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DOSSIERS |
29 mars 2024 |
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Amoureusement concocté
André Tubeuf
Dictionnaire amoureux de la musique
Ăditions Plon, 693 pages
Un gros livre pour commencer. La prestigieuse collection des Dictionnaires amoureux sâest enrichie dâun titre avec celui de la Musique, amoureusement concoctĂ© par AndrĂ© Tubeuf. Ă juste titre cĂ©lĂšbre et prestigieuse, cette collection a pour rĂšgle le libre choix de ses entrĂ©es selon les goĂ»ts et conviction de lâauteur. Elle donne Ă la fois un point vue singulier sur un sujet et par lĂ -mĂȘme en dit long sur celui qui choisit. AcadĂ©miciens, politiciens, ministres, stars des mĂ©dias, des fourneaux, du spectacle y voisinent.
Lâauteur est bien connu des passionnĂ©s de musique qui peuvent lire dans le Point et dans ce que la presse musicale compte ou a comptĂ© comme titres sĂ©rieux, ses articles, commentaires, comptes rendus et critiques de spectacles, rĂ©citals, concerts, festivals, depuis les annĂ©es 1970.
Quelques ouvrages musicaux consacrĂ©s Ă des interprĂštes (Claudio Arrau, Dinu Lipatti, Elisabeth Schwarzkopf), compositeurs (Richard Strauss, Verdi, Wagner, Mozart, Beethoven), genres (la voix, le Lied, les Ballets Russes) ainsi que deux romans ont Ă©tĂ© publiĂ©s durant ces trente derniĂšres annĂ©es, auxquels sâest ajoutĂ© rĂ©cemment lâOffrande musicale, dans la collection Bouquins, qui regroupe la plus grande partie de ses articles et chroniques.
La musique y est certes traitĂ©e selon le principe du dictionnaire avec, dâAlbĂ©niz Ă Zemlinsky, ses entrĂ©es bien alphabĂ©tiquement alignĂ©es. Mais que lâon nâaille pas y chercher des biographies fourmillant de dates et pointilleuses sur les numĂ©ros dâopus. Il sâagit plutĂŽt de donner des pistes au lecteur (et auditeur potentiel) de ces articles qui ne traitent pas que des musiciens mais aussi dâĂ©crivains impliquĂ©s, dâinterprĂštes qui ont marquĂ© la transmission de la musique, de dĂ©finitions souvent indĂ©finissables Ă la maniĂšre habituelle des Histoires de la musique et autres traitĂ©s savants.
De lui ouvrir lâoreille et le goĂ»t au moyen dâun vĂ©cu, dâun entendu dont lâexpĂ©rience autodidacte remonte Ă une soixantaine dâannĂ©es et dâune rĂ©flexion qui dĂ©passe, ou plutĂŽt ne passe pas par les moyens de la stricte analyse musicale. Et si comprendre, câest entendre mieux, mission accomplie !
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Un tel artiste
Alfred Cortot
Anniversary Edition
Ćuvres dâAlbeniz, Bach, Beethoven, Brahms, Chausson, Chopin, Couperin, Debussy ; FaurĂ©, Franck, Haendel, Haydn, Liszt, Mendelssohn, Purcell, Ravel, Saint-SaĂ«ns, Schubert, Schumann, Scriabine, Weber
Enregistrements 1919-1959
Livret de 80 pages abondamment illustré
40 CD EMI Classics 5099 704907 2 5
La quasi intĂ©grale des enregistrements du pianiste français Alfred Cortot que publie EMI pour fĂȘter le cinquantenaire de sa mort est certes un beau cadeau, nĂ©anmoins Ă ne pas offrir Ă nâimporte qui !
