Si, au niveau discographique, Noël 2005 pouvait se résumer à un cadeau emblématique, il s'agirait pour sûr de l'intégrale Mozart proposée par Brilliant classics à un prix défiant toute concurrence. 99 € (jusqu'au 31 décembre) pour l'ensemble de l'oeuvre mozartien regroupé en 8 volumes et 170 CD, voilà sans doute la plus belle affaire que le monde du disque ait proposé depuis belle lurette !

D'autant que la qualité est le plus souvent au rendez-vous. On pouvait craindre une intégrale de bric et de broc, mais l'ensemble se tient tout à fait et affiche même un niveau global excellent. Autre surprise, Brilliant a opté pour des interprétations très récentes, si possible dans une optique philologique, par d'excellents artistes flamands, dans des acoustiques très satisfaisantes – l'église Maria Minor d'Utrecht au premier chef.

Volume I : les Symphonies

Ainsi, on trouvera avant tout une passionnante intégrale des symphonies par Jaap Ter Linden et la Mozart Akademie Amsterdam, dans une approche sur instruments d'époque d'un parfait classicisme, ne dénigrant ni opulence ni puissance quand nécessaire. Et quelle tenue, quelle lisibilité dans la polyphonie ! On redécouvre une kyrielle de détails trop souvent couverts par un vibrato ici réduit au minimum. À noter que si la version alternative du mouvement lent de la Symphonie parisienne manque, on a droit aux deux versions de la 40^e (avec et sans clarinettes).

Volume II : les Concertos

Le volume II affiche une belle cohésion également. Derek Han dans les concertos pour piano n'a peut-être pas le plus subtil des touchers, mais tient sa partie – sur piano moderne – avec un grand professionnalisme et s'avère fort bien accompagné par le Philharmonia Orchestra et Paul Freeman. Hormis une Symphonie concertante pour violon et alto un peu tristounette, et pour les instruments à vent la déception de concertos pour flûte au son forcé, aucune réserve pour une somme tout à fait honorable – jusqu'à un superbe Concerto pour flûte et harpe.

Volumes III et IV : Musique d'ensemble et musique de chambre

Les musiques d'ensemble et de chambre présentent grosso modo les mêmes caractéristiques : superbes prestations pour les ensembles à vents (les inimitables sonorités flamandes) ou les enregistrements philologiques des ensembles avec cordes ; prestations plus communes (sauf pour les premiers quatuors par les excellents Sonare) pour le reste – Quatuor Franz Schubert de Vienne dans les grands quatuors et Orlando dans les quintettes notamment.

Volume V : Musique pour piano

De même, on savourera certainement avec plus de délices les sonorités des instruments historiques convoqués pour les variations et pièces pour clavier que le piano moderne plus standard des sonates par Klara Würtz, encore que le jeu de la pianiste hongroise soit un modèle de probité.

Volumes VII et VIII : Airs de concerts et Lieder, Opéras

Le volume consacré aux airs de concert et Lieder tient tout à fait la route, tout comme celui dévolu aux oeuvres lyriques, dans lequel la griffe musicologique de Jed Wentz et son Musica ad Rhenum fait des miracles dans les petits opéras (Ascanio in Alba, Il sogno di Scipione, Mitridate, Il Re Pastore) comme dans la Clémence de Titus, avec toujours une solide équipe vocale de quasi inconnus. Sylvain Cambreling défend d'excellents Lucio Silla et Finta giardinera ; Sigiswald Kuijken une trilogie Da Ponte mue par un souffle dramatique parfaitement prenant – la scène finale de Don Giovanni –, même si on ne trouve pas ici de somptueuses individualités dans les distributions mais un esprit de troupe qui fait bloc contre les défaillances de chacun. Enfin, dernier petit luxe, Charles Mackerras et de solides plateaux pour l'Enlèvement au sérail et la Flûte enchantée. Au sein d'une discographie opératique à la concurrence plus que rude, Brilliant s'en sort avec les honneurs.

Volume VI : Musique religieuse

Finalement, le maillon faible reste le volume de musique sacrée, ou plus exactement dans les pièces liturgiques les lectures souvent ternes de Nicol Matt – battue lourde et souvent brutale, choeur droit – desservies de surcroît par des solistes vocaux très insuffisants – le Requiem et sa soprano particulièrement ingrate. Mais le reste est de belle facture – musique maçonnique et Grabmusik par la Wiener Akademie de Martin Haselböck notamment.

Conclusion

À ce prix, un coffret incontournable, où manquent dans certaines distributions quelques détails – au hasard le nom des Dames dans la Flûte, des solistes masculins dans les Vêpres d'un confesseur – et à la présentation forcément un peu cheap – pochettes papier toutes simples, au moins classées par couleur en fonction des genres, et boîtier en carton pas très solide – mais une somme qui risque, en premier lieu pour des raisons pécuniaires, et en second lieu pour des raisons musicologiques, de faire de l'ombre, voire d'éclipser l'intégrale Philips qui propose pourtant dans le détail des intervenants beaucoup plus prestigieux.

Un seul conseil : sautez sur l'occasion et ruez-vous chez vos disquaires les plus proches, en espérant que ceux-ci ne soient pas en rupture de stock, le coffret étant d'ores et déjà victime de son succès




Et surtout, joyeux Noël à tous !