1/4 de Finale
Mardi 15 septembre – Kursaal
Verdi : Ouverture de la Force du destin
Janáček : Taras Bulba (premier et deuxième mouvements)
BBC Symphony Orchestra
Après la période classique, incursion dans le lyrisme romantique et le raffinement timbrique de la musique tchèque. Le CJCO de Besançon est admirablement conçu en ce qu’il permet de balayer le plus largement la notion de grand répertoire, afin de jauger au mieux la vastitude du bagage musical des candidats.
Devant les caméras d’ARTE, qui commence sa diffusion intégrale des épreuves sur Internet, l’Orchestre de Besançon a cédé la place à celui de la BBC, et en conséquence, devant le niveau de la formation britannique, les chefs se font moins loquaces, quitte à en perdre parfois l’usage de la parole. On a même l’impression que certains n’attendent qu’une chose, le tintement de la cloche salvatrice secouée par la compositrice et membre du jury Édith Canat de Chizy pour annoncer la fin de leur tour.
Dernière candidate française en lice, Alexandra Cravero fait plutĂ´t bonne impression dans Verdi, mais semble moins Ă son aise face Ă l’orchestre, notamment pour ce qui est de s’exprimer en anglais. Surtout, son travail sur Janáček s’avère dĂ©cevant par rapport Ă hier.
Marek Šedivý, qui commence par une déclaration d’admiration d’une honnêteté douteuse vis-à -vis de l’orchestre, paraît toujours aussi balourd dans un Verdi d’une lenteur écrasante, dépourvue de toute italianità . En bon musicien d’Europe centrale, il se tirera nettement mieux de Taras Bulba, avec enfin un vrai sentiment de naturel dans une partition sous sa baguette.
Andrew Gourlay, qui ne nous avait pas vraiment emballĂ© jusqu’à prĂ©sent, offre enfin la flamme qu’appelle la Force du destin, et se rapproche du bon tempo, avec un excellent tranchant. Son Janáček sonne, il fait confiance Ă l’orchestre, sans trop dĂ©composer ni vraiment travailler non plus.
Toujours friand d’anecdotes, Henry Shin, dont ce sera le tour de casser sa baguette, poursuit son travail imagé, en demandant aux instrumentistes de reproduire dans Verdi l’effet de « l’explosion d’une pastèque » ! Reste que son travail sur Taras Bulba semblera interminable.
Quant Ă la toute menue Yuko Tanaka, elle en impose par ses coups de sabre dans un Verdi Ă la poigne de fer, d’une Ă©nergie conquĂ©rante, qui obtient par le seul geste un maximum de donnĂ©es pour lesquelles tant d’autres ont besoin de recourir Ă la parole. Dans Janáček, elle joue la prudence en dĂ©composant pour que l’orchestre reste bien sur les rails, avec un petit cĂ´tĂ© martial.
Le soir, Tomohiro Seyama dirige concentré, à la Ozawa, et se fait très bien comprendre. Surtout, il parvient à insuffler à l’orchestre un cantabile inédit jusqu’alors dans Taras Bulba.
Effet inverse avec Domingo GarcĂa, qui s’échoue dans un Verdi Ă©lĂ©phantesque, gras, du goĂ»t le moins italien, et de la mĂŞme manière dans un Janáček ultra romantique, quasi mahlĂ©rien, oĂą tout sonne trop fort et Ă©pais. La grande dĂ©ception du jour.
Kazuki Yamada efface cette dĂ©convenue en trois accords de Verdi, qu’il veut courts, serrĂ©s, intenses. Du bout du geste, il parvient Ă des micro-nuances et Ă un climat central d’un magnifique lyrisme sans sentimentalitĂ©, tout comme il parviendra Ă un excellent Ă©quilibre entre main de fer et libertĂ© pour les solistes instrumentaux dans Janáček. On sent surtout Ă nouveau un vrai mĂ©tier.
Si l’on n’avait pas Ă©tĂ© très sensible aux options du tout jeune Alexander Prior hier, on ne peut plus regarder ce soir sa gestique convulsive et tout sauf Ă©conome, ni endurer le contre-sens de son Verdi d’une incommensurable pesanteur, de son Janáček engluĂ©, diluĂ©, figĂ©, lĂ encore complètement en dehors des rĂ©alitĂ©s de la partition.
En contraste, Rossen Gergov, qui ressemble dĂ©cidĂ©ment beaucoup Ă Roberto Alagna, dont il a mĂŞme les intonations de la voix parlĂ©e, n’en apparaĂ®t que plus comme l’un des favoris du concours. Les silences de son Verdi sont habitĂ©s, son tempo avance avec un vrai feu intĂ©rieur et de l’électricitĂ©, son Janáček, vif et acĂ©rĂ©, très Mitteleuropa, ne s’enlise Ă aucun moment. On se rapproche de vraies sonoritĂ©s d’orchestre typiquement XXe, un peu Ă la BartĂłk.
Les dĂ©libĂ©rations se font plus longues, moins Ă©videntes, pour savoir qui accĂ©dera Ă la demi-finale en deux parties de demain, l’étape sans doute la plus complexe. Cette fois, l’écrĂ©mage est moindre, six des dix candidats pouvant espĂ©rer participer aux Ă©preuves d’opĂ©ra et d’oratorio. Sans surprise, Kazuki Yamada, Rossen Gergov et Tomohiro Seyama, les trois plus brillants de la journĂ©e, sont qualifiĂ©s. Domingo GarcĂa est maintenu lui aussi malgrĂ© ses errances, tout comme les outsiders Henry Shin et Yuko Tanaka.
Dommage pour Andrew Gourlay, qui avait pourtant signé l’un des meilleurs Verdi de cette confrontation ! On s’interrogera d’ailleurs sur la part accordée par le jury à la technique et au travail purement musical, ce dernier nous paraissant la pierre d’achoppement pour une majorité des concurrents.
Complément :
Vidéo ARTE de l’intégralité des 1/4 de Finale – Épreuve de l’après-midi
Vidéo ARTE de l’intégralité des 1/4 de Finale – Épreuve du soir
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