Il faut ĂȘtre fanatique de piano et de lâhistoire de lâinterprĂ©tation et ĂȘtre prĂȘt Ă entendre un certain nombre de fois, dans des prises Ă©talĂ©es sur quarante ans pour lâĂ©diteur His Masterâs Voice, des Ćuvres phares de cet interprĂšte telles la DeuxiĂšme Sonate de Chopin, ses Quatre Ballades, ses PrĂ©ludes et Ătudes, sa Tarentelle, le Childrenâs Corner et les PrĂ©ludes de Debussy, les Papillons de Schumann, lâĂ©tude La leggierezza de Liszt, le concerto de Schumann, les Variations symphoniques de Franck, bref son rĂ©pertoire de prĂ©dilection.
Alfred Cortot (1877- 1962) a menĂ© une brillante carriĂšre de soliste et encore plus de pĂ©dagogue avant de se tourner vers la direction dâorchestre. Il a fondĂ© en 1919 Ă Paris lâĂcole normale de musique et nâa jamais cessĂ© dâenregistrer depuis lâĂ©poque des rouleaux et du 78 tours jusquâĂ lâenregistrement acoustique. Quasiment tous les pianistes qui lui ont succĂ©dĂ© tombent dâaccord sur le fait quâil est pour eux le plus bel exemple. Seule ombre au tableau, son passĂ© politique pendant la triste pĂ©riode de lâOccupationâŠ
De toutes les Ă©tapes de cet abondant coffret, si les prises du dĂ©but sont justes acceptables pour le son (les rouleaux ont Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s de la sĂ©lection), dĂšs 1926, cela devient bien meilleur et carrĂ©ment correct Ă partir de 1930. Le travail de remastering effectuĂ© sur ce plan a Ă©tĂ© exemplaire, dâautant quâil a Ă©tĂ© supervisĂ© par Guthrie Luke, ancien disciple de Cortot et tĂ©moin de nombreuses sĂ©ances dâenregistrements Ă lâĂ©poque.
De ces quarante CD, on connaissait dĂ©jĂ un bon nombre dâenregistrements publiĂ©s surtout en microsillons (la collection les Introuvables nous avait rĂ©vĂ©lĂ© les Brandebourgeois de Bach et la musique de chambre avec Thibaud et Casals ainsi que Cortot accompagnateur de Maggie Teyte). De nombreux inĂ©dits viennent sây ajouter, notamment des piĂšces de Schumann, des Chopin et surtout une myriade de petites piĂšces dâAlbĂ©niz, FaurĂ©, Mendelssohn et Franck.
Ă la fin des annĂ©es 1950, un projet dâintĂ©grale de sonates de Beethoven nâavait pas abouti. Ici est restituĂ© tout ce qui avait Ă©tĂ© enregistrĂ© quitte Ă complĂ©ter en cas dâinachĂšvement pour quelques sonates (les Adieux, Appassionata) par des extraits de leçons dâinterprĂ©tation avec exemples au piano. Un discours en hommage Ă son Ă©lĂšve Dinu Lipatti figure aussi au nombre des nouveautĂ©s.
On peut se perdre dans ce monument parmi toutes les redites qui ne constituent en fait quâune Ă©volution dans son art de lâinterprĂ©tation. Choix personnel : les PrĂ©ludes de Debussy de 1930 et la Sonatine de Ravel de 1931 (CD 9), le formidable Carnaval et les Ătudes symphoniques de Schumann de 1928 (CD 7), lâĂ©poustouflante TroisiĂšme Sonate de Chopin et ses PrĂ©ludes (CD 11), le Concerto brandebourgeois n° 5 de 1932 que Cortot dirige du piano et oĂč il se lance dans une Ă©bouriffante cadence (CD 36).
Mais comment ne pas sâextasier devant le naturel, la sonoritĂ© magnifique, le phrasĂ© quasi improvisĂ©, lâinstinct musical infaillible et la dimension intellectuelle et spirituelle dâun tel artiste ?
