1/2 Finale Opéra
Mercredi 18 septembre – Théâtre
TchaĂŻkovski : La Dame de Pique (premier acte)
Orchestre national de Lorraine
Mercredi après-midi, dans la fosse du Théâtre jouxtant le Kursaal. Typique du Concours de Jeunes Chefs de Besançon, la demi-finale opéra est généralement l’épreuve du feu, tant des candidats excellents s’y sont effondrés par le passé. Passage autrefois obligé pour tout chef international, la fosse reste une discipline particulière, et notre époque de spécialisation y résiste souvent assez mal. Les précédentes éditions du Concours ont toujours réservé des surprises à cette phase de la compétition.
Le 53e CJCO ne dérogera pas à la règle. Pauvre Kai-Hsi Fan, qui patauge tant bien que mal dans le premier acte de la Dame de Pique ! La Taïwanaise paraît complètement dépassée, contrainte à filer en ignorant des montagnes de scories chez un orchestre qui donne l’impression de déchiffrer. Face à un Tomski qui ne décollera pas le nez de la partition, elle finit par demander, presque au désespoir : « Pouvez-vous m’attendre s’il vous plaît ? » Signe patent d’échec.
En parfait contraste, Szymon Makowski donne l’impression qu’il sait beaucoup plus où il va, et prodigue même à Pauline des conseils de type vocal (« pas d’une voix aussi abyssale »). On décèle chez le Polonais une vraie direction de théâtre et un balisage rythmique beaucoup plus net, mais on imagine que son corps tout crispé n’aide pas franchement les chanteurs à respirer avec aisance.
Huba Hollóköi insuffle une pulsation vitale et propose un vrai travail sur l’orage qui clôt le premier acte (la percussion, et notamment la grosse caisse), tout en ménageant des plages piano subito pour permettre à Hermann d’aller au bout de son invocation. De plus, le Hongrois joue très habilement de la contextualisation pour l’orchestre, précisant les données de l’argument sans jouer au musicologue ou à l’exégète, ce que les musiciens détestent le plus souvent.
Kiril Stankow instaure quant à lui un beau dialogue soliste-orchestre avec Pauline, et privilégie tout un panel de nuances afin que le plateau puisse respirer convenablement, des textures fines, presque impressionnistes (demande de jeu sul tasto aux cordes), avec notamment des flûtes vaporeuses à souhait. Profitant d’un instant où la couleur lui évoque « la sonorité mélancolique typique de Tchaïkovski », il fait beaucoup de compliments aux musiciens et se tire finalement très bien de cette épreuve périlleuse entre toutes.
Pour clore une après-midi riche en enseignements, Yao-Yu Wu se fait limpide d’un bout à l’autre, d’une battue éloquente, avec un récitatif impeccable de mise en place, et distille le juste climat en un accord, terminant sur un orage plein d’électricité. Il met notamment en valeur à l’orchestre une pléiade de détails jusqu’ici inaudibles, et même s’il ne s’attarde jamais sur le sens, et se contente d’un travail instrumental laissant un peu les chanteurs sur le bord de la route, il fait en sorte que l’orchestre ne trébuche plus sur les chausse-trappes de la partie d’orchestre.
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