouvertures romantiques, il permet de retrouver Klemperer dans tout un panorama du XIXe siècle où triomphe son refus de la facilité.

    Partout, on reste stupéfait devant la qualité de l’Orchestre Philharmonia, notamment son merveilleux pupitre de bois, individualisé comme il n’est plus permis, avec ce hautbois délicieusement nasillard, cette flûte en bois miraculeuse – la fin des Hébrides, les deux versions de Leonore III –, qui illuminent chaque partition avec un art de l’écoute mutuelle digne des grands chambristes.



    Au service d’une volonté d’objectivité teintée de grandeur, Klemperer lit les textes avec un maximum de clarté. Nombreux sont les grands moments dans ce coffret de 10 CD : une Grande Symphonie de Schubert d’une hauteur de vue imprenable, une Italienne et un Songe de Mendelssohn d’une magnifique lumière, chantant avec naturel, des Schumann trapus et sans effets, une Symphonie de Franck très allemande, superbement assise.

    D’autres interprétations sont sujettes à caution, comme ces Tchaïkovski droits dans leurs bottes, cette Nouveau Monde sans un sourire – mais quel phrasé dans l’énoncé du premier Allegro, cor et bois en relais ! –, cette Symphonie fantastique en génial contresens, niant tout romantisme, se plaisant à faire grincer à tout va l’orchestration berliozienne.

    On déplorera enfin les limites d’une approche où souvent le handicap physique se ressent dans la battue des enregistrements les plus tardifs – une Écossaise de Mendelssohn très belle… jusqu’à une coda pachydermique, une Rhénane de Schumann à l’arrêt.

    À noter que les Brahms, qui avaient a priori leur place dans ce coffret romantique, feront l’objet d’une publication à part début 2013. Quoi qu’il en soit, une somme passionnante à redécouvrir. Joyeux Noël !



     

    Yannick MILLON
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