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DOSSIERS 02 mai 2024

Chostakovitch l'essentiel
© CD-ROM Chostakovitch

Quand Dimitri Chostakovitch s'est éteint en 1975, sa disparition est pratiquement passée inaperçue aux yeux d'un Occident qui ne voyait en lui qu'un compositeur officiel du régime soviétique. Il doit notamment à l'activisme de chefs comme Bernstein ou Karajan d'avoir gagné la place qu'il mérite : celle d'un compositeur essentiel de ce siècle.
 

Le 15/12/2000
Propos recueillis par Stéphane HAIK
 
  • Chostakovitch décodé
  • "Le Beethoven du XXe siècle" de Mikhail Rudy
  • Chostakovitch par Kirill Kondrachine
  • Chostakovitch par Kurt Sanderling
  • L'édition Chostakovitch de Chant du Monde
  • Chostakovitch par le Quatuor Borodine
  • D'autres indispensables
  • Chostakovitch en CD-ROM



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  • "Le Beethoven du XXe siècle" de Mikhail Rudy

    Interprète réputé de Szymanowski et de Janácek, le pianiste Mikhail Rudy est aussi un fin connaisseur de la musique de Chostakovitch, pour laquelle il éprouve une passion qui ne s'est jamais démentie. Altamusica lui a demandé de présenter celui qu'il considère comme le plus grand symphoniste du siècle.



    La mort de Chostakovitch, en 1975, coïncide à peu de choses près avec votre arrivée en Occident. Comment le jugeait-on de part et d'autre du rideau de fer ?


    Évidemment, Chostakovitch n'était pas perçu de la même manière à l'Ouest et à l'Est, mais depuis ces temps-là, les choses ont profondément changé, et la connaissance que l'on a de lui est aujourd'hui heureusement plus importante. Vous savez, en fait, c'est un peu comme la musique de Sibelius, à laquelle il a fallu laisser du temps pour qu'elle réussisse à s'imposer sans préjugés esthétiques, pourtant élevés en certitude à une certaine époque. Sans parler de celle de Mahler. Dans le cas de Chostakovitch, on peut dire que la césure entre l'Est et l'Ouest était très forte, bien plus qu'on l'a prétendu. Alors qu'il était un des jalons essentiels du patrimoine soviétique, en Occident, il effrayait terriblement : on pensait à tort que la compréhension de sa musique était quasiment impossible tant elle relevait d'un système de codification impénétrable. Pour la majorité des Occidentaux, Chostakovitch était alors le suppôt d'un environnement politique donné, le prisonnier d'un carcan esthétique imposé par le régime soviétique. Le public de l'Ouest n'avait pas encore saisi que cette musique-là était emplie de rictus ironiques, de pieds de nez au communisme ; en Union soviétique, les mélomanes avaient, eux, appris à déchiffrer le message d'authenticité qui se cachait derrière de trompeuses apparences.

     

    Pensez-vous que les témoignages de Rostropovitch ou de Kondrachine furent déterminants pour que Chostakovitch soit enfin reconnu en Occident ?

    Plus que le prosélytisme d'un Rostropovitch ou d'un Kondrachine en sa faveur, ce qui a compté, c'est la présence opportune sur le devant de la scène de grands interprètes occidentaux, depuis toujours passionnés par sa musique. Bernstein et Karajan, notamment, avaient compris les subtilités de ses Symphonies alors qu'ils n'étaient pas des rejetons de l'ex-Empire soviétique. C'est en pareille situation que l'on mesure souvent la grandeur d'un interprète. Pas besoin donc d'être Russe pour jouer la musique russe, Français pour jouer la musique française : l'intelligence et l'acuité face à un texte musical dépassent de loin les simples paramètres territoriaux.

     

    Il y a beaucoup d'idées reçues au sujet de Chostakovitch. Que diriez-vous à ceux qui continuent de le voir comme un grand moraliste ?

    Je pourrais leur répondre qu'ils passent alors devant l'essentiel de ce qu'est sa personnalité. Le caractériser ainsi, c'est avoir une vision fort réductrice, et ne pas voir qu'il est surtout un fantastique témoin de son temps : une seule seconde de l'une de ses Symphonies ou de l'un de ses Quatuors suffit à fixer une époque, à capter un climat, à circonscrire une ambiance politique. Toute sa production est une page autobiographique qu'il a écrite avec des notes.

     

    À l'occasion, cette année, du 25e anniversaire de sa mort, Le Monde de la Musique a titré : "Le Beethoven du XXe siècle". Ce parallèle vous semble-t-il d'une totale pertinence musicale ?

    Impossible de rêver plus juste comparaison. Oui, Chostakovitch est le pendant symphonique de Beethoven, au-delà du bon siècle qui les sépare. Ce qu'ils ont en commun ? Un sens inné du développement thématique, une manière de construire chaque cellule avec un soin quasi maniaque.

     

    Quant à la comparaison entre Chostakovitch et Prokofiev, l'autre grand Russe...

    Ils sont différents : Prokofiev était le génie mélodiste par excellence, Chostakovitch, un artisan soucieux de la construction globale appuyée d'une irrésistible pulsation rythmique. Cela dit, là aussi, évitons les clichés : je ne connais guère de plus beaux passages mélodiques que le 2e mouvement du 2e Concerto pour piano de Chostakovitch !

     

    À propos de Chostakovitch, le musicologue Ivan Sollertinski a écrit : " Son style, c'est du Dostoïevski transcrit dans le langage de Chaplin. " Êtes-vous choqué par cette comparaison ?

    Cette phrase illustre bien une chose : on a écrit tout et n'importe quoi sur Chostakovitch. Passons sur " la transcription dans le langage de Chaplin ", car là vraiment je ne peux penser qu'une telle analyse puisse sortir de la bouche d'un musicologue sérieux, et revenons sur " le style, c'est du Dostoïevski ", bien que ne trouvant pas plus cette réflexion particulièrement judicieuse : s'il s'agissait absolument de trouver des correspondances entre Chostakovitch et un grand écrivain russe, c'est plus avec Tolstoï qu'il faudrait les établir, car, en effet, ils ont en commun ce goût de l'épique, dimension qui a fortement contribué à forger leur réputation. Et puis, puisque l'on se plaît, en général, à comparer Chostakovitch à d'autres, autant aussi s'intéresser aux ponts possibles avec Mahler : l'un et l'autre ont su développer de fantastiques cathédrales sonores, mais Mahler avait une dose de narcissisme bien plus grande que Chostakovitch.
    Le jour viendra bientôt où toutes ces comparaisons n'auront guère plus de sens. Car Chostakovitch est un monument unique dans l'histoire du XXe siècle.

     

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