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DOSSIERS |
29 mars 2024 |
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Les cadeaux de Noël 2013 d'Altamusica
Si comme nous, vous tenez mordicus à pouvoir continuer, ce Noël comme tous les précédents, à écouter de la musique sur support physique, vous serez sans doute intéressés par notre sélection CD, DVD et livres parmi les parutions 2013, qui vous aidera à couvrir vos proches de cadeaux non dématérialisés.
Joyeux Noël à toutes et à tous !
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L'art de la symphonieUn monument de granitLes cadeaux de Noël 2013 d'Altamusica[ Tous les dossiers ]
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Vénus au septième ciel
John Blow (1649-1708)
VĂ©nus et Adonis
CĂ©line Scheen (VĂ©nus)
Marc Mauillon (Adonis)
Grégoire Augustin (Cupidon)
Maîtrise de Caen
Les Musiciens du Paradis
direction : Bertrand Cuiller
mise en scène : Louise Moaty
scénographie : Adeline Caron
Ă©clairages : Christophe Naillet
captation : François-René Martin
1 DVD Alpha 703
C’est le premier opéra anglais. Écrite quelques années avant Didon et Énée de Purcell qu’elle a inspiré, cette brève partition de John Blow évoque les liens amoureux de la déesse de l’amour et du bel Adonis, blessé mortellement par un sanglier lors d’une chasse. Vénus et Adonis fut créé en 1683 devant le roi Charles II d’Angleterre dont la maîtresse interprétait le rôle de Vénus et leur fille celui de Cupidon.
Cette minuscule tragédie musicale a été montée en 2012 au Théâtre de Caen par le claveciniste et chef d’orchestre Bertrand Cuiller. Depuis, elle a fait le tour des théâtres hexagonaux en passant par l’Opéra Comique où elle fut acclamée pour son originalité et sa beauté. La vidéo qui en a été tirée restitue, par des gros plans sur de simples détails, l’esthétisme raffiné, le souffle poétique de la mise en scène de Louise Moaty.
Chaque scène à la grâce pastorale, aux personnages alanguis, est éclairée à la bougie dans des clairs-obscurs qui rappellent les tableaux de Georges de La Tour ou du Caravage. Un léger regret : le statisme des images suscite parfois une légère lassitude. Quant à la partition jouée par les dix-huit instrumentistes des Musiciens du Paradis, elle envoûte et nous hisse au septième ciel. Deux chanteurs, espoirs du baroque, tiennent les rôles principaux. La soprano belge Céline Scheen, à la voix lumineuse est la déesse de l’amour, et le baryton Marc Mauillon, somptueux Adonis, a été découvert dans le Jardin des voix de William Christie.
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Un Massenet poignant
Jules Massenet (1842-1912)
Thérèse
Nora Gubisch (Thérèse)
Charles Castronovo (Armand de Clerval)
Étienne Dupuis (André Thorel)
François Lis (Morel)
Yves Saelens (un officier)
Patrick Bolleire (un officier)
Chœur et Orchestre national de Montpellier Languedoc-Rousillon
direction : Alain Altinoglu.
Editiones Singulares (112 pages) + 1CD ES 1011
C’est une révélation par la force dramatique, la concision, l’intensité, l’alternance de scènes révolutionnaires et de huis clos sentimentaux. Thérèse de Massenet est un opéra délaissé de l’auteur des célèbres Manon et Werther. Il a fallu le Festival de Radio France et Montpellier pour lui donner un regain de faveur. L’enregistrement de ce spectacle, le 21 juillet 2012 au Corum de Montpellier, fait l’objet d’un disque-livre particulièrement soigné. Il est dû à la collaboration entre Radio France et le Palazzetto Bru-Zane, Centre de musique romantique française à Venise.
L’action de ce petit opéra d’une heure est poignante, située à Paris pendant la Terreur. Thérèse est tiraillée entre deux hommes, son amant Armand de Clerval qui lui offre la possibilité de fuir les révolutionnaires et son époux André Thorel qui sera guillotiné en même temps que d’autres députés girondins. Thérèse choisit de suivre son mari au moment où il monte à l’échafaud. Le devoir conjugal plutôt que la fuite amoureuse : entre duos (admirable au II quand elle décide de quitter son amant), déclamation (au moment où elle perd sa voix en montant l’échafaud), parlé-chanté, Thérèse est une héroïne tragique qui place cet opéra parmi les grandes pièces de la scène lyrique internationale.
