altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




DOSSIERS 29 avril 2024

Lumière sur la création contemporaine

À l'heure où Iannis Xenakis, l'un des compositeurs marquants du XXe siècle, tire sa révérence, Altamusica a choisi d'entamer un état des lieux de la création musicale contemporaine pour faire écho à l'ouverture du festival "Présences" de Radio France. Ce dossier sera enrichi régulièrement de nouveaux entretiens.
Aujourd'hui : Hugues Dufourt


 

Le 05/02/2001

  • Prométhée musicien
  • Emmanuel Nunes, un mystique du son
  • Thierry Blondeau, compositeur par la face nord
  • Cinq questions à Enrico Corregia
  • Cinq questions à Jean-Marie Machado
  • Hugues Dufourt, un symphoniste du XXe siècle.
  • Tan Dun, chaman des temps actuels



  • Les 3 derniers dossiers

  • L'art de la symphonie

  • Un monument de granit

  • Les cadeaux de Noël 2013 d'Altamusica

    [ Tous les dossiers ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)



  • Thierry Blondeau, compositeur par la face nord

    Il écoutait Webern et Boulez à l'âge où d'autres dansaient sur la musique Disco. Aujourd'hui, si ses horizons se sont considérablement élargis, Thierry Blondeau reste un compositeur intransigeant refusant toutes compromissions sur son art. Rencontre avec un jeune quadra lucide.

    ©Eric



    Dans cet état des lieux que dresse depuis 10 ans le Festival "Présences", Alain Moëne, responsable de la programmation, note "la revendication des compositeurs d'évoluer vers une esthétique du plaisir et de la séduction, d'oser l'expressivité lyrique, sans renoncer à la clarté et à la fermeté de la structure". Je serais tentée de dire : enfin !


    Oui, enfin ! Qui serait contre ? Mais c'est une déclaration qui recouvre des réalités très différentes. Pour moi, le plaisir n'est pas un programme. Et puis je relève le mot "oser". Pourquoi serait-ce osé ? En matière de musique contemporaine, il n'y a pas de censure réelle. Elle ne progresse pas sur des rails théoriquement mis en place par des contrats de marché ou de public. Ce qui est dit de manière indirecte, c'est qu'il est temps de combattre l'idée reçue d'une musique très laide et de se convaincre qu'elle peut être belle et agréable. Quant à la séduction, elle serait plutôt du côté des organisateurs qui souhaitent attirer le grand public, soutenus par certains compositeurs en quête de reconnaissance plus vive que d'autres.

    Le plaisir n'est pas un tiroir qu'on ouvre avec des affects et des mécanismes émotionnels préfabriqués, dont on sait à coup sûr qu'ils vont créer tel type d'affects. Le plaisir est d'un autre ordre. Il est dans la qualité des rapports humains et musicaux entre une musique que l'on entend en soi et qui va se construire, que les affects soient positifs ou négatifs, que la musique soit faite de tension ou de détente. La musique sérielle, qui rejetait farouchement tout esthétisme, a créé des émotions que nulle autre avant elle n'avait pu libérer, sans jamais revendiquer de l'émotionnel.

     

    Admettons que le but final de la musique soit de séduire. Elle peut y parvenir par des voies contraires aux codes soi-disant établis, ouvrir des enfers que d'autres diront être des paradis.

    Oui. Et je tiens beaucoup à cette idée de laisser au public un spectre de liberté immense, qui peut aller du simple rejet à la transe. Ce qui importe, c'est que la musique joue le rôle de révélateur. Sinon, il faut réviser sa copie.

     

    Ce qui pose au passage la question du statut du musicien aujourd'hui dans la cité, face au problème d'ordre inévitablement politique, de la production et de la diffusion des oeuvres.

    Prenons l'exemple du Festival. On sait que l'on écrit pour "Présences" des pièces qui auront une destination précise. Qu'elles soient confortablement installées dans une culture musicale acquise, ou plus fragiles parce qu'appartenant à des univers peu explorés, ou non encore maîtrisés, elles devront, pour accéder à un festival marathon de ce type, limiter les contraintes techniques (dispositif spatial ou électroacoustique), susceptibles de tourner ou de voyager. Ce qui crée un style de rapport particulièrement ambigu entre le compositeur et l'auditeur.

     

    On pourrait – un peu audacieusement – définir ainsi le paysage musical de la création contemporaine d'aujourd'hui : autant de compositeurs, autant d'écoles. Comme si il y avait eu un travail d'affranchissement très volontariste des courants dominants du siècle passé, et de l'histoire de la musique en général. Comment ressentez-vous cette situation ?

    C'est vrai que personnellement, j'ai pris beaucoup de distance par rapport à l'histoire de la musique. Dans leurs années de formation, les compositeurs sont confrontés à ce qu'il y a de plus prestigieux. Et s'ils sont bien sages, on leur permet un jour de prendre un crayon et de composer. Avec cette angoisse terrible : "maintenant, c'est à moi d'écrire un chef-d'oeuvre". C'est complètement annihilant ! Ce que je veux, c'est produire une musique que j'aimerais entendre et qui n'existe pas encore, aller vers quelque chose qui est de l'ordre de l'intimité extrême, qui va au-delà de l'abstraction avant et après ?

    Je veux qu'il y ait une vraie fusion entre ma musique et ce que je vis socialement. Enfin, la musique n'est tout de même pas exclue de la vie ! C'est souvent frustrant, car on n'aboutit jamais à ça. Sinon, on cesserait d'écrire. Et puis, il faut oublier ce qui touche à la pérennité des oeuvres : est-ce que ce que j'écris va rester ou non ? Une idée dangereuse qui occulte l'importance de la réception d'une oeuvre au moment où elle est conçue et communiquée à ses contemporains. C'est une attitude très libératrice pour moi. Et je ne suis pas le seul. La génération des 35/4O ans qui me suit, est très attachée à l'improvisation, mais avec un acquit de musique écrite très élevé, et aux conditions dans lesquelles elle va être donnée à entendre.

     

    Ce travail d'amnésie partielle que vous revendiquez face à l'histoire, vous le demandez aussi à l'auditeur, en lui proposant une musique qui n'aurait pas de références, pas d'histoire, et qui peut ne pas avoir de destin.

    La question est là : comment faire admettre aux autres sa propre création, lorsque l'on est à ce point individualiste. Mais il faut pourtant avoir l'honnêteté de ne pas s'inscrire dans un regard extérieur, et se libérer à tout prix de cette obsession. Il faut être d'une impudeur totale ! Moi je veux écrire pour une situation donnée, avec un public directement concerné par le lieu du concert que j'ai choisi, sans rituel préétabli, dans l'environnement précis qui est le sien, où l'écoute serait plus exigeante, l'oreille plus affinée, l'auditeur concentré sur la musique, habité par elle. Une fonction "écologique" de la musique. Que le public soit nombreux ou pas me laisse indifférent. C'est sans doute pourquoi je fais de la musique contemporaine.

    Discographie :

    Ein und Aus - Ici et là I - Vis-à-vis - Plötzlich - Ici et la II - Ups and Downs Ensemble Court-Circuit - Direction : Pierre-André Valade
    Compagnie Zigzag - Armand Angster (MFA - Radio-France - Hamonia Mundi)

     

    Françoise MALETTRA
  • Prométhée musicien
  • Emmanuel Nunes, un mystique du son
  • Thierry Blondeau, compositeur par la face nord
  • Cinq questions à Enrico Corregia
  • Cinq questions à Jean-Marie Machado
  • Hugues Dufourt, un symphoniste du XXe siècle.
  • Tan Dun, chaman des temps actuels
  •  


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com