Apollon et Hyacinthus – Die Schuldigkeit des Ersten Gebots
On ne pouvait imaginer spectacles plus contrastés que ces Apollon et Schuldigkeit donnés dans la même soirée dans la grande salle de l'Université où ils virent le jour, et pourtant confiés tous deux au même régisseur, l'Américain John Dew. Apollon et Hyacinthe, intermède en latin commandé par l'archevêque von Schrattenbach – le gentil – à un Mozart de 11 ans, se voit paré d'une mise en scène dans le plus pur esprit baroque, reconstitué avec costumes inspirés de ceux de la création, machinerie à produire du merveilleux et gestuelle réappropriée. Un travail très professionnel et plein de charme, qu'on a rarement l'occasion de goûter à notre époque. D'une distribution un peu inégale tirent leur épingle du jeu la ravissante Melia de Christiane Karg et l'Oebalde de Maximilian Kiener, loin de toute orthodoxie vocale, quelque part entre Kurt Equiluz et Ian Bostridge, mais toujours expressif et délicat.
Quelques semaines avant Apollon, Mozart avait reçu commande du Devoir du Premier Commandement, première partie d'un Singspiel sacré dont les deux volets suivants avaient été confiés à Michael Haydn et Anton Adlgasser. À l'inverse de la stylisation baroque d'Apollon, John Dew a cette fois envisagé cet « oratorio scénique » sous l'angle comique, à la manière des farces théologiques en langue vernaculaire, mais en évitant toujours soigneusement de verser dans le mauvais goût de la majorité des pièces du genre. La Justice est ici saint Pierre, la Miséricorde la vierge Marie, le Chrétien un chrétien lambda, forcément un peu paresseux, l'Esprit du Christ un moine un peu naïf, plein de bonne volonté, et l'Esprit du monde un démon qui tente de pervertir le Chrétien.
Les situations ne manquent pas de piquant, et atténuent un peu le manichéisme du sujet. Il n'est d'ailleurs pas inintéressant de constater qu'au point où s'arrête l'oeuvre de Mozart, le Chrétien est passé du côté des forces sataniques, et c'est tout naturellement qu'un démon vient déloger le chef d'orchestre de son podium pour annoncer la fin de la représentation. Du plateau, plus homogène que celui d'Apollon, ressortent l'Esprit du Christ toujours aussi gracieux de Bernhard Berchtold, le Chrétien presque aussi bien chantant de Peter Sonn, et toujours l'Esprit du monde de Christiane Karg.
Dans les deux ouvrages, Josef Wallnig mène avec une belle variété de climats et une battue toujours souple un Orchestre de l'Université du Mozarteum bien sonnant et enthousiaste, formation d'étudiants d'un niveau tout à fait inexistant chez nous.
Yannick MILLON
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Apollo et Hyacinthus, intermède latin en trois actes, K. 38 (1767)
Maximilian Kiener (Oebaldus)
Christiane Karg (Melia)
Jekaterina Tretjakova (Hyacinthus)
Anja Schlosser (Apollon)
Astrid Monika Hofer (Zéphyr)
Norbert Steidl (un prêtre)
Die Schuldigkeit des Ersten Gebots, première partie d'un drame sacré, K. 35 (1767)
Michiko Watanabe (La Justice)
Cordula Schuster (La Miséricorde)
Christiane Karg (L'Esprit du monde)
Bernhard Berchtold (L'Esprit du Christ)
Peter Sonn (Le Chrétien)
Sinfonieorchester der Universität Mozarteum
direction : Josef Wallnig
mise en scène : John Dew
décors : Heinz Balthes
costumes : José-Manuel Vásquez
Enregistrement : Salzburg, Große Universitätsaula, 24-28/08/2006
2DVD Deutsche Grammophon « Mozart 22 » 073 4253
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