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La Voix des rĂȘves
Philippe Jaroussky
La Voix des rĂȘves
2 CD Virgin Classics 50999 972894 2 5
1 DVD Virgin Classics 50999 602665 9 0
TitrĂ©s de maniĂšre un peu racoleuse la Voix des rĂȘves, le double CD et le DVD consacrĂ©s par Virgin Classics Ă lâune des tĂȘtes de file de son catalogue, le contre-tĂ©nor français Philippe Jaroussky, sont des compilations de tous les moments exceptionnels (ils sont nombreux) de presque dix ans dâune carriĂšre exemplaire. Quelques inĂ©dits parsĂšment ce glorieux parcours.
Ă trente-quatre ans, Jaroussky peut sâenorgueillir dâun beau dĂ©but de carriĂšre. Il ne le fait cependant pas, car câest la personne la plus simple et lucide que lâon peut croiser dans le paysage musical parisien. Ă lâĂ©coute de ce remarquable parcours, on ne peut quâadmirer la pertinence de ses choix autant dans le rĂ©pertoire que pour les partenaires dont il a su toujours bien sâentourer.
La cheville musicale est lâEnsemble Artaserse quâil a fondĂ© et dont il est le directeur musical. Les deux CD le montrent accompagnĂ© par bien dâautres ensembles et chefs : Emmanuelle HaĂŻm, Fabio Biondi, JĂ©rĂ©mie Rhorer, Jean TubĂ©ry, Christina Pluhar, Diego Fasolis, William Christie, et partenaires : Nurial Real, Max Emanuel Cencic, JĂ©rĂŽme Ducros qui presque tous rendent dans le livret un hommage appuyĂ© Ă ses qualitĂ©s autant artistiques quâhumaines.
Le copieux double CD Ă©voque absolument toutes les facettes du rĂ©pertoire abordĂ© par le contre-tĂ©nor, de celui des castrats (Porpora, Caldera, Bassani) de lâopĂ©ra (Vivaldi, Monteverdi, J.C. Bach, Haendel), lâoratorio et la musique religieuse (Monteverdi, Sances, Mattioli, FaurĂ©) et la mĂ©lodie (Purcell), ainsi que sa trĂšs particuliĂšre incursion dans la mĂ©lodie française (Hahn, Chaminade, Lekeu).
Et une autre incursion remarquable dans le domaine du tango (Los pĂĄjaros perdidos dâĂstor Piazzolla avec LâArpeggiata). Ces choix montrent un Ă©clectisme et un appĂ©tit de dĂ©couverte tout Ă fait singuliers. Les inĂ©dits sont dâun intĂ©rĂȘt majeur, son Ă©diteur lui ayant donnĂ© lâopportunitĂ© dâenregistrer en studio ce qui lui semblait manquer Ă ce palmarĂšs.
Cela nous vaut un merveilleux Music for a While de Purcell et un Laudate Dominum des Selve morale e spiruituale de Monteverdi ainsi que de Haendel lâindispensable Ombra mai fu de Serse et le virtuosissime Venti turbini de Rinaldo.
Avec le DVD, on pourra dĂ©couvrir au-delĂ des qualitĂ©s proprement musicales et virtuoses dâune voix qui, quoique limitĂ©e dans son volume, est capable des plus infimes nuances et inflexions pour rendre aux textes leur vĂ©ritĂ© musicale, un sens du thĂ©Ăątre innĂ© et une prĂ©sence scĂ©nique captivante. Le rĂ©pertoire du DVD reflĂšte bien le goĂ»t pour lâopĂ©ra et surtout pour le concert que Jaroussky pratique le plus.
Plusieurs grands moments dont les sĂ©quences avec le contralto Marie Nicole Lemieux scellent des rencontres artistiques exceptionnelles. La scĂšne Sento un certo non so che du Couronnement de PoppĂ©e quâils ont chantĂ©e ensemble Ă Baden-Baden en 2012 est un exemple parfait de cette complicitĂ© artistique unique.