La distribution est impeccable : une diction sans faute, une sensualité vocale délicate et poétique. La direction élégante d’Alain Altinoglu souligne le romantisme mais plus encore le vérisme naissant de la partition. Le chef français apparaît désormais comme l’un des meilleurs défenseurs de notre patrimoine lyrique. Nora Gubisch (Thérèse) est touchante de sensibilité. Quant au ténor américain, Charles Castronovo (Armand) avec sa diction et son style, il en remontrerait à bien des chanteurs français.
Le livre-disque est abondamment illustré et comporte plusieurs contributions. L’une du directeur du Palazzetto Bru-Zane à Venise, Alexandre Dratwicki, évoque le naturalisme musical. Elle est suivie de la critique que Gabriel Fauré écrivit dans le Figaro du 8 février 1911 à l’issue de la première représentation de l’œuvre à Monte-Carlo : « Thérèse fait jaillir bien des mélodies enveloppantes, bien des élans de tendresse passionnée, bien des accents nobles et pathétiques, bien des épisodes charmants qui tous s’écoulent, abondants et faciles, de cette source où Massenet a tant de fois puisé sans qu’elle se tarisse jamais ».
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Dans les méandres de Babylone
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Belshazzar
Allan Clayton (Belshazzar)
Rosemary Joshua (Nitocris)
Sarah Connolly (Cyrus)
Iestyn Davies (Daniel)
Les Arts Florissants
direction : William Christie
3 CD Les Arts Florissants Éditions AF001
Face à la mévente des disques, William Christie et sa formation répliquent en lançant leurs propres éditions discographiques. Le premier titre est l’un des plus flamboyants oratorios de Georg Friedrich Haendel et l’un des moins enregistrés, Belshazzar, écrit en 1744 par un compositeur sexagénaire. Cette fresque biblique est d’une intensité implacable. Elle narre l’histoire de Balthazar, dernier roi de Babylone dont l’Ancien Testament, dans le livre du prophète Daniel, évoque les péripéties. L’effondrement de Babylone est pour Haendel l’occasion d’une réflexion sur la fragilité des empires.
La richesse et le raffinement musical sont portés autant par les chœurs que par les solistes : la vertueuse Nitocris, mère de Belshazzar, est interprétée avec une émotion bouleversante par la soprano anglaise Rosemary Joshua. Quant à Belshazzar, c’est un monstre de fougue, d’arrogance et d’orgueil servi par le ténor Allan Clayton. Un souffle mystique traverse cette œuvre épique rare où l’on reconnaît le chic de Bill Christie aussi bien dans le fond que dans la forme.
Ainsi la pochette, au graphisme et au design élégants, rompt avec les CD habituels. Également passionné par le dialogue entre les arts, le créateur des Arts Flo souhaite accompagner chaque enregistrement d’un texte inédit d’un écrivain. Jean Echenoz, auteur d’un remarquable livre sur Ravel, entraîne ici le lecteur dans les méandres de la mythique Babylone.
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Honni soit qui mal y pense !
Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Phaéton
Emiliano Gonzales-Toro (Phaéton)
Ingrid Perruche (Clymène)
Isabelle Druet (Théone / Astrée)
Gaëlle Arquez (Libye)
Andrew Foster-Williams (Épaphus)
Frédéric Caton (Mérops / Automne / Jupiter)
Benoît Arnould (Protée / Saturne)
Cyril Auvity (Triton / le Soleil)
Virginie Thomas (Une heure)
Chœur de Namur
Les Talents Lyriques
direction : Christophe Rousset
2 CD Aparté AP061
Quel arrogant, ce Phaéton ! Qui mieux que Jean-Baptiste Lully pouvait invectiver le prétentieux jeune homme, bellâtre ambitieux, fils du Soleil, qui obtient de son père de diriger le quadrige dispensant la chaleur et la lumière. Dès que Phaéton prend les rênes, les célestes coursiers se cabrent, le char dévie sa course, menace de mettre le feu à la planète terre. Phaéton est éjecté du char et foudroyé par Jupiter, il s’abîme dans l’espace.
Le message à la cour du Roi soleil est clair : les orgueilleux, les ambitieux, tous ceux qui voudraient rivaliser avec le monarque, comme le surintendant Nicolas Fouquet dans son admirable château de Vaux-le-Vicomte, seront punis. Libre à chacun de chercher là une actualité contemporaine.
