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DOSSIERS |
26 avril 2024 |
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53e Concours de Jeunes Chefs d’Orchestre de Besançon
À l’issue d’une édition 2013 qu’il aura dominée d’un bout à l’autre, malgré la concurrence certaine de candidats aguerris à l’exercice, le Taïwanais Yao-Yu Wu a remporté sans faire le moindre pli le Concours de Jeunes Chefs d’Orchestre de Besançon. Chronique d’une ascension fulgurante sur une petite semaine de compétition.
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1/8 de Finale
Lundi 16 septembre – Kursaal
Beethoven : Symphonie n° 4 (premier mouvement)
Orchestre Victor Hugo Franche-Comté
Première surprise d’un 53e Concours de Jeunes Chefs d’Orchestre de Besançon largement féminisé et « taïwanisé », le jury décide de n’auditionner les candidats que sur le premier mouvement de la Quatrième Symphonie de Beethoven, alors que l’ouverture des Hébrides de Mendelssohn était censée lui partager l’affiche pour cette phase liminaire. Nous aurons donc droit vingt fois de suite à la même pièce, que l’Orchestre Victor Hugo Franche Comté (ex-Orchestre de Besançon) servira sans faiblir durant quelque six heures d’épreuves.
Le risque de limiter à une seule pièce ces 1/8 de finale est d’autant plus grand que ce tour de chauffe est généralement celui où les phases d’ennui se multiplient devant le manque d’expérience, de métier ou tout simplement d’idées de candidats aux niveaux très divers. La première série, programmée à 14h30 et juste interrompue par une pause de vingt minutes, ne facilitera d’ailleurs guère la digestion.
C’est finalement celui qui ouvre le bal, le Polonais Szymon Makowski, qui laissera l’empreinte la plus durable dans son rendu sonore et sa manière d’aborder la Quatrième Symphonie de Beethoven, vive, nerveuse et d’une juste tension, malgré une gestique (sans baguette) serrée, haute, souvent crispée, et un trac du tonnerre.
Car plus les candidats passent, plus on regrette le premier, tant le quart d’heure dévolu à chaque chef peut s’avérer long sous certaines baguettes. Les uns moulinent, accélèrent dans les transitions, donnent l’impression de s’excuser d’être là , pendant que d’autres affichent un style affecté et vieillot.
On s’étonne parfois du résultat sonore de certains candidats ne payant pas de mine. Ainsi de la Taïwanaise Hsien-Wen Tseng, toute petite, cheveux dans les yeux, bouche ouverte à la manière de la carpe, avec sa gestique minimaliste, qui obtient un résultat probant, avec une bonne énergie, même si elle se perd dans des explications pas assez synthétiques.
L’Américain Scott Voyles affiche un style de communication à l’anglo-saxonne très rôdé, mais ne tient guère ses troupes, et sous un air débonnaire, envoie quelques remarques un peu humiliantes à l’orchestre, du style : « C’est pourtant simple, soit c’est crescendo, soit c’est diminuendo ! »
D’une gestique d’ancienne école, le Russe Mikhail Letonyev, de belle autorité naturelle, se perd dans le débit soporifique de ses demandes aux musiciens, tandis que la Taïwanaise Kai-Hsi Fan, dont seuls les mocassins dénotent le sexe, s’essaie à un jeu de cordes senza vibrato mais se contente pour le reste de régler quelques bricoles, ne menant jamais ses intentions à leur terme.
Le soir, le niveau décolle enfin. Grande attraction de cette édition 2013, la présence du plus jeune candidat jamais arrivé en phase finale du Concours de Besançon, l’Allemand Nicolò Umberto Foron, tignasse rousse et visage glabre, qui du haut de ses quinze ans, commence par donner une impression de stabilité assez rare à cet âge, et ne manque pas d’idées, formulées à l’orchestre du haut d’une petite voix qui n’a pas encore mué.
Mais on a souvent l’impression qu’il dirige un orchestre imaginaire, sans répondre vraiment au retour sonore de l’Orchestre Victor Hugo. Enfant prodige flanqué d’un père qui ne le lâche pas d’une semelle, au point de générer des tensions avec le règlement stipulant que toute présence extérieure est interdite lors des mises en loge, l’adolescent a la vie devant lui pour parfaire un art encore très frais.
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Petite parenthèse comme en apesanteur ensuite lors du passage du Taïwanais Yao-Yu Wu, silhouette frêle mais d’une grande élégance, battue économe et concentrée, et pour la première fois insufflant du mystère et des couleurs d’attente à l’introduction lente. Très beau legato de cordes, excellente précision dans l’Allegro, et gestique certes un peu narcissique mais d’une plasticité à couper le souffle ; on en redemande.
S’il est un candidat qui parvient à faire passer son message par le regard plus que par le geste, il s’agit bien de l’Iranien Sohrab Kashef, dont les gros yeux et le plissement de sourcils déclenchent un raz-de-marée de timbales, jusque-là plutôt effacées, et lancent un Allegro viril et musclé, produit d’un travail efficace plus que de gestes un peu chaotiques.
Le Hongrois Huba Hollóköi, à la gestique très cadrée, n’hésite pas à interrompre l’orchestre à tout bout de champ pour exiger un travail approfondi, tant au niveau des cordes que des vents. Très précis dans ses demandes, ne lâchant à aucun moment le morceau, il reste de surcroît l’un des chefs ayant le meilleur contact avec les instrumentistes.
La concurrence se fait rude avec le Coréen Hyun-Jin Yun fait lui aussi très bonne impression, en demandant avant de lever la baguette qui joue quoi dans les cuivres, dans un souci de dialogue concret avec les musiciens. Belle tenue du geste, bon réglage des contrastes, et un peu de travail de détail par pupitre : tout cela fait du bien après les approximations de l’après-midi.
Pour clore une journée éprouvante, l’Allemand Kiril Stankow, à l’air soucieux, arrête l’orchestre au bout de deux mesures et travaille d’emblée avec précision et en divisi. Il dirige bas, il dirige peu, et c’est tant mieux tant l’Allegro semble rouler tout seul, vif et sans épaisseur. Une élocution claire aide de surcroît le jeune trentenaire au CV enviable à obtenir ce qu’il veut de l’orchestre, tout en douceur.
La seule surprise des délibérations concernera leur brièveté, le public entendant sonner la cloche d’annonce des résultats au bout d’un petit quart d’heure seulement. Sont qualifiés pour les quarts de finale les candidats cités plus haut à l'exception de Foron, soit une moitié de l’effectif des ces 1/8 de finale.
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