On y retrouve, avec lâimage cette fois, les moments forts des CD notamment les mĂ©lodies françaises avec JĂ©rĂŽme Ducros filmĂ©es Ă Verbier en 2009, le tango de Piazzolla avec Christina Pluhar Ă Ambronnay en 2008, un poignant Lascia châio pianga de Rinaldo avec le Quatuor ĂbĂšne au TCE en 2010 et des rencontres non moins inattendues : Son nata a lagrimar de Giulio Cesare avec Anne Sofie von Otter et un splendide Io tâabbraccio de Rodelinda avec Nuria Real de 2008.
Ce trĂšs copieux parcours se termine avec des souvenirs de concerts plus Ă©clectiques comme lâhilarante interprĂ©tation Ă cinq voix du tube Le lion est mort ce soir importĂ© en France par Henri Salvador, avec les membres du Quatuor ĂbĂšne qui compte en la personne de Vincent Coq un Ă©tonnant crooner, le PrĂ©lude pour deux violons et piano (Jaroussky a commencĂ© la musique par lâĂ©tude du violon) avec rien moins que Renaud Capuçon et JĂ©rĂŽme Ducros, et lâĂlĂ©gie de Massenet accompagnĂ©e au violoncelle par Gautier Capuçon â tous filmĂ©s en 2010 au ThĂ©Ăątre des Champs-ĂlysĂ©es.
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Claviers inégalement tempérés
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Le Clavier bien tempéré, livre II
Enregistrement studio, 1973
Sviatoslav Richter, piano
2 CD Melodiya MEL CD 10 02030
Le Clavier bien tempéré, livres I et II
AndrĂĄs Schiff, piano
Enregistrement : Lugano, 2011
4 CD ECM New Series 2270-73 476 4827
Relative déception ! Il y a un an Melodya publiait un Premier livre du Clavier bien tempéré de Bach par Sviatoslav Richter, un inédit absolu enregistré en public dans la Grande Salle du Conservatoire de Moscou le 20 avril 1969. Ce document apporte par rapport à son monumental mais parfois glaçant enregistrement de studio une vie, un entrain, une variété, une dynamique absolument stupéfiants.
On vit lâĂ©volution de la pensĂ©e musicale et intellectuelle de Bach dans ces douze prĂ©ludes et fugues Ă des sommets presque jamais atteints. Quelles espĂ©rances entretenait-on en apprenant par un entrefilet dans une revue que le Livre II allait bientĂŽt ĂȘtre Ă©ditĂ© par Melodiya !
Effectivement il lâest, dans une prĂ©sentation identique, mais PAS en public. En comparant et recoupant, on sâaperçoit quâil sâagit du Livre II de la version enregistrĂ©e en studio entre 1972 et 1973 au ChĂąteau de Klessheim (Salzbourg), coproduite par RCA et le Chant du Monde, remastĂ©risĂ©e certes, mais identique.
LâĂ©diteur date de 1973 ce qui fut en fait enregistrĂ© en plusieurs sessions Ă©talĂ©es sur 1972 et 1973. Le son est infiniment plus prĂ©sent que dans lâĂ©dition RCA, et si lâon retrouve lâart pianistique incomparable de Richter, on ne peut que faire la diffĂ©rence avec le Premier livre qui avait subit une telle mĂ©tamorphose dans sa version live par rapport Ă cette version de studio.
Le pianiste dâorigine hongroise AndrĂĄs Schiff est restĂ© fidĂšle, au disque comme au concert, au Bach de ses dĂ©buts comme en tĂ©moignent des enregistrements rĂ©Ă©ditĂ©s par Denon, lâĂ©diteur de ses dĂ©buts avant Decca pour qui il avait enregistrĂ© en 1987 les deux livres du Clavier bien tempĂ©rĂ©.
Vingt-cinq ans plus tard, câest pour lâĂ©diteur munichois ECM, Ă qui il a dĂ©jĂ donnĂ© les Six Partitas et les Variations Goldberg, quâil les grave Ă nouveau. PremiĂšre constatation, lâenregistrement du piano par ECM est bien meilleur, plus prĂ©sent et met bien mieux en relief que celui de Decca la particularitĂ© de la sonoritĂ© de Schiff, la rondeur du son, le moelleux et la prĂ©cision de ses attaques.
