Chostakovitch par Kurt Sanderling et l'Orchestre symphonique de Berlin
1er, 5e, 6e, 8e, 10e et 15e Symphonies
Orchestre symphonique de Berlin – direction : Kurt Sanderling
Coffret Berlin Classics 90009 (6 CD) (distribution Naïve)
La conception de Sanderling est aux antipodes de la vision apocalyptique de Kondrachine et se rapproche en de nombreux points de celle de Mravinsky, plus intériorisée que jamais, évitant soigneusement le caractère monumental de Kondrachine.
Mais à la différence notoire de Mravinsky, dont il fut le fidèle lieutenant pendant deux décennies à la Philharmonie de Leningrad, Sanderling aime polir les traits à l'extrême, privilégie les tempi lents, se plaît à étirer les phrases, comme pour mieux éclairer la lente et indicible progression d'un drame à taille humaine.
On peut aimer cette démarche d'une incroyable logique interne, unitaire et quasiment monolithique, débarrassée de toute lourdeur intempestive, où la polyphonie apparaît dans une parfaite clarté ; on peut aussi apprécier la tension latente que Sanderling y imprime, la douleur qui sourd parfois du tréfonds de la masse orchestrale, le climat d'angoisse retenu qui sous-tend chacune de ses symphonies.
Ces versions sont-elles pour autant recommandables ? Oui, si le Chostakovitch de Mravinsky et de Kondrachine vous est familier: on ne peut alors rêver meilleur contrepoids à deux approches qui, si elles ne se ressemblent pas, illustrent une approche "officielle" du compositeur, basée sur le gigantisme de la forme, sur fond de détresse collective.
Le Chostakovitch de Sanderling, lui, est personnel, "décanté" et introspectif à la fois, empli de nombreux instants de méditation. Forcément, cette démarche ne plaira pas à tout le monde, et les néophytes pourraient se sentir perdus devant une telle cérébralité.
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