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DOSSIERS |
16 octobre 2024 |
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Les irremplaçables de Jordi Savall
Marin Marais
Pièces de viole du 4e Livre : Suitte d'un Goût Etranger.
Jordi Savall, basse de viole
Ton Koopman, clavecin
Hopkinson Smith, guitare baroque et théorbe
Astrée-Naïve ES 9932
Dans le retour à Marin Marais, le rôle de Jordi Savall aura été (une fois de plus) celui d'un pionnier providentiel. Avec un joyau incontournable au sommet : cette Suite d'un Goût Etranger, tirée du 4e Livre de Pièces de Viole. Un bouquet de onze miniatures magiques où se distinguent, entre autres, les ambiguïtés modulantes du Labyrinthe, La Rêveuse (le tube du film “ Tous les matins du Monde ”) et les sidérantes figurations de L'Arabesque, soudain ombrée d'une troublante prémonition romantique. Et il y a, atout décisif, les intuitions fondatrices de l'approche, par la grâce d'intercesseurs qui, tour à tour discrets, graves, fringants, habités, mènent aux secrets des Muses
La Folia
oeuvres de Corelli, Marin Marais, MartÃn y Coll, OrtÃz & anonymes.
Ensemble Hespérion XX
Jordi Savall, viole et direction
Alia Vox AV 9805
C'est d'abord la mémoire de la Folia, ce rythme majeur des Espagnes, que Jordi Savall réveille dans cet album, véritable symbole d'un savoir-faire porté ici à son firmament.
Au-delà , ce parcours accompagne la danse fameuse dans sa destinée européenne, revisitant au passage un pan précieux du répertoire baroque. Que ce soit chez Corelli ou Marin Marais, le grand jeu de la variation instrumentale se déploie : un domaine où le Catalan et les siens excellent, faisant leur miel tant du défi virtuose que du geste incantatoire. Aux malades de cette folie, toute guérison est refusée.
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Canciones y danzas de España
chansons et danses de l'époque de Cervantès.
Hespérion XX,
Direction : Jordi Savall
EMI “ Reflexe ”
Peut-être l'album le plus inspiré de la Saga. Un tableau de société vibrant, sensible, contrasté, où la sévère Espagne institutionnelle du Siècle d'Or ne peut masquer celle populaire et spontanée des petites gens. Mieux qu'un reflet : une incarnation, d'abord dans l'évocation des danses, ardentes, nostalgiques, bigarrées (l'urgence de la Chacona A la Vida bona). Puis, dans le ton attristé des Romances qui jalonnent comme autant de stèles la longue histoire de la Reconquista et où la voix d'éternité de Montserrat Figueras nous interpelle, complice indissociable à tout jamais de l'aventure savallienne.
Claudio Monteverdi
Les Vêpres de la Sainte Vierge.
La Capella Reial de Catalunya
Coro del Centro Música Antica di Padova
Direction : Jordi Savall
Montserrat Figueras, Maria-Cristina Kiehr, Livio Picotti, Paolo Costa, Guy de Mey, Gerd Turk, Gian-Paolo Fagotto, Pietro Spagnoli, Roberto Abbondanza, Daniele Carnovitch. 1 album de 2 CD Astrée-Naïve ES 9936
À l'aube des fastes baroques, les Vêpres de la Vierge de Monteverdi sont un formidable “ atelier de modernité ” qui introduit à l'office le lyrisme et les affetti de l'opéra qui vient de naître. En tout cas, le méditerranéen Savall a su y faire vibrer mieux que tout autre la ferveur polyphonique (les psaumes) avec l'effusion monodique (les concerti sacri pour solistes).
De ce va-et-vient permanent entre le sanctuaire et le siècle, monte une théâtralité fondamentale, stimulée par un diapason à 440 Hz, gage de couleur, de dynamisme, de bonheur rythmique (la danse mystique du Nisi Dominus). Essentiel et fascinant, aujourd'hui comme il y a douze ans.
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La Lira d'Esperia
Jordi Savall, Lira, Rebab et Vièles
Pedro Estevan, percussion
Astrée-Naïve ES 9952
À l'écoute d'un “ chant des origines ”, Jordi Savall défriche et décrypte ici l'obscur passé qui a préparé, dès le Moyen Age, l'avènement de son instrument favori : la viole.
“ Lira d'Esperia ” annonce le titre. Ce qui veut dire que le présent cheminement est en étroite relation avec l'Hespérie. En d'autres termes, l'Espagne et, tout autant, l'Italie. Dans ce patient travail où le musicologue a son mot à dire aussi bien que l'interprète, deux types d'oeuvres fortement différenciés revivent. D'abord, un répertoire de cour, emprunté aux istampitte (estampies) et danses du Trecento, et aux Cantigas d'Alphonse le Sage. Puis une sélection de pages populaires ancrées dans un patrimoine plus ou moins incertain (séfarade, berbère, algérois), mais voisin, de toute façon, de la mémoire ibérique.
En tout cas, c'est le Savall des grands jours qui y opère : un virtuose sidérant passant des vièles à archet à la lira à six cordes (le plus proche ancêtre de la viole) et au rebab. Un jongleur se réveille ici, qui s'acharne à arracher au temps ces musiques des commencements. Des musiques en état de veille (le Lamento séfarade de la plage 2), ou encore en état de transe (l'Istampitta In Pro). Dans cette préhistoire acoustique où la notion de concert - non plus que de répertoire et de public - n'existe pas encore, l'effet Savall s'avère magique : celui d'un pionnier, d'un “ voyant ” trouvant sa voie d'interprète dans la nuit des siècles. Il faut fêter la réédition, chez Naïve, de l'un des fleurons les plus signifiants de la saga discographique écrite par le musicien catalan.
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Georg Friedrich Haendel
Water Music & Royal Fireworks Music
Le Concert des Nations
Direction : Jordi Savall
Astrée-Naïve ES 9920
D'entrée, la prouesse est là , qu'a priori l'on n'attendait pas : loin de ses rives méditerranéennes, Jordi Savall conduit la barge royale de la Water Music en pilote festif et en chef inventif, à faire rougir d'envie les champions du camp britannique. Parfois, un grain de folie point, tout aussitôt dominé, contrôlé par un Concert des Nations qu'on a rarement connu plus motivé. Couleur des sons, fièvre ou abandon des tempi : Maître Jordi propose ici comme une “ vitrine ” de ce que peut offrir aujourd'hui l'école d'interprétation baroque. Et, en complément, la Royal Fireworks Music laisse la même sensation de joie, avec la gloire d'une Ouverture qui tourne à l'hymne et les relances tonifiantes d'un Allegro ivre de rythmes et d'espace.
Sélection réalisée par Roger Tellart
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