Pour lâinterprĂ©tation, câest Ă un bond spectaculaire que lâon assiste. Le Schiff de 1987 (on a pu lâentendre donner cette intĂ©grale en deux soirs Ă Pleyel Ă la mĂȘme Ă©poque) Ă©tait dâune frilositĂ© extrĂȘme par rapport au texte.
Un quart de siĂšcle plus tard et avec beaucoup dâexpĂ©riences de concerts consacrĂ©s Ă Bach, si la fidĂ©litĂ© au texte est toujours son souci principal, il joue avec une libertĂ©, une recherche sonore, une connaissance du style de tout lâĆuvre si bien assimilĂ©, qui en font un parcours passionnant, colorĂ©, un vĂ©ritable voyage que lâon Ă©coute de bout en bout captivĂ©. Câest probablement le meilleur enregistrement pianistique paru cette annĂ©e.
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Bach un jour, Bach toujours
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Variations Goldberg BWV 988
Partita n° 2
Suite anglaise n° 2
Grigory Sokolov, piano
Enregistrements publics, Grande Salle du Conservatoire de Leningrad
2 CD Melodiya MEL CD 10 02049
Toujours Bach, avec la parution la plus rĂ©cente de Melodiya, qui Ă©dite des Variations Goldberg par Grigory Sokolov enregistrĂ©es en public au Conservatoire de Leningrad le 27 fĂ©vrier 1982, complĂ©tĂ©es par la Partita n° 2 et la Suite anglaise n° 2 du mĂȘme lieu, respectivement en 1975 et 1989.
Ce pianiste russe qui sâest imposĂ© progressivement au public parisien au point que ses concerts annuels au ThĂ©Ăątre des Champs-ĂlysĂ©es sont parmi les plus courus de la saison, est capable de soulever lâenthousiasme le plus exacerbĂ© comme de laisser indiffĂ©rent, parfois au cours du mĂȘme concert.
Les Variations Goldberg sont jouĂ©es avec un grand parti pris de libertĂ© quasi romantique qui fait craindre au dĂ©but pour la structure de lâensemble. Puis le rythme sâinstalle peu Ă peu, mais il faut attendre les cinq derniĂšres pour retrouver le nerf de lâĆuvre. On prĂ©fĂ©rera dâautres interprĂ©tations plus Ă©quilibrĂ©es dont la discographie abonde.
La Partita n° 2 et la Suite anglaise n° 2 en revanche sont pleines de fantaisie improvisatrice, dâune sonoritĂ© Ă©quilibrĂ©e et maintiennent lâintĂ©rĂȘt constamment Ă©veillĂ©. Du grand Sokolov !
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Deux belles valent mieux quâune
Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
La Belle au bois dormant
The Royal Ballet
DVD Opus Arte OA 0995 D
Ballet du BolshoĂŻ de Moscou
DVD Bel Air Classiques BACO78
Deux versions de la Belle au bois dormant, ballet de Marius Petipa et TchaĂŻkovski, paraissent simultanĂ©ment sur DVD. Lâun du Royal Ballet de Londres dont la chorĂ©graphie est trĂšs rĂ©interprĂ©tĂ©e, lâautre plus orthodoxe par le Ballet du ThĂ©Ăątre BolshoĂŻ de Moscou avec la star du moment Svetlana Zakharova.
