Die Zauberflöte
Accueillie avec un immense « ouf ! » de soulagement par toute une frange du public salzbourgeois traumatisé l'été passé par le deuxième acte de Graham Vick et son Sarastro en gourou de maison de retraite, cette Flûte enchantée de Pierre Audi a fait partie des spectacles les plus largement applaudis de Mozart 22. Rien à redire en effet à cette mise en scène aux couleurs tantôt éclatantes et bariolées – le monde de Papageno –, tantôt nocturnes et wilsoniennes – la scène de l'Orateur, les figures géométriques du temple de Sarastro –, qui ne néglige jamais le merveilleux et laisse foisonner les symboles. Passé un premier quart d'heure un peu mou, la machine à délivrer du rêve et de la magie s'enclenche, sans omettre un seul bruitage météorologique. L'action est respectée à la lettre, avec en prime un certain esthétisme dans les décors et costumes.
Au niveau musical, Salzbourg a mis également les petits plats dans les grands. Seconds rôles comme protagonistes sont excellents, des Knaben aux Dames, du Sprecher vieilli mais immense tragédien de Franz Grundheber au Papageno très Liedersänger de Christian Gerhaher – nous avions eu droit à Markus Werba, moins fin chanteur mais comédien plus aguerri – du Sarastro d'apparat de René Pape à la Papagena parfaite d'Irena Bespalovaite, du Monostatos bien chantant de Burkhard Ulrich à cette miraculeuse Pamina qui a pour nom Genia Kühmeier, l'un des plus magnifiques timbres mozartiens entendus depuis Gundula Janowitz, aux aigus plus radieux les uns que les autres.
Sans doute aujourd'hui un rien à l'étroit dans le T-shirt taille M de Tamino, le ténor taille L de Paul Groves s'arrange au mieux du lyrisme intermédiaire du dernier Mozart, de manière nettement plus égale que lors de la représentation du 19 août, où Diana Damrau avait également connu quelques irrégularités. Lors de ces captations de juillet, sa Reine de la nuit, sans atteindre toutefois au souvenir impérissable de 2002, reste parmi les meilleures titulaires du rôle. Riccardo Muti se plonge quant à lui dans les Zaubertöne du Philharmonique de Vienne, et laisse comme souvent l'orchestre ronronner et scintiller, non sans un charme certain.
Une magnifique Flûte, qu'on persiste à penser moins appropriée à la modernité scénique générale de Mozart 22 que ne l'était celle de Graham Vick, mais irréprochable en soi.
Yannick MILLON
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Die Zauberflöte, Singspiel en deux actes, K. 620 (1791)
Livret d'Emanuel Schikaneder
René Pape (Sarastro)
Paul Groves (Tamino)
Genia Kühmeier (Pamina)
Christian Gerhaher (Papageno)
Irina Bespalovaite (Papagena)
Diana Damrau (la Reine de la nuit)
Inga Kalna (Première dame)
Karine Deshayes (Deuxième dame)
Ekaterina Gubanova (Troisième dame)
Membres des Wiener Sängerknaben (Knaben)
Franz Grundheber (Orateur / Premier prêtre)
Xavier Mas (Deuxième prêtre)
Michael Autenrieth (Troisième prêtre)
Burkhard Ulrich (Monostatos)
Simon O'Neill (Premier homme en armes)
Peter Loehle (Deuxième homme en armes)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Riccardo Muti
mise en scène : Pierre Audi
décors : Karel Appel
costumes : Jorge Jara
Enregistrement : Salzburg, Großes Festspielhaus, 29/07-04/08/2006
2DVD Decca « Mozart 22 » 074 3159
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