Avec Phaéton, Christophe Rousset et son orchestre les Talents Lyriques poursuit son cycle des opéras rares de Lully et de son librettiste Philippe Quinault. La magie de la partition tient à des scènes grandioses et fulgurantes. La tragédie lyrique parait à son apogée avec la chute du char du soleil. L’intrigue amoureuse, les relations difficiles entre un père (Apollon) et son fils, une mère (Clymène) et son rejeton sont attachantes, modernes et atteignent souvent au pathétique. Christophe Rousset sublime tout cela même si parfois le maniérisme des interprètes pollue la vision d’ensemble.
Ce que l’on aime ? C’est un enregistrement sur le vif, avec quelques dérapages. Ils nous rappellent qu’avant d’être un produit de consommation, le disque se rapproche du concert et restitue les palpitations de la musique vivante. Parmi les interprètes, le ténor chilien installé en Suisse Emiliano Gonzales Toro se révèle un Phaéton passionnant, même si l’Apollon de Cyril Auvity fait chavirer les cœurs. À ses côtés, Isabelle Druet (Théone) et Ingrid Perruche (Clymène).
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Un traité des passions
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Das wohltemperierte Klavier, livre II
Christophe Rousset, clavecin
2 CD Aparté 070
Christophe Rousset est sur tous les fronts en cette fin d’année. À la tête de sa formation les Talents lyriques, il vient de donner à l’Opéra royal de Versailles une splendide version des Danaïdes de Salieri qu’il a également enregistré. Dans le même temps, il publie deux disques, Phaéton de Lully et le second livre du Clavier bien tempéré de Bach.
Chef et claveciniste, Rousset mène les deux activités de pair, l’une enrichissant l’autre. Le deuxième livre du Clavier bien tempéré est un sommet de la musique, un Everest. En tous les cas, son importance est fondamentale dans l’univers instrumental. Comme le premier livre, vingt ans après, dans les années 1739 à 1744, Bach rassemble à nouveau vingt-quatre préludes et fugues dans tous les tons. C’est son testament spirituel.
C’est à la manière de Descartes son Traité des passions de l’âme en musique. Mais ces pièces toutes plus périlleuses les unes que les autres, d’une complexité parfois extravagante, exploitent toutes les possibilités du clavecin alors à son apogée technique. « Humaniser une musique aussi exigeante n’est pas une mince affaire », écrit-il dans le livret qui accompagne les 2 CD, ajoutant un peu plus loin : « Il s’agit pour l’interprète de trouver son chemin propre dans ce sentier escarpé au milieu d’une forêt aussi touffue qu’enchantée ». Il l’a trouvé en suivant chaque inflexion avec élégance, virtuosité, affect et expressivité, allant de l’héroïsme (ré majeur) au pathétique (sol mineur) en passant par la mélancolie (si mineur).
Christophe Rousset a enregistré ces pièces en juin dernier sur un clavecin Ruckers, construit à Anvers en 1628 et conservé depuis 1946 dans les appartements du Dauphin, au château de Versailles.
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Un jeune homme de 91 ans
Ivry Gitlis - Portrait
Paganini, Saint-SaĂ«ns, Wieniawski, Berg, Brahms, Debussy, Kreisler, Dvořák…
5 CD Decca Classics
Voici cinq CD en forme de Coup de cœur, qui dressent le portrait de l’un des plus célèbres violonistes de notre temps, Ivry Gitlis. Silhouette qu’il s’attache à tenir la plus droite possible, couronne de cheveux blancs, regard pétillant et sourire éternel : tous les assidus des concerts parisiens connaissent ce jeune homme de 91 ans qui vient, le plus souvent possible dans les salles, écouter avec bienveillance et curiosité toutes les musiques. La grande, la sienne, mais aussi celle des autres. Jadis, on l’a même vu aux côtés des Rolling Stones !
Gitlis est l’un des grands violonistes de notre époque, comme on le redécouvre au fil des cinq CD qui dessinent son portrait. Né en 1922 à Haïfa, en Israël, de parents d’origine ukrainienne, c’est essentiellement au Conservatoire de Paris qu’il a fait ses classes avant de s’installer définitivement dans la capitale française.
Des disques, il en a gravé beaucoup, mais moins que beaucoup de ses confrères, préférant la musique vivante des concerts. « Donner des concerts, c’est respirer », aime-t-il répéter. Cette respiration, son appétit de vivre, on les sent dans ses enregistrements, que ce soit dans les vertigineux Caprices de Paganini, dans les concertos de Saint-Saëns, de Brahms ou de Berg pour lequel il obtint le Grand Prix du disque. Sous sa virtuosité fascinante, l’essentiel apparaît : la chaleur d’un humanisme sans faille.
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