Trop de fĂ©es se sont penchĂ©es sur la chorĂ©graphie de la version londonienne qui date de 2006 Ă lâoccasion du soixante-quinziĂšme anniversaire de la compagnie. Au dĂ©part adaptĂ©e par Monica Masson et Christophe Newton dâaprĂšs la version de Ninette de Valois et Nicholas Sergeyev dans laquelle Margot Fonteyn sâĂ©tait illustrĂ©e, elle sâest vue complĂ©tĂ©e par des chorĂ©graphies additionnelles de Frederick Ashton, Anthony Dowell et Christopher Wheeldon (responsable dâune nouvelle Valse des guirlandes) soit les chorĂ©graphes de la gĂ©nĂ©ration suivante.
Le spectacle roule sans problĂšme avec de nombreuses variantes avec la structure de base de Petipa pour les grands numĂ©ros du ballet. Gros reproche, au contraire de la version Noureev Ă Paris, le Prince a vraiment peu Ă danser en dehors de ses pas de deux. Pour le Prologue et lâacte I, Oliver Messel dont on a refait les costumes originaux, sâen est donnĂ© Ă cĆur joie pour les couleurs bonbon anglais notamment pour les costumes des fĂ©es marraines. Les dĂ©cors sont assez jolis car ils Ă©voquent plus quâils nâimposent lâunivers du conte dâaprĂšs Grimm et Perrault.
FilmĂ©e Ă lâoccasion des prises de rĂŽles de la Roumaine Alina Cojocaru (technique solide et physique enfantin parfaitement appropriĂ©) et Federico Bonelli, deux Ătoiles trĂšs calibrĂ©es dansant parfaitement leurs parts mais sans grand Ă©clat ni charisme particulier, la distribution est impeccable et rĂ©serve mĂȘme de bonnes surprise comme le couple Florine-Oiseau bleu de Sarah Lamb et JosĂ© Martin.
Les deux Ă©pisodes de la FĂ©e Carabosse (dansĂ© par Genesia Rosato avec beaucoup de rĂ©alisme) bĂ©nĂ©ficient dâune mise en scĂšne trĂšs thĂ©Ăątrale et Ă effets. Lâorchestre du Royal Opera dirigĂ© par Valeriy Ovsyanikov a beaucoup de charme. Une version qui pourrait ĂȘtre trĂšs satisfaisante si on ne lui comparait pas celle filmĂ©e en 2011 au ThĂ©Ăątre Bolshoi de Moscou de la nouvelle rĂ©alisation chorĂ©graphique de Yuri Grigorovich dâaprĂšs Marius Petipa dans des dĂ©cors dâEzio Frigerio.
Moscou, 2011, on est avec cette nouvelle chorĂ©graphie dans une Belle au Bois dormant beaucoup plus acadĂ©mique. Câest cette production qui a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e rĂ©cemment en direct dans les cinĂ©mas. Les dĂ©cors de Frigerio qui Ă©voquent Versailles sont somptueux mais parfois un peu trop solennels et les Ă©clairages de Vincio Cheli manquent de nuances.
Svetlana Zakharova, la ballerine romantique la plus demandĂ©e actuellement, est absolument irrĂ©prochable techniquement avec ce rien de froideur dont elle ne se dĂ©pare jamais. David Hallberg, premier AmĂ©ricain Ă ĂȘtre engagĂ© comme danseur principal au BolchoĂŻ, un Prince DĂ©sirĂ© impeccable lui aussi et aux sauts impressionnants, mais trĂšs nuancĂ© dans son expression.
La FĂ©e des Lilas de Maria Allash est au-delĂ de la virtuositĂ© une bonne comĂ©dienne et Carabosse, ici jouĂ©e par un homme, Alexey Ovcharenko, en fait juste un peu trop ! On se prend parfois Ă regretter le fondu de la version londonienne qui en fait un vĂ©ritable show. Ici on est dâavantage dans le grand ballet Ă numĂ©ros mais de trĂšs haute volĂ©e. LâOrchestre du ThĂ©Ăątre BolchoĂŻ dirigĂ© par Vassily Sinaisky nâa rien Ă envier Ă celui de Covent Garden et a plus de musique Ă jouer, les coupures Ă©tant moins nombreuses. Choix difficile certes mais passionnant !
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